Extrait du livre : « Utopia, le cauchemar de Thomas More », par A. BADJADJA Alger, Club des Pins Sept heures du matin, il fait encore nuit en hiver... Les premiers invités (disons convoqués) arrivent. La noria des voitures officielles commence à défiler plus tôt que d'habitude. Cela surprend quelque peu les gendarmes déjà à leurs postes depuis six heures du matin. D'habitude les lève-tôt ne se présentent pas avant huit heures du matin, lorsque la réunion avec le chef de l'état est annoncée pour 09:00, tout un chacun sachant qu'en fait il faudra patienter au moins jusqu'à dix heures avant que les responsables convoqués ne soient invités à rejoindre l'immense salle de la coupole du Palais des Nations, lieu privilégié des grandes rencontres solennelles à Alger. Mais aujourd'hui est un jour différent, tous le ressentent ainsi, les officiels qui défilent, et les gendarmes qui les orientent tout au long du chemin vers le Palais des Nations. Certains responsables se font déposer par leurs chauffeurs devant l'entrée de la coupole, coquetterie à laquelle ils tiennent particulièrement, alors que les ministres et autres dignitaires habitent dans des villas super protégées, situées à quelques dizaines de mètres à peine du lieu de la réunion. Ceux-là refusent de faire le trajet à pied, "et puis quoi encore!". Toutes les voitures sont ensuite dirigées vers les parkings où elles sont alignées comme des sardines, en rangement continu, afin d'éviter la pagaille dont raffolent les chauffeurs, chacun d'eux voulant raccourcir au strict minimum le trajet que devra parcourir à pied "sa majesté" le responsable. C'est ça l'Algérie officielle, les apparences importent plus que les problèmes du petit peuple! Pourquoi venir si tôt, si l'on est sûr que la réunion ne commencera jamais à l'heure indiquée? En fait chacun des lève-tôt se présente avec une besace de cartes de visite, bien décidé à les distribuer à tout va, afin d'établir des contacts utiles, voire fructueux en logements à bas prix, lots de terrain pour privilégiés, postes de responsabilités pour la famille et les amis, peut-être de grosses affaires financières, "n'est-ce pas Abdelmoumen Khalifa and consorts?", et pourquoi pas bien se placer pour un futur remaniement ministériel. En effet, l'une des particularités de ces grandes rencontres officielles est de réunir dans un même espace toute la nomenklatura algérienne: Généraux majors influents, présidents des deux chambres du parlement, chef de gouvernement, ministres en vue, sénateurs et députés, côtoient des responsables de partis et d'organisations de masses, des directeurs généraux d'administrations centrales, des walis, des patrons de banques, d'entreprises nationales, voire privées..., et une multitude d'obscurs personnages sortis d'on sait où, et représentant on ne sait quoi, mais à coup sûr les premiers arrivés avec leurs lots de "business card". Les premiers nommés, généraux majors, chef et membres du gouvernement, présidents du parlement, sont surpris ce jour-là de se voir refouler de la porte d'accès privilégié, et dirigés "comble de la disgrâce" vers les portes réservées à "la piétaille". Seuls échappent à cette "disgrâce", les membres encore en vie du Comité des 22 qui avait déclenché la Révolution armée, ainsi que les anciens chefs d'état. Quant à nos "décideurs", les voilà faisant la queue avec de hauts fonctionnaires certes, mais des subalternes tout de même, lesquels saisissent aussitôt cette occasion inespérée pour commencer leur cour, et distribuer leurs cartes de visite, tout en osant glisser déjà quelques indécentes sollicitudes. Dans quel monde vivons-nous! Mais le calvaire des décideurs sera de courte durée, le personnel du protocole de la présidence, venu en force, ayant mis en place une dizaine de portiques de sécurité, avec un nouveau système d'identification ultrarapide pour absorber en un temps record la multitude d'invités-convoqués. L'opération se déroule en deux temps trois mouvements, au grand dam des responsables subalternes qui se retrouvent déjà éjectés des portiques alors qu'ils avaient à peine commencé à placer leurs cartes! Plus surprenant encore, tout ce beau monde se voit aussitôt intimé l'ordre de rejoindre chacun son siège dans la grande salle des conférences sans passer par la cafétéria pour un café matinal et quelque bavardage, ou commérage, et sans même l'occasion de s'attarder le long des couloirs, formant salles des pas perdus, histoire de saluer quelque connaissance. Autant d'occasions ratées pour le personnel subalterne, qui se voit ainsi privé d'approcher intimement quelque décideur pour tenter d'arracher une faveur. