Délégation du médiateur de la République à Blida : plus de 3.100 citoyens accueillis en 2024    AOMA: conversion prochaine des revues de l'Association en versions électroniques    Audition parlementaire 2025 de l'ONU: l'Algérie affirme son engagement à réaliser les ODD    Des vents forts sur plusieurs wilayas du sud lundi    Djanet : large affluence du public aux journées d'information sur la Garde républicaine    Chaib prend part à une rencontre consultative avec l'Association des médecins algériens en Allemagne    L'Armée sahraouie cible des bases des forces de l'occupant marocain dans le secteur de Farsia    Une caravane de solidarité chargée de 54 tonnes d'aide humanitaire pour la population de Ghaza s'ébranle de Khenchela    Attaf reçoit un appel téléphonique du Premier ministre libanais    Cyclisme/Tour d'Algérie 2025 (8e étape) : 76 coureurs au départ de la 8e étape, longue de 197,8 km    Ouverture du capital de la BDL: souscription de 85 % des actions proposées en bourse jusqu'à présent    Baisse des incendies de forêts de 91% en 2024    Protection civile: poursuite des campagnes de sensibilisation aux différents risques    La commercialisation du lait de vache subventionné a permis de baisser la facture d'importation de la poudre de lait de plus de 17 millions de dollars    Des auteurs algériens et européens animent à Alger les 15e Rencontres Euro-Algériennes des écrivains    Victoire de l'Erythréen Maekele Milkiyas    Au service de l'Afrique…    Les dossiers non résolus de l'occupation coloniale    La délégation parlementaire algérienne rencontre la présidente de l'UIP    Le ministre de la Santé reçoit une délégation du SNPEP    Justice pour les Africains !    Le Salon du e-commerce « ECSEL EXPO » du 22 au 24 février    Equitation: Faouzi Sahraoui élu à la tête de la Fédération équestre algérienne    Exposition nationale du livre à Oran : vers la création à l'ANEP d'une plateforme numérique pour les auteurs    un cri du cœur pour les Jardins Broty    Croissant-Rouge algérien Lancement à partir de Blida de la campagne de «Solidarité Ramadhan»    «Il faut une transformation à grande échelle au Sahel »    Al Qods : Des colons juifs prennent d'assaut la mosquée Al-Aqsa    Maîtriser la clef de voute du nouvel ordre mondial, les nouvelles technologies de l'information    Le roi Charles III reçoit les leaders musulmans et juifs après les «Accords de réconciliation»    Adoption des bilans de l'exercice 2024    Le fair-play a élevé le niveau de la rencontre    Troisième édition du Salon « West Export » : promouvoir le produit local    Ouverture à Batna de la 9e édition    Ballalou préside un atelier du comité scientifique    Cyclisme/Tour d'Algérie 2025: 78 coureurs au départ de Boussaâda        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le Liban, un an après Hariri…
Sept jours à Beyrouth (I)
Publié dans Liberté le 01 - 02 - 2006

Au long de nos “Carnets d'Orient”, le lecteur a pu suivre, sur le vif, des instantanés de notre voyage au Moyen-Orient en ce mois de janvier, voyage qui nous a conduit précisément au Liban et en Syrie afin de nous enquérir de la situation dans ces deux pays, un an après l'assassinat de l'homme d'affaires libanais et ancien Premier ministre, Rafik al Hariri. Dans le travail de terrain que nous proposons à partir d'aujourd'hui, nous allons revenir avec plus de recul, plus de détails, sur la situation qui prévaut actuellement dans la région, à travers une série de reportages, en mettant l'accent sur la vie de tous les jours, les “petits destins” de la vie quotidienne au Proche-Orient... Pour autant, on ne négligera pas l'apport et l'éclairage de fins observateurs de la scène politique syro-libanaise, à travers un certain nombre d'entretiens croisés, effectués tant à Beyrouth qu'à Damas, le tout accompagné de rappels historiques nécessaires, à notre sens, pour comprendre le “background” des conflits qui ont embrasé et continuent de secouer cette région ô combien sensible du monde…
