Houari Addi, professeur de Sociologie à l'Université de Lyon, France, tire la sonnette d'alarme devant la détérioration de la situation économique et sociale en Algérie, qui ressemblera, dans les dix prochaines années, à la situation actuelle de la Somalie. Dans son analyse, Houari Addi se base sur un ensemble d'aspects, tels que l'existence d'un pouvoir ostensible et d'un vrai pouvoir et la réaction du citoyen, par rapport à cela, par la violence… Et il interprète le mutisme de Bouteflika après les derniers attentats terroristes, comme étant un message de sa part pour le peuple … El Khabar : L'expérience du pluralisme politique en Algérie a confirmé que le système accepte le développement, mais l'opposition refuse de dépasser ses prédispositions envers lui et ne présente pas de solutions, palpables, aux problèmes que vit le pays. Ne pensez vous pas qu'il est temps de dépasser la légitimité historique du système pour que ce dernier dépasse ses complexes? Houari Addi : Il n'y a pas de pluralisme politique en Algérie, ce qui s'est passé après les événements d'Octobre 1988 c'est les reformes qui devaient induire le pluralisme dans la société, mais les changements survenus à ce moment là étaient superficiels car l'armée refuse le passage vers un système dirigé par l'alternance par voix électorale. En un mot, le système Algérien n'accepte pas de partis opposants capables de gagner aux élections, et notre pluralisme, est un pluralisme de forme qui n'a rien à avoir avec la réalité. El Khabar : Vous dites que le système ne veut ni d'un leader, ni d'un Etat de droit. La société, aussi, ne veut pas d'un Etat de droit, et pour preuve, le citoyen Algérien ne paye pas les impôts ou les droits douaniers….et de surcroît, elle pense que ces droits sont des « Péchés ». Qu'en pensez vous ? Houari Addi : Il y a un vide politique en Algérie, et les institutions de l'Etat ne représentent pas le vrai pouvoir qui lui est attribué. Le Président de la République ne jouit pas de pouvoir qui lui est attribué par la constitution, les ministres n'ont aucun pouvoir et cette règle s'est propagée à tous les niveaux de l'administration gouvernementale. Dans ce cas, quelques fonctionnaires tentent de profiter de leurs fonctions, alors, la corruption s'est généralisée et le citoyen a perdu la confiance et l'esprit du civilisé. L'Algérie est devenue cette forêt, où le plus fort prend la plus grande part, et il n'est pas possible de gérer un peuple qui a mené une révolution populaire (1954-1962) avec un système sécuritaire. Les Algériens expriment leur besoin d'un Etat de droit, il faut lui exaucer ce besoin sinon, dans dix ans, l'Algérie deviendra comme la Somalie. El Khabar : Pourquoi vous avez choisi la Somalie comme modèle? Houari Addi : Personne ne veut que l'Algérie ressemble à la Somalie, mais, si jamais les protestations populaires prennent une dimension nationale, l'anarchie va régner et dans ce cas là, on ne trouvera à qui ressembler que la Somalie. La dégradation de la situation sociale et économique ne risque pas de s'arrêter, et nous devons prendre des mesures pour renverser la situation. El Khabar : L'élite scientifique en Algérie fait face à une élite traditionnelle appelée par mouloud Hamrouche « l'élite tribale ». Comment imaginez-vous la solution à cet affrontement ? Houari Addi : Il n'y a pas d'élite scientifique en Algérie. Tout ce qu'on a, ce sont des universitaires qui veulent faire marcher l'université, mais ils sont incapables de former une élite scientifique de niveau international, c'est ce dont, notre pays, a besoin