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, la réunion commencera bel et bien comme annoncée dans les convocations, pardon les cartons d'invitation, à 9:00 très précises! A 9:00 précises donc, la salle des conférences du Palais des Nations est archicomble: près de trois milles « cadres de la nation » s'entassent dans toutes les zones, chacune réservée à une catégorie particulière de responsables, les premiers rangs étant réservés aux généraux majors, aux présidents du parlement, du conseil constitutionnel et de la cour des comptes, au chef du gouvernement et ses ministres. La rangée centrale, située entre les généraux majors et les membres du gouvernement reste étrangement vide. Silence total dans la salle, pas un brouhaha, aucun chuchotement pour commenter les rangs respectifs des uns et des autres significatifs des positions acquises au sein de la nomenklatura. Les portes battantes du côté droit de la salle sont fermées et gardées par des éléments du service de sécurité de la présidence. Plus personne n'entre, interdiction de sortir. Les portes du côté gauche restent ouvertes parce que réservées à l'entrée du président. Voilà qu'un mouvement agite quelque peu ce côté gauche; le directeur du protocole fait son entrée solennelle, fonction oblige (toujours ce souci d'apparat comme si le sort de l'Algérie en dépendait !), suivi des membres du comité des 22 et des anciens chefs d'état encore en vie : Ali Kafi, Liamine Zeroual, c'est-à-dire le groupe de privilégiés qui avait échappé à la « disgrâce ». Après les avoir installés à leurs places respectives dans cette rangée centrale inoccupée, le directeur du protocole, toujours guindé et droit, ressort pour une mission encore plus vitale pour l'Algérie : accompagner le président, et le conduire jusqu'au perchoir de peur qu'il ne puisse retrouver le chemin tout seul. Quelle délicate et noble mission ! Enfin, le président Bouteflika fait son entrée marchant d'un pas étonnamment simple, ne cherchant pas à concurrencer son directeur du protocole dans le « port altier » synonyme d'arrogance. On dirait un vrai père de famille se rendant tout simplement à son bureau. Il s'installe sans façon dans son fauteuil, ne laissant pas son chef du protocole accomplir une tache historique : tirer légèrement vers l'arrière le fauteuil présidentiel afin que son titulaire puisse s'installer majestueusement. Mais aujourd'hui n'est pas un bon jour pour notre « protocole » qui se voit frustré de ne pouvoir accomplir sa tâche historique, que ses enfants et sa famille n'auront pas l'heur de visionner avec fierté au JT de vingt heures ! Pendant tout ce temps, la salle est restée debout par respect pour le chef de l'état. - Le chef de l'état : Asseyez-vous, je vous en prie. Fini ce protocole qui ne fait que nous ridiculiser. Le peuple attend de nous autre chose que ces singeries sans signification. (Tiens, en voilà un nouveau langage soupire la salle). Et pour casser les habitudes, je ne vais pas vous assommer de l'un de ces discours creux que me préparent mes rédacteurs, que dis-je mes berrah-paroliers de souk populaire (incroyable!). Aussi, je vous cède tout de suite la parole ; après avoir trop péroré avec mes discours assommoirs, je voudrais vous entendre, et à travers vous entendre la voix de notre peuple. Qui veut parler en premier ? Silence dans la salle, toute la nomenklatura est paralysée de stupeur, personne n'arrive à se contrôler pour parler en premier, même si tous estiment avoir des choses inhabituelles à dire. - Le chef de l'état : Ecoutez, laissons de côté les pratiques habituelles, et parlons franchement de ce qui se passe dans notre pays, et de ce que nous pouvons faire pour améliorer les conditions de vie de notre peuple. Je vous informe que toutes les chaînes de TV et de Radios sont en train de transmettre en direct cette conférence des cadres de la nation. Le peuple vous regarde, qui veut prendre la parole ? - Moi ! Toute la salle se tourne du côté gauche d'où a fusé cette interjection osée, d'autant plus osée que le personnage vient de faire son entrée du côté réservé à l'accès présidentiel. Incroyable ! Il s'agit du général de corps d'armée Mohamed Mediene surnommé « Tewfik », tout