Une vieille connaissance de Bouteflika, qui l'avait rencontre pendant sa »traversée du golfe », me confiait un jour que celui-ci avait un profond mépris pour la populace que nous sommes. Il lui avait dit que nous méritions tout ce qui nous arrivait, et que nous étions juste bons à applaudir et à vociférer. A une journaliste libanaise, notre président irremplaçable confiait, avec cette moue dédaigneuse qui le caractérise depuis qu'il préside a nos destinées, que l'indépendance de l'Algérie n'a pas été gagnée de haute lutte par le peuple, mais que c'était une minorité qui la lui avait offerte. Une minorité dans laquelle il se compte, bien évidement. Mais le peuple algérien, dans son immense mansuétude, continue de croire que Bouteflika est l'homme providentiel, que c'est lui qui sauvera l'Algérie, et même qu'il a la Baraka, puisque depuis qu'il est là, l'argent coule à flots. Pourtant, hormis une gestion financière désastreuse du pays, qui ouvre grandes les portes au bradage de nos ressources et à l'émergence d'une nouvelle grande bourgeoisie, sortie casquée de sous la casquette, les Algériens n'ont jamais connu une telle déchéance. Des dizaines de milliers de jeunes, y compris des jeunes filles, des fonctionnaires, des étudiants et des pères de famille, tentent de franchir la Mediteranee pour rejoindre les cotes italiennes. Toute la jeunesse veut fuir le pays. La misère fait des ravages dans une société qui a perdu tous ses repères. La prostitution vivrière fait tache d'huile. Dans ce pays où la pudeur et la chasteté sont des valeurs cardinales, ce sont des centaines de milliers de femmes qui se vendent pour nourrir leurs familles. La corruption ne se cache plus, elle triomphe. A tous les échelons de l'Etat, c'est le hallali, la curée. C'est à qui arrachera le meilleur lambeau de chair vive à notre cher pays. Le terrorisme, qu'ils disaient avoir vaincu, et qui a été réactivé par ceux la même qui sont censés le combattre, fait un carnage de nos compatriotes. Sans que le chef d'Etat puisse congédier les responsables sécuritaires et le ministre de l'intérieur. Et pourtant, malgré leur meurtrière incompétence, ces responsables continuent de venir parader, toute honte bue, devant les cameras de télévision, pour nous assurer que les terrifiants attentats qui tuent nos compatriotes ne sont que des sursauts de bête blessée, et que le terrorisme vit ses derniers instants. Ils ont cette audace et cette impudeur de colons en pays conquis. Parce que celui qui se dit à leur tête, et qui les subit sans broncher, ce Président qui est et qui n'a jamais été autre chose que l'otage de ceux qui l'ont ramené, croit pouvoir exorciser sa mauvaise conscience en affichant ostensiblement, outrancierement, le profond mépris dans lequel il nous tient. Il n' a même pas daigné adresser publiquement des condoléances aux innocentes victimes de leur terrorisme. Un seul attentat a couté la vie à 48 Algeriens, et pas la moindre déclaration. Aucun discours public à la nation, aussi formel soit-il, aucune manifestation d'indignation, et encore moins d'affliction de la part de ce curieux personnage. Quel est, dans le monde entier, le chef de l ‘Etat qui ne s'adresse pas à son peuple, en des circonstances aussi tragiques? Qui est-il donc, pour nous mépriser ainsi? Ne personnalise-t-il pas l'institution la plus importante du pays ? Ne sait-il pas qu'il est de son devoir de s'incliner devant la mémoire des victimes de cette monstrueuse manipulation politique qu'est le terrorisme dans notre pays ? Croit-il, parce qu'il feint d'être au dessus de nos souffrances, qu'il lui suffit de détourner le regard, pour échapper à ses responsabilités? Et à sa vacance ? Alors qu'il sache qu'à son mépris pour les Algériens, les Algériens lui répondront par le mépris pour sa personne. Nous méprisons qui nous méprise. Et nous saurons, le moment venu, reconnaitre les nôtres. D.B