Saâd Garboussi, président de la Chambre de commerce et d'industrie de Tébessa, et trois autres accusés, Zaoui Hocine, Allaoua Mohamed et Rezaïguia Mohcen, comparaîtront le 11 décembre devant le tribunal criminel de cette ville, dans l'affaire les opposant aux ayants droit du défunt Abdelhaï Beliardouh et le journal El Watan, constitué partie civile. Aussi doivent-ils être mis en détention au plus tard la veille du procès, comme la loi le stipule. Ainsi, ils avaient introduit un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre d'accusation de Tébessa, lequel pourvoi a été déclaré irrecevable par la Cour suprême le 19 avril 2012. L'affaire a été enfin enrôlée en cette quatrième et dernière session criminelle ordinaire de l'année en cours. «Après une bataille judiciaire qui a duré 10 ans, et malgré la fuite en avant de Garboussi et des trois autres accusés pour user de toutes les voies de recours, notamment devant la Cour suprême, laquelle a rejeté leurs pourvois par trois arrêts en 2008, 2010 et 2012, ils doivent rendre des comptes devant le tribunal criminel pour ce qu'ils ont fait subir au défunt Abdelhaï Beliardouh, entre autres, enlèvement et séquestration», nous dira Me Soudani Zoubeïr, avocat d'El Watan et des ayants droit de la victime. Après de nombreuses audiences depuis 2003, la cour de Tébessa avait confirmé le 7 février 2005, et ce, malgré l'appel du parquet et des accusés, le jugement d'incompétence matérielle du tribunal correctionnel rendu le 23 mai 2004, du fait que l'affaire relève du criminel. L'on se rappelle qu'avant cela, le représentant du ministère public avait requis l'incompétence du tribunal correctionnel ou, le cas contraire, 2 ans de prison ferme pour chacun des accusés. Le principal accusé, Saâd Garboussi, n'avait pas assisté au prononcé du tribunal de peur de faire l'objet d'un mandat de dépôt, comme la loi le permet. Saâd Garboussi et les trois autres accusés avaient alors introduit un pourvoi en cassation devant la Cour suprême, qui l'avait rejeté le 31 décembre 2008. L'instruction en la forme criminelle avait eu lieu à partir du 14 juillet 2009. Les audiences du procès en correctionnelle s'étaleront donc sur deux années ; bien qu'il y ait eu des moments de flottement, où toutes les entourloupettes emberlificotées et tentées par les agresseurs ont failli corrompre les rouages de la justice, celle-ci a quand même bien fonctionné ; elle a triomphé grâce à des magistrats épris d'équité et de liberté d'expression. Cependant, grâce aussi à des responsables serviles et corrompus, et malgré les antécédents qu'on lui connaît puisqu'ils ont été révélés et relevés publiquement et à plusieurs reprises lors de moult audiences, et outre le fait qu'il devait être renvoyé incessamment devant le tribunal criminel, Saâd Garboussi a pu se hisser à la tête de la même structure étatique, la Chambre de commerce et d'industrie, pour un énième mandat. Aussi, l'on se demande toujours comment il avait pu présenter un casier judiciaire B2 vierge, pièce maîtresse du dossier y afférent. Mais la justice triomphera une deuxième fois. Tant il est vrai que la vérité finit toujours par éclater. Rappelons les faits : le défunt avait été kidnappé par Saâd Garboussi et trois autres hommes dans la soirée du 20 juillet 2002 ; il avait été embarqué dans une voiture de marque Daewoo et dirigé vers la cave, ou les entrepôts de friperie de Saâd Garboussi. Il avait été séquestré, battu et humilié devant plusieurs témoins, sans parler d'autres sévices, que la victime avait emportés avec elle. Les agresseurs voulaient la source d'information ayant servi à la confection de l'article qui, paru le 20 juillet 2002 en page régionale, fait état (au conditionnel) de l'arrestation de Saâd Garboussi pour soutien au terrorisme. Passant outre la loi, ce dernier et ses acolytes avaient usé, le jour même, de violence et d'intimidations ; le journaliste avait fait l'objet de ce qui s'apparente carrément à une tentative de lynchage ou d'assassinat. Comble de l'humiliation, on lui avait fait triomphalement subir la «tournée d'honneur» à travers la ville. Alertée, la police n'avait rien fait sur le coup. Ni les gendarmes, et encore moins le wali. Pourtant, il faut le dire, le défunt avait énormément aidé ce dernier par ses écrits, qui sont là pour en témoigner. Le communiqué d'El Watan parlait alors «d'expédition punitive menée par un chef d'une mafia locale, (de) passivité, voire (de) complicité des services de sécurité et des élus locaux». Enfin, le 21 juillet 2002, la police est intervenue pour enregistrer la plainte déposée par le défunt Abdelhaï Beliardouh contre son agresseur, qui (le premier) sera entendu par la police le 22 juillet au matin. Cette grave «atteinte à la dignité humaine» a fait couler beaucoup d'encre et réagir des personnalités politiques ou autres, et plusieurs milieux, aussi bien ceux de la presse que d'autres organisations et des partis, la LADDH, le SNJ, le MDS, RSF, etc. Tous ont condamné cet «acte ignoble», dénoncé avec force le comportement des agresseurs et interpellé les autorités judiciaires à Tébessa pour que les auteurs répondent de leur forfait. Le 29 juillet de cette même année, Saâd Garboussi et les trois autres accusés sont mis sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction près le tribunal de Tébessa, après une confrontation des deux parties et des témoins à charge et à décharge, ayant duré du 28 juillet à 13h au 29 du même mois à 4h du matin. Trois témoins seulement en faveur de Abdelhaï Beliardouh ont été entendus. Pour Saâd Garboussi, il y en avait eu une douzaine. «La partie adverse, Saâd Garboussi et ses trois coaccusés, n'a pas nié le fait de m'avoir emmené avec elle au local du premier, mais celui de m'avoir agressé et humilié», nous disait alors le défunt en sortant du parquet. Ce qu'a eu à vivre notre collègue n'a pas de nom, après le supplice physique, celui moral l'a achevé. Soumis à une forte et intenable pression psychologique, Abdelhaï Beliardouh a attenté à sa vie en ingurgitant, le 19 octobre 2002, de l'acide pur. Transféré dans de terribles conditions à l'hôpital Mustapha Pacha à Alger, il y décédera dans la nuit du 19 (mardi) au 20 (mercredi) novembre 2002. Abdelwahab Boumaza