puissant patron de la sécurité militaire (DRS), accompagné de son état-major au grand complet. Plus incroyable encore, et effrayant : derrière les responsables du DRS s'aligne une section de la garde républicaine armée jusqu'aux dents ! Assis avec ses pairs au premier rang, le général major commandant en chef de la gendarmerie nationale, de laquelle relève la garde républicaine, lance un bref regard interrogateur vers le commandant de la section qui vient de faire irruption dans la salle derrière Tewfik et ses collaborateurs : « Que se passe-t-il ?». Le commandant de la section répond d'un bref cillement des yeux : « Aucun problème, la situation est maîtrisée ». Rassuré, le général major se tourne vers le chef de l'état pour le rassurer à son tour d'un simple regard serein, mais en fait Bouteflika, rusé comme un renard, avait déjà perçu ce bref échange de signaux entre le commandant de la garde républicaine et son chef. Aussi, calmement, il interpelle le général de corps d'armée Tewfik : - Alors si Tewfik (avec un ton familier pour faire baisser la tension perceptible dans la salle), nous sommes contents de vous voir parmi nous. Allez-y, vous avez la parole. - Merci Mr le président (Oh, en voilà des marques inhabituelles de déférence). Je serais bref, et je parlerai non seulement en mon nom, mais au nom de tous les éléments du DRS, tous grades confondus, les officiers supérieurs qui m'accompagnent peuvent en témoigner... - Oui, absolument, lancent à l'unisson ses accompagnateurs. - Tewfik : Alors voilà, mes services avaient été rendus responsables des carences dans le domaine sécuritaire, défaillances qui avaient entraîné la mort tragique de 200.000 personnes depuis le sursaut de sauvegarde de l'Algérie en 1992 (tu parles), dont des étrangers. Nous avons entre autres été accusés d'enlèvement de 20.000 citoyens, de tortures, et même d'exécutions extrajudiciaires.... - Bouteflika : Nous savons tout cela, et vos services ne sont pas les seuls responsables de cette tragédie nationale. - Tewfik : Justement, je voudrais affirmer à tous les cadres de la nation ici présents, et au peuple qui nous écoute à travers les médias, que nous ne sommes pas les seuls à devoir être mis en cause, et ce système avait été mis en place bien avant notre engagement dans la sécurité militaire, il date même de la guerre de libération nationale, puisqu'il est évoqué sous le vocable de « système Boussouf ». (1) - Bouteflika : Tout à fait d'accord, il faudra bien un jour ouvrir la page des dérapages de la Révolution algérienne qui avaient entraîné l'exécution de nombreux militants, en premier lieu Abane Ramdane. Il faut à tout prix élucider tous ces crimes commis par nous-mêmes contre nous-mêmes. Si nous avions eu le courage de le faire avant, peut-être aurions-nous pu éviter les meurtres commis après l'indépendance, ceux de Mohamed Khider et Krim Belkacem par exemple, et empêcher tous les massacres commis durant les années 1990. (2) - Tewfik : Donc, nous sommes d'accord pour reconnaître que nous ne sommes pas les seuls responsables de cette tragédie nationale comme vous dites, mais c'était notre destinée imposée par l'histoire, et je tiens en ce qui me concerne à assumer entièrement et seul ma part de responsabilité. - Bouteflika : C'est-à-dire ? - Tewfik : Je demande à mon adjoint ici présent, le général major M'Henna Djebbar, de me faire subir en direct face aux caméras les mêmes tortures infligées à nos malheureux compatriotes... - Bouteflika : Quoi ? La salle d'abord saisie de frayeur lors de l'irruption des officiers généraux de la sécurité militaire, est abasourdie par ce qui vient d'être révélée... - Le général major M'Henna Djebbar: Il n'en est pas question si Tewfik. Pour cette fois-ci mon général, je vais vous désobéir, mais je donne l'ordre à nos collaborateurs ici présents de nous soumettre tous les deux à la torture face aux caméras, et au peuple, afin de laver et notre honneur, et notre conscience. - Les officiers du DRS en cœur : Non, plus question de soumettre quiconque à la torture ! - Le général de corps d'armée Mediene : Alors, que cette mission soit confiée à la section de la garde républicaine derrière nous. - Le général major commandant en chef de la Gendarmerie nationale : Mes gendarmes ne tortureront personne, ni dans cette salle, ni ailleurs ! - Le général de corps d'armée Mediene : Ecoutez-moi cher collègue, nous sommes des militaires, si