�Je garde un regard d�enfant !� Emu, un tantinet timide, le c�ur gonfl� de bonheur, Tayeb Arab, qui revient dans son pays natal apr�s trente ans d�absence, s�est exprim� avec beaucoup de sinc�rit�, samedi dernier, devant des amis et des journalistes au cours d�une rencontre conviviale au restaurant Zhori sis � El Biar. L�artiste peintre, qui est connu dans le milieu des m�dias pour ses caricatures et ses dessins de presse pertinents, a expliqu� qu�il voulait exposer ses 300 �uvres dans son pays natal, car il se sent pr�t pour le faire � ce moment pr�cis. �Je sentais, a-t-il dit, qu�il �tait temps pour moi de revenir pour exposer mes toiles.� Tayeb Arab est l�arch�type de l�artiste qui se cherche, se recherche, n�accordant nul cr�dit � la m�diocrit� car le but reste inexorablement la cr�ation. �Si on n�a pas de bagage intellectuel, de culture, de v�cu, on ne peut pas cr�er�, a-t-il affirm� sur un ton p�remptoire. S�agissant de son parcours hors du commun car, faut-il le rappeler, Tayeb Arab est pass� du dessin de presse � la caricature pour enfin donner la pleine mesure � son talent et son art dans la peinture, il explique vendredi dernier que �tout artiste peintre doit exceller dans le dessin. C�est le cas de Picasso, s�il ne ma�trisait pas son m�tier, il n�aurait convaincu personne avec ses personnages tordus�. Tayeb Arab a choisi de vivre dans le Sud de la France �pour son climat chaud qui ressemble � celui du pays�. Il s�y est install� en faisant construire un atelier o� il travaille sans rel�che vivant comme un esth�te d�ailleurs, c�est ainsi qu�il se d�finit. Isol� du reste du monde avec lequel il a un contact uniquement quand il sort faire ses 40 km � v�lo pour rester en forme. Son attache, sa muse s�appelle Arlette Casas. Elle est la pr�sidente des amis d�Arab et c�est gr�ce � elle si aujourd�hui son travail est rendu public. R�alisatrice, elle pr�pare un film sur l�artiste, intitul� Destin d�encre c�est aussi le th�me g�n�rique sous lequel seront expos�es ses �uvres � partir du 19 mars au 17 avril au palais de la culture Moufdi-Zakaria � Alger sous le patronage du minist�re de la Culture. Cette exposition est la premi�re d�une s�rie qui se d�roulera � Oran et � Paris. Ceux qui ont connu l�artiste, ses amis et ses coll�gues disent de lui que c�est un homme engag�, humaniste, un bosseur peu loquace qui aime passionn�ment son travail. Son parcours est unique. Arlette dit de lui que �la g�n�ration des cinquante ans se souvient encore de ces caricatures qui ont "habit�" la R�publique d�Oran � la fin des ann�es 1960 et jusqu�au milieu des ann�es 1970. Ces traits �l�gants, cruels, parfois tendres disaient l�indicible de l�horreur des guerres, l�insupportable l�g�ret� des hommes politiques, l�injustice et se moquaient avec tendresse mais aussi col�re des travers des Alg�riens. Ils accompagnaient aussi les grands chantiers de l�Alg�rie ind�pendante (r�volutions agraire, industrielle et culturelle). Au milieu d�un discours officiel peu contest�, seule La R�publique dirig�e par Bachir Rezzoug osait s�attaquer � tous les probl�mes et les dessins d�Arab faisaient passer avec humour des messages que tous pouvaient d�chiffrer�. Cet artiste �multidisciplinaire� est n� � Oran dans une famille modeste, d�un p�re ouvrier dans une cimenterie et d�une m�re au foyer de sant� fragile. Depuis l�enfance, il dessinait mais rien dans son environnement social ou familial ne le pr�disposait � faire une carri�re d�artiste. Lorsqu�il quitte le coll�ge avec un CAP d��lectricien, il pr�f�re travailler comme peintre en lettres pour la publicit� murale. Mais il est si mal pay� qu�il devient contrebandier, seule fa�on de sortir sa famille du besoin. Son p�re au ch�mage, suite � la fermeture de la cimenterie, n�arrive plus � faire face aux dettes qui s�accumulent, et � 15 ans, Arab doit subvenir aux besoins de sa famille. Il traverse la fronti�re, se rend au Maroc, dort dans des cimeti�res, soudoie des douaniers, des chauffeurs de bus et ram�ne des disques indous, des cuivres, des tissus de velours brod�s qu�il revend dans son quartier�. Elle ajoute : �Passionn� depuis l�enfance par le dessin, il en envoie quelques-uns � la rubrique jeunes talents de La R�publique qui lui consacre un article �logieux et lui propose un emploi de "telexman" mais il va devenir en tr�s peu de temps le ma�tre incontest� de la caricature alg�rienne et publiera en moins de dix ans plus de 7 000 dessins et caricatures. Arab, dessinateur autodidacte de 18 ans, est parrain� par des artistes comme l��crivain Kateb Yacine et le peintre Mohamed Issiakem qui collaboraient alors � La R�publique. Il est alors incontestablement le p�re de la caricature alg�rienne, et certains commentateurs le surnomm�rent le �Daumier� alg�rien. Il int�gre rapidement l�intelligentsia militante de gauche alg�rienne, et soutient toutes les luttes aussi bien nationales qu�internationales. Il fr�quente assid�ment la cin�math�que, le th��tre professionnel et amateur, cr�e des affiches pour Alloula, milite pour d�fendre les arts plastiques, organise des expositions collectives avec Hankour et Zerouki et aide de jeunes artistes. En1981, il s�installe � Paris et collabore au bimensuel Afrique Asie dont la politique �ditoriale lui rappelle La R�publique, mais la vie parisienne ne lui convient pas, il n�arrive pas � peindre et il quitte en 1983 Paris pour Orl�ans o� il peut enfin reprendre la peinture tout en envoyant ses dessins au journal, mais la nostalgie du soleil et de la M�diterran�e lui font choisir en 1986 de s�installer dans le sud de la France o� il r�side encore aujourd�hui � la campagne, pr�s de Montpellier, au milieu des ch�nes verts et des oliviers.