Par Kamel Daoud | mai 26, 2013 Sujet de la semaine ? Sujet du temps : un homme est déclaré mort quand il ne respire plus ? Quand on ne le croise plus ? Quand on ne le voit plus à la télé ? Quand il ne répond pas aux condoléances qui lui sont faites ? A Trancher : dans le pays qui a une seule ENTV, il y a toujours dix millions de rumeurs. C'est une règle connue : la nature, contrairement à l'ENTV, a horreur du vide. Bouteflika ne peut prouver qu'il est en vie que par le boulevard des Martyrs (étrange rime). Une image, vaut mille Sellal. En attendant, on est encore dans la division profonde en trois : une partie s'interroge sur « qui sera Président ? ». La deuxième dit qu'il y a des travaux dans le cimetière d'El Alia et une troisième dit qu'il y a des préparatifs à Alger pour accueillir Bouteflika vivant qui recevra un émir des Emirats, chargé de prouver la résurrection, avant la mort. C'est à croire que Bouteflika ne tombe malade que pour mieux ressusciter, charmé qu'il est par ces moments intenses de « retour », d'atterrissage triomphal et de résurrection flamboyante : il est « revenu » après 78, puis en 94, puis à chacun de ses mandats (après hospitalisations). Peut-être qu'il a pris gout à ces scènes de rajeunissement et d'accueil, ces bains de foules qui lavent le vivant de la mort. Ces acclamations de peuple orphelin sans lui, selon lui. Passons. On retiendra que Bouteflika peut savourer. Et on reviendra sur l'essentiel : la partie algérienne qui s'interroge sur « qui sera le prochain ? ». Là, selon les derniers bulletins de la rumeur, en breaking news permanent, alimentés par le mythe du DRS, les surdoses d'oisiveté et le manque de communication politicienne, la short-list se réduit à deux : Un Hamrouche ténébreux et discret et un Benflis silencieux mais déjà frémissant. Le premier, on lui suppose de la sagacité et l'expérience de l'homme qui a déjà été disgracié : il ne reviendra au Pouvoir que si il a des garantis (comme a dit Bouteflika en 94 avant de reprendre un avion) : son image publique est floue, détruite par une haineuse campagne à la fin des années 80. On lui doit les meilleures réformes algériennes et la plus importante décision politique « dé-moukhabaritiser » l'acte de gestion et de désignation économique et de gouvernance. Traduire : c'est moi qui désigne mes cadres, pas les colonels des « Services » par les fameuses enquêtes d'habilitations. Il le payera, dit-on. Si aujourd'hui il risque de revenir, c'est donc en position de force. Comme Bouteflika : c'est vous qui avez besoin de moi et donc je dicte mes conditions. C'est un bon départ, mais un mauvais souvenir. Le second cheval ? Benflis. Il a sa base au FLN et l'expérience du lièvre. Son atout ? C'est un bon « Chadli Civil » dit-on. Il peut jouer le remake. L'homme est doux, avenant, dit malléable et peut assurer un « sursis », une image d'alternance et une garantit. Avec le temps, il aura des cheveux blancs. Le régime chez nous est très conservateur : il n'aime pas le changement et adore les rediffusions. Il aime rappeler, pas appeler. Il aime la continuation, pas la rupture. Et pour le moment, rien ne presse. Conclusion ? « On va parler à l'avion », selon l'expression célèbre d'un ex-ministre pendant une prise d'otages à Alger.