Les chauffeurs de taxi sont la vitrine d'une nation. Fouad incarne parfaitement cette loi. Fouad, “taxieur” au volant d'un gros Tout-terrain Chevrolet, qui me ramène de l'aéroport vers l'hôtel, me brosse un tableau complet du pays en 20 minutes de trajet : la crise politique, le surendettement (il parle de 40 milliards de dollars de dettes, chiffre évidemment farfelu), l'écart qui se creuse entre les riches et les pauvres suite à la reconstruction de Beyrouth, etc. Et, comme tous les Orientaux, il est près de ses sous, et, qu'il soit sunnite, maronite, crypto-chiite ou mutant druze, il ne croit qu'en un seul dieu : le dollar. Le culte du dollar. De fait, ici, on est en pleine “dollarisation” de la vie sociale, pour paraphraser feu Samir Kassir. C'est le libéralisme à l'orientale, le “capitalisme marchand aigu” si caractéristique de l'économie du Machrek dans toute sa férocité et sa laideur, comme l'illustre la faune de vautours et de rabatteurs qui se jettent sur vous dès votre arrivée à l'aéroport. Fouad tient à son bakchich. C'est 30 dollars la course et 10 de pourboire pour avoir tourné un peu à la rue Al Hamra, quartier commerçant du centre-ville où se trouve la plus grande concentration d'hôtels, au milieu de fast-foods, de kababjis, de bijoutiers, de boutiques de mode et autres “sarrafine”, les incontournables cambistes si utiles aux touristes. En ce moment, 1 dollar vaut 1 500 livres libanaises. J'ai débarqué de nuit, en ce mardi 3 janvier, à l'aéroport international Rafic-Hariri, un édifice rutilant construit en quelques années par le bâtisseur du Liban, à qui la nouvelle aérogare beyrouthine doit son nom. Il fait 16° sur le tarmac. Une heure de décalage horaire avec Alger. Trois heures et demie de vol à bord d'un Airbus qui va jusqu'à Dubaï. Beyrouth m'accueille d'emblée par ses lumières chatoyantes, ses boutiques chics et ses prix chocs, comprendre hot. Prix moyen d'une chambre d'hôtel à Chariâ al Hamra, 80 dollars en haute saison pour un trois étoiles. Le prix grimpe facilement jusqu'à 100 dollars. “Beyrouth est une ville trop chère. Hina ma indinache fanadiq taâbana”, explique Fouad. Une “police touristique” (sic) veille à ce que les hôtels soient bien tenus et entretenus. Toujours est-il qu'en cette période de l'année et surtout de la vie du pays marquée par la série d'attentats qui ont ébranlé la capitale libanaise, les hôteliers n'ont pas trop intérêt à forcer sur les tarifs.
Sur la Corniche meurtrière
Dès le lendemain de mon arrivée, “pèlerinage” obligé au lieu de l'attentat qui, près d'une année auparavant, avait coûté la vie à l'ancien Premier ministre et milliardaire libanais Rafik Al-Hariri, ainsi qu'une vingtaine de passants. Au niveau du Saint-Georges où a eu lieu l'attentat, tout près de la mer, les séquelles de cette violente déflagration sont encore nettement visibles sur les façades des bâtiments alentour. L'énorme cratère occasionné par la déflagration a été bouché, mais l'un des immeubles alentour, complètement éventré et laissé en l'état, témoigne encore de la puissance de l'explosion. L'enceinte est toujours sous surveillance policière. À peine ai-je dégainé mon appareil photo, que des hommes en uniforme se sont mis à hurler : “Mamnou' ! Mamnou' ! Interdit !.”
Petit tour sur la corniche, du côté de Minet-Al-Hosn. Le front de mer me rappelle beaucoup Oran, avec les palmiers qui ponctuent ses trottoirs. Des rangées de pêcheurs à la ligne vont chercher le poisson au milieu d'un grand brouhaha festif. Des filles font du jogging sans être embêtées. D'autres du roller. Des familles se promènent. Des ivrognes éructent leur mal-être. Des cireurs de chaussures proposent un coup de chiffon à 1 dollars. Des soldats sont postés près d'un engin blindé, en face d'une statue de Gamel Abdenasser. L'un d'eux se fait cirer les bottes en s'adossant à la balustrade qui borde le front de mer. Un agent de nettoiement traque la moindre saleté. De grosses berlines dernier cri fendent le boulevard. Une guitare électrique géante décore un resto branché. La vie grouille, grouille, les gens, pauvres ou riches, vaquent à leurs occupations, même si le réveil beyrouthin est un peu lent le matin.
