Par Caroline Vigoureux | Etudiante en journalisme | 09/08/2008 | 16H23 Passé à tabac par des inconnus, le jeune homme veut faire reconnaître le caractère islamophobe de son agression. « Je me suis fait tabasser parce que j'étais musulman. » Molesté dans la nuit du 24 au 25 juillet, alors qu'il rentrait chez lui, Nouredine Rachedi n'a aucun doute sur le motif de son agression. Deux semaines après, toujours sous le choc, ce statisticien de 30 ans revient sur les faits, et dénonce une « montée de l'islamophobie en France ». Ce soir-là, comme à son habitude, Nouredine Rachedi rentre chez lui, en coupant par le parc de Guyancourt, dans les Yvelines. Selon son récit des faits, un peu avant une heure du matin, il croise deux individus qui lui demandent, d'un ton très sec, une cigarette. Une autre question plus étrange s'en suit : savoir s'il est musulman. Nouredine répond par l'affirmative. Puis c'est un interrogatoire : « Depuis combien de temps tu es en France ? », continue l'un deux. Nouredine explique qu'il y est né, qu'il y a toujours vécu. L'individu lui demande ensuite ce qu'il pense de la situation en ex-Yougoslavie, quelques jours après l'arrestation de Radovan Karadzic, ex-dirigeant des serbes de Bosnie, accusé notamment d'avoir organisé le massacre de 8 000 musulmans à Srebenica. Nouredine Rachedi demande pourquoi il veut savoir tout ça. A l'en croire, la réponse que lui donnent ses agresseurs est claire: « Parce que nous sommes des nazis. » Puis ils mettent fin à la conversation pour le tabasser. « Ça y est, c'est bon, on se casse! », lâche l'un des deux individus quelques secondes plus tard. Nouredine dépose plainte. Le caractère raciste de l'agression n'est pas relevé Après avoir reçu, une fois à terre, plusieurs coups de pieds sur l'ensemble du corps et sur la tête, Nouredine se relève et appelle les secours. L'unité médico-légale de Versailles lui diagnostique des plaies au crâne, plusieurs hématomes sur le corps et le visage, et un pneumothorax (déplacement du poumon). Vingt et un jours d'incapacité temporaire de travail (ITT) lui sont reconnus. Le 25 juillet dans la journée, Nouredine dépose plainte auprès du commissariat. La police qualifie l'affaire de « violences volontaires aggravées en réunion ». Grâce à des photos, Nouredine identifie l'un de ses agresseurs. Trois jours plus tard, il revient au commissariat demander pourquoi le caractère raciste n'a pas été retenu sur sa plainte. La police lui indique qu'il faut en faire la demande auprès du procureur. Pour Nouredine, aucun doute: « Ils sont venus vers moi parce que je suis de type maghrébin. C'est parce que j'ai répondu que j'étais musulman qu'ils m'ont tabassé. » Il dénonce « la normalisation de l'islamophobie, et plus généralement des thèses d'extrême droite en France » Son avocat relève deux hypothèses qui justifieraient le fait que la police n'ait pas relevé le caractère raciste de l'agression, circonstance aggravante dans ce type de cas. « Il est possible que la police reste très précautionneuse avant de qualifier un acte de raciste, par peur de porter cette responsabilité. Elle peut également subir une certaine pression, et ne veut pas que les statistiques d'agressions racistes augmentent. » Sur les conseils de son avocat, Nouredine décide de solliciter l'attention des médias et des associations. Il reçoit immédiatement le soutien des Indigènes de la République, association dénonçant le racisme post-colonial. Aujourd'hui, Nouredine garde un goût un peu amer: « Si il n'y avait pas eu cette considération médiatique, il n'y aurait pas eu cette attention portée à mon dossier. Alors que ce genre d'affaire devrait être une priorité. » Sur Internet, certains dénoncent l'asymétrie entre la relative indifférence qui entoure cette affaire et le traitement réservé à l'agression, qualifiée d'antisémite par le parquet, du jeune Rudy, passé à tabac dans le XIXe arrondissement de Paris au mois de juin, qui avait immédiatement soulevé une vague d'indignation. Sur un forum: « C'est scandaleux, faut faire un buzz dessus » Un sentiment de colère s'exprime, comme sur le site du Mouvement des indigènes de la République : « C'est scandaleux, faut faire un buzz dessus, en montrer que oui, il existe des agressions islamophobes. Parce que TF1 et compagnie ne nous aident pas, il n'y a pas que les juifs qui se font agresser. » « Où sont les condamnations des philosophes et observateurs français ? Où sont les cris d'indignations ? On ne les verra probablement pas, l'islamophobie étant, à ce jour, acceptable et acceptée. Lorsqu'elle n'est pas acceptées, elle est combattue mollement. » Dans un forum de musulmans pratiquants sur lequel est inscrit Nouredine et où il a raconté son agression, un internaute s'insurge : « Pour avoir connu ça, un Arabe qui se fait tabasser c'est pas grave! » Un autre dénonce : « Voilà où mène le matraquage islamophobe par les médias. » « On s'est attaqué à Nouredine spécifiquement pour sa religion musulmane » Pour l'avocat du jeune homme, ce qui est marquant dans cette affaire, c'est qu'avant « le racisme s'exprimait en fonction de la couleur de peau. Ici, c'est la question de l'appartenance religieuse qui est au centre de l'agression ». « C'est la première fois que j'ai affaire à une agression de ce genre. On ne s'est pas attaqué à Nouredine pour son origine maghrébine, mais spécifiquement pour sa religion musulmane. Cette agression est révélatrice de la montée du sentiment anti-musulman en France ». Nouredine se rendait vendredi au tribunal de grande instance de Versailles, pour que l'affaire soit requalifiée. Pour la suite des évènements, il se dit « optimiste mais lucide »: « L'élan de soutien et de solidarité dont je bénéficie me donne beaucoup d'espoir. Mais je reste lucide. Je m'attends déjà aux réactions qui tendraient à minimiser ou nier le fait que c'est parce que je suis musulman que je me suis fait agressé ». Photo : Nouredine Rachedi (DR).