C'est une génération d'officiers performants et diplômés qui attend son heure. Dix minutes avant l'entrée, dans la grande salle des conférences du MDN, du Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et Mohamed Lamari, général de corps d'armée et patron de l'ANP, les généraux-majors Mohamed Touati, conseiller aux affaires de défense auprès du Président de la République, Mohamed Mediene «Toufik», directeur des services de renseignement, et Gaïd Salah, commandant des forces terres-tres, se tenaient droits et attendaient le début des cérémonies de remise de grades et de médailles. Touati, plus décontracté, se permettait de s'accouder et de lancer des mots vers Toufik, qui se tenait à sa gauche. Celui-ci, personnage quasi secret jusqu'à une date récente, se tenait droit, imperturbable. Ses larges lunettes de vue laissaient voir des yeux grands ouverts qui embrassaient toute la salle. Au milieu des deux généraux-majors, il donnait l'air de vouloir entretenir le secret autour de son personnage: aucun photographe de la presse privée n'était autorisé à pénétrer dans la salle. A sa gauche, Gaïd Salah bouge, s'agite et lui lance des bouts de phrases. A 11h 15, le Président de la République et le général de corps d'armée pénètrent dans la salle et entament immédiatement la cérémonie. Cinq nouveaux généraux-majors (Ali Benbachir, Mohamed Ali, Ali Djoudi, Mohamed Chibani et Saïd Chengriha), quatorze nouveaux généraux (Sadek Nefoussi, Ahmed Benlala, Abdelghani Malti, Saïd Zaoui, Mohamed Tirèche, Hadji Zerhouni, Amar Sfandji, Mohamed Ben Abdellah, Kaddour Bendjemil, Cherif Zerrad, Lakhdar Ksentini, Abdelhamid Ghris et Ali Ghdiri) et cinq nouveaux colonels (Mohamed Touati, Ahmed Ouchiha, Athmane Adjroud, etc.) ont bénéficié de promotions. Le général Athmane Tartag a été honoré de la médaille du mérite militaire, tout comme d'autres officiers et un personnel civil assimilé. Lors de la remise de grade au nouveau colonel Mohamed Touati, le général-major et conseiller aux affaires de défense, Mohamed Touati, fait semblant de s'avancer pour recevoir son nouveau grade et décontracte, par ce geste facétieux, la lourde atmosphère de la solennité du jour. Lamari lance à Bouteflika : «Rien à voir avec notre Mohamed Touati !» 11h 50, le Président de la République entame son discours dans lequel, au bout de douze pages dans un arabe recherché, il fait le tour des questions politiques et économiques qui lui tenaient à coeur et encense l'Armée algérienne avec les formules les plus appuyées. Tous les chefs d'état-major étaient présents : les généraux-majors responsables des divers corps d'armée (gendarmerie, marine et forces aériennes) et commandants des Régions militaires (hormis le général-major Fodhil Cherif Brahim, commandant de la 1re Région militaire, retenu pour des festivités à Blida) ainsi que les responsables du ministère de la Défense nationale. L'état-major de l'armée semble vouloir «exporter» deux messages par le biais de ce «marketing d'images». Le premier est que l'armée reste un bloc monolithique structuré et discipliné sur lequel l'Etat et le Président peuvent encore compter. Le tremblement de terre du 21 mai dernier, lequel a permis aux unités de l'ANP d'occuper le terrain et d'être les premiers à venir en aide organisée aux sinistrés, avait déjà donné la pleine mesure d'une armée superorganisée au détriment d'une société civile déchirée par les enjeux politiques. Le deuxième message véhiculé par l'armée est le «sang neuf», injecté dans ses veines. On l'a vu déjà au cours de la cérémonie de mardi dernier, organisée à l'Académie de Cherchell, beaucoup de jeunes officiers sont promus à des postes de responsabilité, jusque-là réservés à la vieille nomenklatura militaire. Ces jeunes officiers, bardés de diplômes et de potentialités techniques, sont la relève des actuels patrons de l'armée, et attendent leur heure pour s'exprimer. En attendant, le général de corps d'armée Mohamed Lamari assure la cohésion de l'institution, l'impératif de la lutte antiterroriste et la professionnalisation des effectifs de l'active qui permettent de lisser les aspérités et d'orienter les soucis vers un commun objectif.