Le moudjahid Mohamed Lebjaoui a écrit un certain nombre de livres qui mettent en exergue son amour de la liberté et de la patrie : les deux allaient chez lui de pair. Au lendemain de l'indépendance, il fut intransigeant quant au respect des libertés démocratiques et des droits de l'homme. Parce qu'il défendait âprement ses idées et qu'il a refusé les compromissions, il fut contraint à l'exil. C'est la raison pour laquelle celui qui pouvait avoir un poste au gouvernement et jouir des bienfaits matériels que procure l'exercice du pouvoir, devint l'un des opposants les plus sérieux au régime de Boumediene. Il ne rentra en Algérie qu'en 1991, après l'instauration du multipartisme. Parmi les ouvrages qu'il a publiés, on peut citer Bataille d'Alger ou Bataille d'Algérie (éd. Gallimard 1972), Un morceau de lune et une étoile couleur de sang (poèmes et écrits, éd. Adversaires, Genève 1975), Au nom de l'Algérie (éd. Adversaires 1975), Sous le bras mon soleil (poèmes, Ed Grounauer 1981) et puis bien sûr, Vérités sur la révolution algérienne (Gallimard 1970) que l'Anep a eu l'heureuse idée de rééditer en ce début d'année 2005. Né à Alger en 1926, Mohamed Lebjaoui est de ceux pour qui l'insurrection de Novembre 1954 a été le signal du grand espoir et le début du long combat. Membre du Cnra, premier responsable FLN du mouvement syndical de la Révolution algérienne, premier chef de la Fédération de France du FLN, il est bientôt arrêté et demeure en prison plus de cinq ans à Fresnes et à la Santé. Vérités sur la Révolution algérienne est une série de témoignages, partiels, mais irrécusables, sur des épisodes aussi importants que les contacts avec Jacques Chevallier, le maire d'Alger, la mort mystérieuse d'Abane Ramdane, les débuts de l'implantation du FLN en France, le ravitaillement en armes des maquis et les démêlés intérieurs du Gpra. Un certain nombre de questions que les lecteurs se posent sur la révolution algérienne trouveront des débuts de réponses, apportées par l'un des acteurs les plus sympathiques de ces événements qui auront duré de 1954 à 1962. Que ce soit l'assassinat d'Abane Ramdane, le «trésor de Khider», le coup d'Etat de 1965. Il y aborde un sujet aussi délicat que la question des Juifs algériens et la révolution. «Le Juif, le musulman ou le pied-noir partisan de l'indépendance nationale était notre frère. Nos seuls adversaires étaient les partisans de la colonisation, qu'ils soient musulmans, juifs ou Européens.» En 1965, par exemple, jour du coup d'Etat, Mohamed Lebjaoui demande à être reçu par Boumediene au ministère de la Défense, aux Tagarins, en compagnie de Hadj Smaïn et de Zoubir Bouadjadj. Après s'être inquiété de la vie des prisonniers, notamment de Hadj Benyalla, président de l'Assemblée nationale, et de la libération d'Aït Ahme , nnera son avis sur la situation: «Pour moi, il s'agit tout simplement d'un coup d'Etat militaire et cet acte, à mon avis irresponsable, portera gravement atteinte, non seulement au prestige de l'Algérie, mais aux intérêts bien compris de notre peuple.» C'est cet homme, dont tous les témoignages ont reconnu l'élégance morale, qui est mort un 24 février, date anniversaire de la création de l'Ugta.