Un type m'apostrophe soudain. La trentaine consommée, il a l'air en détresse. Il dit s'appeler George. Il est du Sud. “Please… money… I need money to go at home”, grommelle-t-il dans un anglais approximatif. Il éclate en sanglots en me racontant son histoire. Il fait partie de ces milliers de Libanais broyés par la guerre avant d'être éjectés par l'après-guerre comme de vulgaires selles humaines. Je lui explique que je suis Algérien et il s'extasie : “Oh, I love you Algeria ! I Love you Algeria !” Nous faisons quelques pas et il se livre à moi : “J'habite dans les fermes de Chabaâ, tout à fait dans le Sud. Là-bas, il y a encore une présence partielle de l'armée Israélienne. Ils ont tué mon père et blessé ma mère à la jambe. J'ai une ribambelle de frères et sœurs à nourrir. Je suis venu ici chercher du travail. Où que je vais, on me chasse. On me dit : “Ma fi choughl.” Cela fait trois jours que je n'ai rien mangé. Je dormais à l'hôtel, mais là, je passe mes nuits sur la corniche, faute d'argent.” George pleure de plus belle, mais Beyrouth n'a cure de ses larmes.
Au “martyrologue” de Sahat Al Chouhada
Je remonte de la corniche en longeant l'avenue Minet-Al-Hosn et me dirige d'un pas flâneur vers Sahat-Al-Chouhada. Sahat-Al-Chouhada est le nœud urbain du centre-ville de Beyrouth. En s'en approchant, une immense mosquée aux hauts minarets et aux splendides coupoles de couleur bleue domine le paysage, donnant le dos à des ruines antiques (des bains romains) et couvrant de son ombre impérieuse les statues emblématiques de la Place des Martyrs. C'est Jamaâ Al Amine, signé là encore R. H. Des panneaux clôturant la mosquée font étalage des prodigieuses réalisations du “bâtisseur martyr”, exhibé en casque et tenue de chantier. De toute façon, les portraits de Hariri sont omniprésents. Où que se porte votre regard, le sourire de Hariri vous suit. Hariri est-il réellement mort ? On en vient à en douter avec toute cette iconographie qui meuble la vie beyrouthine. C'est fou comme l'homme fait consensus après sa mort, lui qui était si violemment critiqué de son vivant par ses (nombreux) détracteurs. “Liadjli iâmar Loubnane” (pour la reconstruction du Liban) pavoise un slogan de Solidere, la très controversée Société libanaise de développement et de reconstruction, méga-entreprise qui a accaparé le gros des marchés de la reconstruction de Beyrouth, et dont Hariri était le principal actionnaire. Juste à proximité, un chapiteau sous lequel repose le corps de Hariri. À l'intérieur, des portraits du “E-Raïs Al Chahid” et des autres victimes, croulants sous des tonnes de fleurs. Le lieu se veut sobre, dans l'esprit de la tradition sunnite. Pas de mausolée. Pas de monument funèbre. Que des fleurs. Une voix psalmodie le Coran sans discontinuer. Un compteur électronique indique en chiffres rouges le nombre de jours écoulés depuis la sombre date où l'irréparable fut commis (le 324e à mon passage). Des visiteurs affluent toute la journée, se recueillent sur sa dépouille en récitant la fatiha (s'ils sont musulmans) et repartent discrètement sous l'œil d'un service d'ordre vigilant et d'hommes en uniforme. Une certaine tension se lit sur les visages. Une certaine crispation. Sentiment de deuil permanent. Je traverse la chaussée et c'est une tente que je trouve : c'est “Moukhayyam al houriyyé” (le camp de la Liberté). Il est tenu par les jeunes, les “chebab” des Forces du 14 Mars, conglomérat politique regroupant des militants hétéroclites, melting-pot de toutes les sensibilités anti-syriennes. “Dans le mouvement, il y a de tout : des chrétiens, des musulmans, des aounistes, des joumblattistes, des gens de la gauche démocratique, du Courant du Futur (Tayar al moustaqbal) de Saâd Hariri, des FL (Forces Libanaises) de Samir Geagea...” m'explique-t-on. Toujours est-il que ce “forum” est loin de regrouper tout le spectre politique et social qui a alimenté les manifs du 14 mars 2005 auxquelles il doit son nom. D'ailleurs, le mouvement s'est essoufflé et ce n'est qu'après l'assassinat de Joubrane Tuéni, le 12 décembre dernier, qu'il a repris du punch. La tente de la liberté se veut surtout un martyrologue en hommage aux “chouhada al houriyya” : Samir Kassir, Joubrane Tuéni, May Chidiac (quoi que la star de la LBC ait miraculeusement survécu à l'attentat dont elle a été la cible le 25 septembre 2005). La nuit du 31 décembre, les jeunes Beyrouthins, soucieux d'entretenir la flamme du 14 mars, l'avaient passée ici. Il y avait une autre raison à cela : des attentats étaient annoncés pour les fêtes de fin d'année. Mais rien ne s'est passé. Ouf ! On touche du bois…
“Al Haqiqa”, “The Truth”