personne ne veut nous torturer afin de nous faire expier nos fautes et celles des autres, nous demandons alors de passer immédiatement en cour martiale, nous plaiderons coupables, et nous revendiquerons le droit de mourir en soldats : fusillés en public par la garde républicaine. Le commandant en chef de la Gendarmerie nationale sursaute : - Quoi ? Vous nous demandez de procéder à des exécutions sommaires ? Ce n'est pas ce que mes éléments apprennent dans les écoles de formation de la Gendarmerie. Si vous avez des problèmes de conscience, adressez-vous au chef de l'état, en sa qualité de commandant suprême des forces armées. Mais quoiqu'il en soit, mes gendarmes ne tortureront personne, ne fusilleront personne ! - Le président Bouteflika : Pas question de tortures, ni d'exécutions sommaires, ni ici, ni ailleurs. J'ai déjà affirmé haut et clair à maintes reprises que je ne m'inscris pas dans cette école. On peut m'attribuer tous les défauts du monde, notamment la manipulation de la constitution, il est vrai que je suis loin d'être parfait, mais pas les tortures, ni les exécutions sommaires. Le sang a déjà suffisamment coulé comme ça. De plus, un référendum a déjà été organisé sur la réconciliation nationale (tu parles), et le peuple a pardonné les crimes commis par les groupes armés, et cette amnistie inclut aussi les dépassements commis par les services de sécurité, en premier lieu le DRS, votre propre département. - Mediene : Monsieur le président, ne nous leurrons pas sur le résultat de ce référendum, ni sur toutes les consultations populaires depuis l'indépendance. Nous savons nous tous ici présents que les consultations électorales sont organisées en fonction des résultats que nous en attendons. Cette question aussi relève de notre histoire : le peuple algérien n'a appris à connaître le terme « Elections » qu'à travers le « Trafic électoral » depuis 1948 (3). Les Algériens attendent encore la séparation du couple « Election = Trafic », pour ne connaître enfin que les Elections, de vrais élections. Pour nous, c'est déjà trop tard, et nous revendiquons le droit de mourir en soldats. Silence gêné dans la salle...Personne ne sait comment réagir, lorsque retentit une voix du fond de la salle : - Allez au Tribunal pénal international ! - Oui, vous serez jugé équitablement, reprend une autre voix. - Mais, rétorque une troisième voix, vous ne serez pas condamnés à mort si vous êtes reconnus coupables, vous survivrez encore avec vos problèmes de conscience, en attendant le Jugement de Dieu Le Tout Puissant, Jugement qui n'épargnera personne, à commencer par nous tous qui sommes dans cette salle, et Seul Dieu Le tout Puissant Sait qui est coupable, et qui ne l'est pas. Approbation de la salle par un murmure, personne ne cherchant à savoir qui est intervenu en dernier, parce qu'il n'a fait qu'exprimer ce que tout le monde ressent. - Le général de corps d'armée Mediene reprend la parole : Bon, puisqu'il en est ainsi, nous savons ce qu'il nous reste à faire. Puis, il quitte la salle avec ses hommes. Le commandant de la section de la Garde républicaine ordonne à ses hommes : - Garde-à-vous ! Les gendarmes se redressent, Kalachnikov croisée sur la poitrine gonflée à bloc. Le commandant se tourne alors vers le chef de l'état, et met la main à son képi pour le salut militaire : - Mes respects Mr le président, nous étions là uniquement pour assurer votre protection, et celle de vos invités. Avec votre autorisation, nous allons nous retirer, et retourner à notre poste au service de l'état. Le président acquiesce par un bref mouvement de la tête. Il interpelle la salle : - Je ne crois pas qu'un commentaire soit nécessaire, nous avons tous des fautes à expier. Qui veut prendre la parole ? Une voix chevrotante s'élève du premier rang : - Moi, Mr le président. Cette fois-ci, tout le monde veut savoir qui a parlé... Six heures du matin : Au large des côtes algériennes, à l'extrême limite des eaux territoriales Manœuvres des unités des forces navales opérant dans la façade maritime à l'ouest d'Alger sous l'autorité du colonel Fouad, commandant de la zone. Les forces navales viennent de s'équiper de six vedettes ultra rapides et sophistiquées pour la lutte contre l'émigration clandestine qui avait pris de l'ampleur ces dernières années à partir des côtes de l'Ouest du pays. Elles seront utilisées de jour comme de nuit, pour dissuader les éventuels candidats à