Avec la visite en Algérie, prévue demain, de la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, il est devenu très clair que ce sont finalement les thèses développées par notre pays qui vont finir par primer, en ce qui concerne la stabilisation de la situation et la maîtrise de la situation sécuritaire dans la bande sahélo-saharienne. Tout porte à croire qu'il n'y aura pas intervention militaire étrangère dans le nord du Mali. Du moins, pas dans le futur immédiat, comme l'avait ardemment souhaité la France. En effet, les efforts diplomatiques algériens, déployés, tous azimuts, donnent l'air d'avoir largement porté leurs fruits. Preuve en est, notamment, le changement d'attitude observé par la France, alors que les Etats-Unis d'Amérique, jusque-là indécis, auraient décidé de s'aligner sur la position défendue par l'Algérie. Preuve en est, la visite que compte effectuer en Algérie la Secrétaire d'Etat US, Hillary Clinton, à l'occasion de laquelle elle doit être reçue par le président Bouteflika. Il ne fait aucun doute qu'Alger mettra à profit cette occasion pour réitérer ses positions de principe, dont le bien-fondé a largement été démontré sur le terrain. Et, ce n'est pas peu dire. De fait, Washington qui, de tout temps, a reconnu le poids tout aussi stratégique qu'incontournable de notre pays dans la bande sahélo-saharienne, n'en finit plus de se rendre à l'évidence depuis que la France a accumulé les revers, et s'est mise à multiplier les revirements, dans ce qui était jadis sa «chasse gardée» traditionnelle, pour avoir été par le passé ses anciennes colonies. La France, en reconnaissant qu'une intervention militaire au nord du Mali n'allait finalement pas être de tout repos, et risquait même d'aggraver une situation qui l'est déjà bien assez sans cela, a implicitement donné raison à Alger. Paris, qui craint des attentats intramuros, a également réveillé de vieux démons, en provoquant une mobilisation tous azimuts dans le nord-Mali où, dit-on, des centaines de «jihadistes» affluent des quatre coins du monde pour repousser les quelque 3 000 soldats mobilisés par la Cédéao sur demande instante de la France. Il était clair depuis le début, et la France a fait montre d'une criminelle cécité politique et stratégique en l'ignorant, que toute velléité d'intervention militaire étrangère dans cette partie du monde allait provoquer une réaction violente et démesurée, comme cela avait déjà été constaté en Irak et en Afghanistan. Les Américains, qui en sont les malheureux auteurs, ne pouvaient donc pas ignorer les cris d'alerte lancés par Alger, d'autant que notre expérience en matière de lutte contre le terrorisme, et de prévention de ce fléau, a, à maintes fois, été saluée par Washington. LA FRANCE A GRILLE TOUTES SES CARTES En revanche, les USA avaient toutes les raisons de se méfier de la France. C'est, en effet, elle qui a généré la situation chaotique qui prévaut actuellement dans la partie septentrionale du Mali. Paris se trouve derrière la guerre enclenchée contre la Libye, et même l'assassinat de Kadhafi. Les conséquences qui en ont résulté, contre lesquelles Alger avait également tiré la sonnette d'alarme, sont tout simplement incommensurables. Outre les quantités phénoménales d'armements lourds et sophistiqués sorties des arsenaux de l'ancien Guide et tombés entre les mains des terroristes et des contrebandiers, amis des insurgés libyens, dont beaucoup sont d'anciens hauts responsables du GICL, la branche locale d'Al-Qaïda d'Oussama Ben Laden, il faut signaler aussi les milliers de touareg rentrés au bercail en catastrophe. Or, ces derniers, partisans de l'indépendance de l'Azawad à cause du refus de Bamako d'appliquer les Accords de paix d'Alger (là encore, sur instigation de la France), sont lourdement armés et bien entraînés pour les combats en zones sahariennes et steppiques. Leur mouvement, le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l'Azawad), a vite fait de