10…9…8…Le compte à rebours a commencé….7…6…5…Cinq images formant un « pic » (*) improvisé s'affichent sur les écrans TV du monde entier qui suit en direct, avec une attention soutenue et un frisson d'excitation, cet évènement historique…4…3…2…Le moment tant attendu depuis des siècles par les peuples du Maghreb arrive enfin…1…0… ! Il est minuit pile. Les barrières frontalières qui séparaient les pays du Maghreb se lèvent en même temps. Gros plan de l'image 5 du « pic » : frontière tuniso-libyenne, la barrière levée cède le passage aux files de voitures qui s'alignaient de part et d'autre de la frontière depuis le matin, dans l'attente de cet évènement historique. Les véhicules passent sans s'arrêter, devant les policiers et douaniers des deux pays, déchargés de leurs fonctions frontalières, et occupés uniquement à prendre des photos de ces instants mémorables. Le drapeau de l'UMA est exhibé par tous les véhicules, des cris de joie et des youyou fusent de partout, on entendrait presque les manifestations de fierté et d'immense bonheur qui jaillissent en même temps des millions de foyers maghrébins. Plus de contrôle de passeports, plus de formalités de douanes, la circulation est libre dans les deux sens, à peine gênée par les obstacles en béton qui marquaient la défunte frontière. Des ouvriers tunisiens et libyens, mêlés les uns aux autres au gré de leur désir, attendent que le flux de véhicules s'estompe quelque peu pour entreprendre la démolition des constructions frontalières. Un deuxième mur tombe, après celui de Berlin, en attendant celui de la Palestine. L'image 5 se rétrécit au fond de l'écran pour céder peu a peu la place à l'image 4 : la frontière algéro-tunisienne. Mêmes scènes de véhicules qui s'entrecroisent des deux cotés de la frontière, avec toutefois un flux de véhicules plus important dans le sens Algérie-Tunisie. Que de vieux souvenirs de files interminables devant les postes frontaliers des deux pays sont refoulés au fond des mémoires. Désormais, on fera le trajet Alger-Tunis sans s'arrêter nulle part, si ce n'est pour se ravitailler en carburants. ———————————————– (*) « pic », affichage simultané de plusieurs chaînes TV. Puis, survient l'image 3 : Zoudj Bghal, frontière algéro-marocaine, fermée depuis 1994, et qui s'ouvre enfin devant les familles partagées de part et d'autre de la frontière, sans possibilité de se rendre visite, si ce n'est en faisant le détour par Oran et Casablanca pour prendre l'avion, alors que quelques dizaines de kilomètres a peine séparent Oujda de Tlemcen. Voilà bien une parfaite illustration d'un proverbe arabe pour qualifier une situation ridicule : « Où es ton oreille ? La voici », en gesticulant de la main droite pour montrer l'oreille gauche ! Gros plan sur l'image 2, frontière du Sahara Occidental, occupé par le Maroc, avec la Mauritanie : mêmes scènes de liesse, de joie, de bonheur intense, les drapeaux marocains et mauritaniens sont ramenés, et on hisse à leur place un seul drapeau, celui de l'Union du Maghreb Arabe. Désormais, les tribus bédouines qui vivaient depuis des siècles à cheval sur les frontières entre la Mauritanie, le Sahara Occidental, le Maroc et l'Algérie, n'auront plus à exhiber de papiers quelconques pour effectuer leur transhumance, ni à subir de tracas : « Que transporte-tu dans tes bagages ? ». La voie est libre, vive le Grand Maghreb arabe ! Ne reste plus à visionner en gros plan que l'image 1 : le monde entier est tenu en haleine, toutes les frontières ayant déjà été passées en revue, que reste-t-il à voir ? L'image 1 tant attendue s'affiche enfin à l'écran : frontière algéro-marocaine au niveau de Tindouf ! Une colonne militaire, composée de chars suivis de camions de transport de troupes, surgit à droite de l'écran et s'engouffre en territoire sahraoui occupé jusque-là par les forces armées marocaines. A la tête de cette colonne apparaît Mohamed Abdelaziz, le président de la défunte République Arabe Sahraoui Démocratique. De l'autre coté de la frontière, l'attendent des troupes marocaines avec à leur tête le général commandant la zone Sud Maroc, qui relève directement de l'autorité du roi Mohamed VI. Le monde entier retient son souffle : que va-il se passer ? Une nouvelle guerre des sables en direct ? Les deux corps armés sont maintenant face à face. Mohamed Abdelaziz descend calmement de son véhicule blindé, pendant que le général marocain s'avance vers lui tout aussi sereinement. Les deux hommes échangent le salut militaire, puis s'embrassent chaleureusement devant leurs soldats au garde à vue. Le général marocain donne un ordre strict, on lui ramène aussitôt un drapeau plié en triangle. Le drapeau marocain ? Que non. Le général déploie le drapeau, et l'exhibe bien haut dans le ciel. C'est le nouvel étendard de l'Union du Maghreb Arabe ! Des flashs fusent de partout, tout un chacun voulant garder des photos souvenirs de ces moments historiques qui se produisent rarement dans l'histoire des peuples. Le général tend le drapeau avec solennité à Mohamed Abdelaziz. Celui-ci le prend avec précaution et respect. Les deux hommes se dirigent ensemble vers un mat dressé au niveau de l'ancienne borne qui séparait les deux frontières. Chacun d'eux est suivi par un soldat de son contingent respectif. Les quatre hommes, d'un même mouvement synchronisé, accrochent l'étendard du Maghreb sur le mat, et le hissent bien haut. « Garde à vous ! », ordonne une voix partie d'on ne sait où. Tous les soldats, marocains et sahraouis au début de la cérémonie, devenus uniquement maghrébins maintenant, se redressent et bombent leurs torses de fierté difficilement contenue. Un moment de recueillement fige sur place toute l'assistance, y compris les journalistes présents venus couvrir l'évènement, tant le soulagement est grand de ne plus avoir à se faire la guerre entre frères, tant le bonheur est immense en cet instant tant espéré par tous les peuples de la région. « Repos », ordonne la même voix. Le général, non plus marocain mais maghrébin, salue de nouveau Mohamed Abdelaziz, et ordonne la mise en route de ces troupes, drapeau de l'UMA en tête : direction le nord, Rabat, mission terminée. De son côté, Mohamed Abdelaziz, non plus président de la RASD mais Secrétaire Général de l'Union du Maghreb Arabe, ordonne la marche vers le coté opposé, drapeau de l'UMA sur tous les véhicules : direction le sud, El Ayoun, proclamée capitale du Maghreb. Soulagement, et admiration dans le monde entier, voilà une source potentielle de conflits définitivement fermée. Hors du Maghreb, dans toutes les capitales arabes du Caire à Mascate, on ne cache pas sa fierté et son bonheur : « Mabrouk, Alf Mabrouk pour nos frères maghrébins, bientôt notre tour In Chaa Allah, bientôt l'Unité du Monde Arabe ! ». « Un rêve ? Oui, mais l'avenir n'est-il pas la réalisation des rêves du passé ? ». Lectures: 3