l'émigration clandestine, et aussi pour mettre un terme aux activités illégales en haute mer. Les services des garde-côtes (Ouest) avaient secouru en 2008 quelque 418 harraga et prêté assistance à 771 autres refoulés d'Espagne. (4) A bord de sa frégate "Raïs Korso", le colonel Fouad coordonne les mouvements des six unités de la Marine nationale qui participent aux manœuvres. Les entraînements comportent des simulations, et des "jeux tactiques proches des opérations réelles" en mer. En matière de surveillance marine, il est important de prévenir certains fléaux, comme la drogue, le terrorisme, le trafic d'armes et de personnes, etc… (5) Tout à coup, le colonel Fouad reçoit un appel du commandant de la vedette "El-Kirch": - Mon colonel, nous venons de repérer des embarcations légères au loin. - Combien, et de quoi s'agit-il ? Encore des Harragas peut-être ? - Aucune idée pour l'instant mon colonel. Je demande l'autorisation d'approcher ce groupe de petits bateaux pour m'en assurer. - Autorisation accordée, mais aucune manœuvre hostile susceptible de provoquer une panique quelconque à bord des embarcations. - Bien mon colonel...Quoi ? - Comment ça quoi ? - Je viens d'être informé mon colonel, qu'il s'agit à première vue de zodiacs de couleur grise, comme celles que nous utilisons au sein de l'armée...De plus... - Quoi encore ? - Mes éléments viennent de repêcher des objets tombés de ces zodiacs...Incroyable !!! - Quoi ça « incroyable », vous allez parler enfin ! - Mon colonel, il s'agit de képis utilisés par notre armée de terre...Avec des médaillons au fronton indiquant que ces képis appartenaient à des officiers supérieurs...Il y en même un avec les insignes de général de corps d'armée ! - Abordez immédiatement ces embarcations, et interpellez leurs occupants sans brutalité, compris. - Bien mon colonel... - Alors, j'attends votre rapport ! - Mon colonel, il y a cinq embarcations en tout...Mais elles sont vides, totalement vides...Mes éléments viennent de récupérer quelques objets qui prouvent bien que les occupants de ces zodiacs étaient des militaires de l'armée algérienne, d'autres képis au grade d'officiers généraux, des armes légères réglementaires, des cartes, des boussoles, des gourdes, des cantines, et des trousses médicales de première urgence. Le tout au sigle de l'ANP ! - Incroyable ! Je vais immédiatement alerter l'Amirauté, et vous continuez à prospecter aux alentours pour retrouver d'éventuels survivants. - Je ne pense qu'il y ait de survivants quelconques mon colonel, la mer est calme depuis deux jours, et ces embarcations toujours en excellent état n'ont pas chaviré. - Et alors ? - Je crois que les embarcations ont été purement et simplement abandonnées...volontairement...sans danger imminent ni motif. Pour tout vous dire mon colonel, je pense qu'il s'agit d'un suicide collectif. - Oui, je le pense aussi...Mais qui sont ces hommes ? Où allaient-ils ? Pourquoi se seraient-ils suicidés en fin de compte ? Je vais rendre compte à l'Amirauté. - Allo, l'Amirauté, colonel Fouad, passez-moi en urgence le général ! - Justement mon colonel, nous cherchions à vous joindre, le général est dans son bureau depuis cinq heures du matin. Je vous le passe. - Le général : Colonel Fouad, des faits étranges se sont produits cette nuit dans l'enceinte de l'Amirauté... - Colonel Fouad : Mes respects mon général, en haute mer aussi nous venons de relever des faits étranges ... - Le général : Justement, je voulais vous alerter pour procéder en urgence à des contrôles en haute mer... - De quoi s'agit-il mon général ? - Voilà, le général de corps d'armée Mediene s'est présenté cette nuit à l'amirauté avec un groupe d'officiers généraux de son état-major. On a reconnu notamment le général major Djebbar M'Henna. Il a demandé que l'on mette à sa disposition les zodiacs qui relèvent de son commandement... - Justement mon général... - Attendez la suite, et il a demandé des approvisionnements pour procéder à des exercices en haute mer. L'officier de permanence a bien tenté de temporiser afin d'avoir le temps de me contacter, et demander des instructions face à cette situation qui sort du cadre réglementaire, rien à faire, Mediene a proféré des menaces...Vous savez comment se comportent ces gens-là, au mépris des règlements de l'armée... - Malheureusement... - Bref, les embarcations appartenant au DRS, l'officier ne pouvait s'opposer à ce qu'ils les utilisent même