défaire l'armée malienne régulière, allant carrément jusqu'à l'humilier, provoquant au passage un pronunciamiento en sus d'une gravissime crise politique à Bamako. Par la suite, les terroristes du MUJAO (Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest) et d'AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) ainsi que les islamistes d'Ançar Dine ont pris le contrôle des deux-tiers du territoire malien. Par ailleurs, c'est un véritable pavé dans la mare qu'a récemment jeté le terroriste Oumar Ould Hamada, alias «le barbu rouge», dans un entretien téléphonique accordé au journal français L'Express. En effet, des révélations d'une gravité extrême y sont contenues. DES VERITABLES SOURCES DE FINANCEMENT DU TERRORISME Confirmant les thèses émises par notre journal dans ses deux éditions précédentes, concernant le fait que Paris a bel et bien craint des attentats sur son territoire, ce qui l'aurait poussée à faire marche arrière dans sa décision d'entrer en guerre par procuration dans la partie septentrionale du Mali. À ce propos, donc, le "barbu rouge" ne va pas par plusieurs chemins pour abattre son jeu. Et ce qu'il dit donne tout simplement froid dans le dos : «il semble oublier (le président français François Hollande. NDLR) que beaucoup d'intérêts français, tels que les gisements d'uranium et les hydrocarbures, sont situés dans des zones que nous contrôlons. Nous avons le pouvoir de déstabiliser le quai d'Orsay et de nous débarrasser de François Hollande ou des personnes qui lui sont les plus proches : nous y travaillons chaque jour. Nous disposons d'éléments partout dans le monde, mobilisés dans cette traque.» Très sur de lui, sans que l'on puisse savoir s'il bluffe ou s'il dit vrai, Ould Hamada va jusqu'à qualifier de «tralala» la récente réunion de coordination qui avait eu lieu à l'échelle planétaire, sous l'égide de l'ONU, dans le but d'envisager une imminente intervention armée au Nord-Mali : «on dit, les chiens aboient, la caravane passe! Cela ne change rien à notre engagement. Nous n'avons pas peur de mourir. Ces pourparlers m'indiffèrent. Je suis occupé à d'autres affaires, sur le terrain. Nous sommes en mouvement permanent, à guider nos renforts déployés partout afin de sécuriser les frontières algérienne, mauritanienne, burkinabée et nigérienne. » Rien que cela ! Mais la révélation la plus fracassante reste à venir. Interpellé sur le fait que les activités criminelles de ces groupes sont financées, notamment, par le trafic de drogue, l'orateur dément formellement avant de s'exclamer pour dire «c'est vous qui financez le djihad ! Dix-sept pays européens paient des rançons pour qu'on laisse leurs ressortissants en paix. La France nous donne 40 millions par an. Nous sommes très riches! Un proverbe dit : "Coupez-lui les lèvres et faites les lui manger. les rançons données par la France seront utilisées contre elle». Sans avoir besoin d'aller plus dans les détails, force est de relever que cette situation chaotique, menaçant la stabilité et la sécurité de plusieurs autres pays, à commencer par le Niger, la Mauritanie et même l'Algérie, force est de relever que c'est la France qui se trouve à l'origine de tout ce chaos, et qu'il n'est donc pas normal de la suivre, ni de la prendre au sérieux, dans sa volonté d'aller vers une guerre par procuration, cela même si la chance de trouver une solution interne et concertée n'a eu de cesse de s'amenuiser à mesure que Paris persistait et allait plus loin dans les actes et les actions provocatrices. Voilà pourquoi, en tous cas, il est quasiment acquis que Washington une fois qu'elle aura écouté les arguments d'Alger, un pays incontournable dans la zone sahélo-saharienne, n'aura pas d'autres choix que de s'y plier si elle ne désire pas générer d'autres foyers de tension, au moment où la crise syrienne n'en finit plus de s'exacerber, risquant, elle aussi, de provoquer un nouveau conflit armé dans la zone proche-orientale. Kamel Zaïdi