Sur le site Oumma.com, depuis plusieurs mois, s'explicite une évolution éditoriale troublante : il suit comme jamais par le passé, une ligne d'analyse qui est très précisément celle des autorités algériennes. La vision du site qui a été un temps le plus indépendant et le plus entreprenant de la scène musulmane francophone, s'identifie ainsi de plus en plus étroitement à celle de l'un des régimes les plus opaques et les plus autoritaires de la région. Les rubriques piétistes, plutôt infantilisantes, ne parviennent pas à masquer qu'il a opté pour un désaveu quasi indiscriminé des vainqueurs des urnes tunisiennes et égyptiennes ainsi , plus largement, que l'entier courant des Frères Musulmans. Oumma.com n'hésite pas à adopter sur ce terrain la tonalité de la presse tunisienne d'opposition. Il a adopté, avec une même absence de nuance, les Qatar et Al-Jazira bashings les plus virulents, Tarek Ramadan demeurant « naturellement » l'une de ses cibles privilégiées. De façon beaucoup plus troublante cette fois, Oumma.com a choisi de promouvoir celle des analyses de la prise d'otages du site gazier d' In Amenas qui – contre toute évidence – exonèrait les services algériens de toute implication. Sur le rebondissement de l'affaire des moines de Tibhirine, produit des grossières manœuvres cinématographiques du DRS (sur FR3) pour tenter de se laver des accusations solidement établies par la rigoureuse enquête de Jean Baptiste Rivoire, il a contre toute attente observé un silence... assourdissant. Il en a été de même ensuite de la longue présence à Paris du Président Abdelaziz Bouteflika, dont les lecteurs du site ont été privés, si importante soit-elle pour le destin du pays. Sur la crise syrienne cette fois, Oumma.com a adopté le discours insidieux (dont, il est vrai, Alger n'a pas l'exclusivité) qui consiste à confessionnaliser la révolte populaire pour mieux la discréditer. Après l'écho donné aux voix de la désinformation « chrétienne » d'Etat, le site a publié un terrifiant plaidoyer cautionnant l'engagement du Hizbollah dans la sanguinaire machine répressive du clan Assad. A quand une grande interview de Thierry Meyssan, est-on en droit de se demander ? Il faut se rendre à l'évidence : hormis la dénonciation de la dérive islamophobe européenne et une lecture constante du conflit israélo-arabe (vive Bruno Guigue !) – où l'engagement verbal des régimes autoritaires n'a, il est vrai, jamais porté atteinte à leurs intérêts- la voix un temps indépendante d'Oumma.com se confond désormais étroitement avec celle de la puissante association des « dictateurs sans frontières ». Ne serait-ce qu'une impression trompeuse... ? Jamais en fait n'a-t'on eu autant envie de se tromper. Mais, semaine après semaine, le doute est de moins en moins permis : jusqu'à preuve du contraire- et cette preuve tarde terriblement à venir- le site Oumma.com pourrait bien être tombé corps et âme dans l'escarcelle des officines algériennes ! – François Burgat,