Sous la tente, des fanions aux couleurs du Liban, des petits cèdres exposés comme des images d'Epinal, et partout, partout, ce slogan : “Al Haqiqa”, “The Truth”, la vérité sur la mort de tous ces gens. Ferveur politique. Ambiance militante. Envie de faire quelque chose. De bouleverser l'ordre des phénomènes, de déchaîner les éléments... Des panneaux pédagogiques tentent d'expliquer le sens du combat que mènent ces jeunes. Leur plate-forme de revendications est ostensiblement affichée, résumée dans ce code : “Freedom 06”, ou encore : “06 = Houriya”. Comprendre : 2006 = l'année de la liberté. La formule fait pendant à celle qui avait cours avant : “05 = Indépendance.” Le message est clair : oui, les troupes syriennes ont quitté le Liban mais pas la Syrie. Pas les “moukhabarate” syriennes. La preuve, Emile Lahoud, l'homme de la Syrie, Président illégitime au nom des anti-Syriens, siège toujours au palais de Baâbda. Ils exigent donc le départ de Lahoud, la fin du terrorisme qui continue, selon eux, à menacer les figures de l'opposition anti-syrienne libanaise, et la création d'une commission d'enquête internationale sous l'égide de l'ONU, qui étendrait ses prérogatives à tous les assassinats politiques commis au Liban depuis une année. Je discute avec un groupe de jeunes.
Choukeir, une jeune fille de 18 ans, une chrétienne, étudiante en marketing et coiffeuse à ses heures creuses, estime que l'action doit continuer jusqu'à la libération totale du Liban des convoitises syriennes, car elle est persuadée que la Syrie continue à “piloter” le pays du Cèdre à distance : “Nous voulons un Liban uni. Nous voulons que la Syrie nous laisse en paix. L'armée syrienne est partie mais ses agents sont toujours là.” Un autre jeune renchérit : “Les travailleurs syriens nous ont pris notre job. Ils font tous les boulots au rabais. Beaucoup de patrons d'entreprises sont des Syriens. Ils ont profité à fond des ressources de notre pays du temps de l'ihtilal. Ils ramènent les gens de leurs patelins et les embauchent au détriment de la main-d'œuvre libanaise, car la main-d'œuvre syrienne est moins chère.”
Racisme anti-syrien
On l'aura compris, les sentiments anti-syriens sont à fleur de peau au camp de la Liberté. Pour ces jeunes, il ne fait aucun doute que c'est la Syrie qui se dresse derrière la série noire des assassinats. Outre les exactions prêtées aux services syriens incarnés par le redoutable ancien chef du renseignement syrien à Beyrouth, Rostom Ghazalé, on reproche au “grand frère” d'avoir lourdement monnayé sa “médiation pacificatrice” par toutes sortes d'abus. Ainsi, sur le plan économique, les Syriens se seraient largement servis. Aussi comprend-on l'animosité suscitée à l'encontre des travailleurs syriens, sitôt parties les troupes de Bachar Al Assad. Dès les premières agressions, les Syriens se sont mis à quitter massivement le pays. Plusieurs cas de Syriens lynchés m'ont été signalés. Il y a même eu mort d'homme, sans qu'un bilan des ressortissants syriens tués après l'affaire Hariri soit jusqu'à présent rendu public, y compris à Damas, tant les choses se sont passées dans l'anarchie la plus totale. Un coiffeur syrien rencontré à Sabra, 25 ans, qui vit à Beyrouth depuis deux ans, originaire de Deir-Ezzour, et qui n'a pas souhaité révéler son nom, raconte comment il a été agressé à Ashrafiyé, quartier chic chrétien de Beyrouth-est : “Il faisait nuit, c'était peu de temps après l'assassinat de Hariri. Cinq jeunes m'ont rudement accosté, me soupçonnant d'être Syrien. Je leur ai affirmé que j'étais Libanais. Ils m'ont alors dit sur un ton menaçant : “si tu étais Syrien, on t'aurait lynché.” Mais j'ai un ami qui a été tabassé à mort simplement parce qu'il avait le tort d'être Syrien.” Certains, au plus fort des manifs, interpellaient des personnes qu'ils soupçonnaient d'être de l'autre bord et les obligeaient à crier : “Souria itlahi barra” (Syrie dehors !), le slogan phare des événements du 14 mars. L'intellectuel et écrivain politique Karim Mroué, qui m'a aimablement reçu au siège de la célèbre revue Attariq, qu'il anime, s'est dit outré par ces comportements qui frisaient le racisme et les a condamnés énergiquement : “Il y a eu, suite aux manifestations du 14 mars, des comportements anti-syriens condamnables. Il faut comprendre que 30 ans de présence répressive syrienne a donné inévitablement lieu à des comportements chez les Libanais qui étaient racistes par certains de leurs aspects. C'est là une attitude que je n'admets pas. Malgré tout ce qu'a commis la Syrie au Liban, le responsable reste le régime syrien et non pas le peuple syrien, qui mérite toute notre solidarité.”