à des heures indues. Donc, ne restait que le problème du ravitaillement demandé qu'il a bien fini par leur donner. Au cours de cette opération, l'officier de permanence affirme avoir entendu des propos incompréhensibles au sujet d'un voyage vers La Haye ! - Ah bon ? - Vous et moi savons que La Haye, capitale des Pays Bas, est également le siège du Tribunal Pénal International. Pourquoi ce voyage vers La Haye, et pourquoi pas l'avion dans ce cas ? - Et après mon général ? - Et après, cela relève de votre compétence colonel Fouad. Il faut immédiatement mobiliser vos unités pour localiser les zodiacs, veiller à leur sécurité bien sûr, mais aussi les empêcher de quitter les eaux territoriales sous aucun prétexte. Guenaizia (6) a été informé, et le président de la république aussi. Leurs ordres sont clairs : pas question de quitter les eaux territoriales algériennes. - Justement mon général, nous venons de mettre la main sur les zodiacs en question, chargés de ravitaillement militaire... - Et les généraux ? - Pour l'instant, nous n'avons retrouvé personne, tout est en l'état, et la mer est calme depuis deux jours. - Ce qui signifie ? - Nous pensons que ces officiers ont quitté volontairement leurs embarcations...Peut-être un suicide collectif ? - Impensable ! Continuez les recherches pour retrouver d'éventuels survivants. Je vais tout de suite informer Guenaizia sur la ligne de souveraineté. Le général tente de joindre Guenaizia : - Allo...Allo...Il ne répond pas ! - Allo, ministère de la défense ? Le vice-ministre s'il vous plait. - De la part de qui s'il vous plait ? - Le général commandant en chef de la Marine nationale. - Mes respects mon général. Vous pourriez peut-être joindre le vice-ministre à son domicile si c'est urgent. - Et comment que c'est urgent. Je viens de l'appeler sur la ligne de souveraineté reliée à son domicile, personne ne répond. - Une minute mon général, je vais le « bipper » quoi qu'i n'aime pas ce type de contact avant sept heures du matin. - Allez-y, je vous couvre... - ...Voilà mon général, il est en réunion avec le chef de l'Etat, vous pouvez l'appeler sur la ligne spéciale du président, ils attendent votre appel. - Bouteflika à l'appareil. Du nouveau au sujet de ces zodiacs partis on ne sait où en pleine nuit ? - Oui, monsieur le président, les zodiacs ont été récupérés en pleine mer, dans les eaux territoriales, chargés de ravitaillement, mais personne à bord. - Où sont passés Mediene et ses hommes ? - Je pense que nous avons affaire à un suicide collectif monsieur le président. - Incroyable ! Dans le même temps, la plupart des éléments du DRS ont quitté leurs postes cette nuit pour se rendre au sud, afin de s'y mettre à la disposition de l'état comme ils le prétendent...dans les anciens camps de déportation qui relevaient de leur commandement. Certains officiers se seraient suicidés aussi. Quelle triste fin ! (1) Le « système Boussouf »: vers une Tcheka algérienne, Mohammed Harbi et Gilbert Meynier, » LE FLN, DOCUMENTS ET HISTOIRE, 1954 – 1962 « . (2) Interview Abdelkrim Badjadja au journal « El Watan » du 03 novembre 1992, page 13 : « Si nous avions élucidé l'assassinat de Abane et les autres assassinats de Khider, Krim Belkacem, Khemisti, et d'autres, peut-être aurions-nous évité l'assassinat de Boudiaf. » (3) Le 11 février 1948, Edmond Naegelen, est nommé gouverneur général d'Algérie en remplacement d'Yves Chataigneau, jugé trop faible. Celui-ci avait tenté désespérément de faire appliquer le statut de 1947, combattu par les colons. « Membre éminent de la SFIO, Naegelen n'a été choisi que pour couvrir le sabotage pratique dudit statut. ». Il ordonne à l'administration de faire de « bonnes élections ». Réalisée « sous le signe de la fraude, de la peur et du sang » les 4 et 11 avril, cette élection avait été minutieusement combinée et réglée pour confirmer, à l'échelle du pays, les résultats passablement trafiqués des élection municipales. Source : http://pagesperso-orange.fr/jacques.morel67/ccfo/crimcol/node42.html (4) El Watan, 8/02/ 2009, T. K. :http://www.elwatan.com/Les-forces-navales-de-la-facade (5) Liberté, 15/02/2009, Hafida Ameyar : http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=109074 (6) Abdelmalek Guenaïzia, général major à la retraite, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, qui n'est autre que le président de la république en personne, cela depuis l'époque de Boumediene.