Un autre chemin aurait été possible ? Il m'en reste des peurs, d'avoir vécu, comme touts les algériens, des décennies d'horreur. Durant lesquelles, des êtres avaient tués ou mutilés leurs frères. Il m'en reste des peurs, d'avoir vécu dans cet état d'esprit, que l'on ne s'en sortirait jamais de ce qui ne voulait vraiment pas finir : cette descente aux enfers de tout un peuple, de tout un pays, toujours renouvelée. Si aujourd'hui, l'indignation est si grande, devant tant de scandales de corruption étalée à la une des quotidiens d'information, il n'y a guère longtemps, on était tétanisés. Pendant que d'autres peuples avancent ou émergent à la vie. Durant les décennies noires ou rouges de sang, nous n'avions pas cessé de nous questionner : comment sont-ils capables de telles monstruosités ? De tant de destructions durant tant d'années successives ? Je me souviens, qu'il ne nous était pas possible de rester dans nos coins sans peurs. Des êtres paraissait-il, allaient surgir d'on ne sait où, dans nos maisons, ou sur les routes, afin de nous massacrer ! Qui étaient ces « insurgés », ces « nouveaux hors-la-loi » décidés à exterminer le peuple ? Comment des populations maghrébines islamisées depuis le VII siècle avaient elles vu, en Algérie, des les années 90, des pans de société se radicaliser ? Y avait-il des raisons à cela ? Certainement, qu'une autre politique des les années d'indépendance en 1962, aurait évité toute naissance de troupes extrémistes. Dans son livre intitulé Les Nouveaux Maîtres du Monde (et ceux qui leur résistent), le célèbre tiers-mondiste suisse Jean Ziegler avait rapporté, les confidences, durant leurs promenades à Genève, du révolutionnaire algérien Mohamed Lebjaoui qui avait été chef de la Fédération du FLN et membre du premier Conseil national de la Révolution algérienne. Arrêté, il a passé de longues années à la prion de Fresnes. En 1962, il devint le premier président de l'Assemblée consultative de l'Algérie libérée. Dés le coup d'état de Houari Boumediene contre Ahmed Ben Bella, il choisit l'exil et s'installa à Genève. Révolutionnaire exemplaire, écrivain doué, d'origine kabyle, Lebjaoui avait été à l'origine un homme d'affaires prospère à Alger. Il avait mis sa vie et ses biens au service de la lutte de libération de son pays. « Nous étions voisins au chemin des Crêts-de-Champel, à Genève. Durant nos longues promenades, nous parlions souvent de corruption. Lebjaoui me dit, un jour : la plus urgente et la plus importante nomination à laquelle tout gouvernement révolutionnaire dois procéder dés son entrée dans la capitale libérée, est celle d'un comptable ». Je considère que la deuxième urgence et importante décision suite à la libération d'un pays, c'est le souci et la considération et le respect du peuple. L'objectif de la révolution algérienne n'était point d'en finir avec les colons français et d'installer des nouveaux mais de démocratiser et de sortir le peuple, souverain, des misères. De Boghni le 23/02/2013