Le Prophète
Un peu plus bas que le “sanctuaire” de Rafic Hariri se dresse un immense building rutilant orné d'un portrait géant de Joubrane Tuéni saluant de sa main les foules. Un serment qu'il a déclamé à la suite de l'assassinat de Hariri est placardé un peu partout, alternant avec les photos des autres martyrs. L'immeuble en question n'est autre que le siège du journal An-Nahar. Quelle coïncidence ! Il a fallu donc que les deux hommes, Rafic Hariri et Joubrane Tuéni, aient leurs quartiers généraux ici même et reviennent mourir en martyrs dans cette même Place des Martyrs, laquelle, désormais, porte bien son nom. C'est la topographie du sang. Une phrase de l'ancien député et directeur d'An-Nahar est désormais érigée en devise : “Al farq bayna adholma wa ennour… kalima” (la différence entre la lumière et les ténèbres tient en un seul mot). Ainsi, Beyrouth reste fidèle à sa réputation de ville intellectuelle, elle qui n'hésite pas à hisser ses intellos en prophètes, comme en témoigne cette grosse affiche annonçant en grande pompe le prochain spectacle de la lumineuse dynastie des Rahabina, une comédie musicale inspirée du chef-d'œuvre de Gebrane le “père”, Gebrane Khalil Gebrane. Oui : “Ennabi.” (le Prophète). Une source inépuisable de sagesse et de poésie dont Beyrouth et nous tous avons tellement besoin en ces temps fous, en ces temps incertains…
(À suivre).
Chronologie des derniers assassinats politiques au Liban
- 14 février 2005 : l'homme d'affaires et ancien Premier ministre, Rafic Hariri, est assassiné à Beyrouth dans un attentat à la bombe dans lequel 20 autres personnes, dont le député Bassel Fleyhane, sont tuées et 220 blessées. Hariri sera inhumé à la place des Martyrs, près de Jamaâ Al Amine, au cœur de Beyrouth, en présence de plusieurs centaines de milliers de personnes scandant des slogans anti-syriens.
- 2 juin 2005 : assassinat à Beyrouth de l'écrivain, journaliste et opposant anti-syrien Samir Kassir. Il était, entre autres, correspondant du Monde Diplomatique à Beyrouth.
- 21 juin 2005 : l'ancien secrétaire général du Parti communiste libanais, Georges Hawi, est assassiné dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth.
- 12 juillet 2005 : tentative d'assassinat du ministre de la Défense sortant, Elias Murr, proche de la Syrie. Le ministre est blessé tandis qu'une autre personne a été tuée.
- 25 septembre 2005 : la célèbre journaliste de la chaîne LBC, May Chidiac, est grièvement blessée dans l'explosion d'une bombe placée sous le siège de sa voiture, au nord de Beyrouth. May Chidiac se verra amputée d'un bras et d'une jambe. Elle était proche des Forces Libanaises de Samir Geagea (anti-syriennes).
- 10 décembre 2005 : Hussein Assaf, un cadre du Hezbollah, échappe à un attentat à la voiture piégée à Baâlbeck (nord-est du Liban).
- 12 décembre 2005 : le député, journaliste et directeur du quotidien An-Nahar, Joubrane Tuéni, est tué dans un attentat dans la banlieue de Beyrouth. Il venait tout juste de rentrer de Paris où il s'était réfugié.
M. B.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.