Marie Verdier, La Croix, 26 janvier 2012 Mourad Dhina: Fondateur du mouvement d'opposition Rachad Dans une lettre ouverte adressée au premier ministre François Fillon, une dizaine d'ONG s'insurgent contre l'arrestation et la détention, depuis dix jours, à Paris, de l'opposant Mourad Dhina, dont l'Algérie réclame l'extradition. L'histoire tragique de son pays, l'Algérie, a fait basculer son destin. En janvier 1992, lorsqu'un coup d'état militaire fait sombrer l'Algérie dans la guerre civile, Mourad Dhina est un jeune physicien de 31 ans qui travaille au Cern à Genève, le haut lieu mondial de la recherche en physique des particules. Il clame alors haut et fort son indignation face à la tournure politique des évé nements dans son pays et, par soli darité avec le Front islamique du salut, qui avait remporté les élections annulées, il adhère au parti que les militaires viennent de dissoudre (parti qu'il quittera en 2004). Depuis lors, sa vie s'est inscrite dans l'op position algérienne. Sans cesse in quiété, il sera contraint de quitter le Cern et de renoncer à sa carrière scientifique. La traque des autorités algé riennes, qui réclament son extradi tion depuis 2003, a connu dernière ment un dénouement qui a stupéfait les ONG de droits de l'homme. Mou rad Dhina, qui avait l'habitude de se rendre régulièrement en France, a été arrêté le 16 janvier à l'aéroport d'Orly, alors qu'il retournait en Suisse, son pays de résidence depuis près de vingt ans, où vivent sa femme et ses six enfants. Il est depuis lors maintenu en détention à la prison de la Santé à Paris. Dix ONG – dont la Fédération internationale des droits de l'homme – ont adressé une lettre ouverte au premier ministre, François Fillon, pour réclamer la libération de cette figure emblématique de l'opposition algérienne et surtout de ne pas l'extrader vers l'Algérie, où sa vie est menacée. La Suisse qui avait enquêté sur Mourad Dhina, accusé d'avoir créé un groupe terroriste armé à Zurich, avait refusé de répondre à une même demande d'extradition et délivré un permis de séjour « F », celui réservé aux étrangers qu'il convient de protéger d'un renvoi « inexigible ». « Mourad Dhina est un Erdogan algérien, il défend un islam compatible avec les droits de l'homme et la démocratie. Mais pour le gouvernement algérien il n'y a rien de pire que des islamistes autonomes », analyse Lahouari Addi, politologue à SciencesPo Lyon. Or, ces derniers temps, le mouvement d'opposition Rachad qu'a créé Mourad Dhina en 2007, dans le seul but de faire tomber le régime algérien, a pris de l'ampleur et a persisté à refuser tout dialogue avec le pouvoir algérien. La manifestation qu'il a organisée le 11 janvier dernier devant l'ambassade d'Algérie à Paris, vingt ans jour pour jour après le coup d'Etat de 1992, a été perçue comme une provocation. Pour les ONG, si la France décidait de l'extrader, elle violerait la Convention européenne des droits de l'homme et se rendrait complice d'un régime qui veut le réduire au silence.