Au fil des années, j'ai eu l'occasion d'apprendre à connaître des algériens qui ont vécu et souffert sous le régime des officiers DAF, y compris certains qui ont survécu les camps de concentration du Sud, les mouroirs du DRS et les sous-sols des casernes de l'ANP. En Europe, j'ai rencontré des intellectuels qui n'ont pas cédé au chantage sournois des généraux incultes résidus de l'Algérie française et des politiciens honnis. J'ai parlé avec ceux qui avaient échappé aux griffes des services de sécurité et avec des personnes qui avaient contribué à les sauver et, dont les parents ou les enfants ont péri ou n'ont pas survécu. Depuis, ma préoccupation majeure a été la façon dont les gens pourraient réagir pour détruire les tenants de cette tyrannie. Cela a été comme une obsession nourrie en partie par une conviction profonde que l'Algérien ne doit pas être dominé et détruit par ce régime. Cette foi a été renforcée par des lectures sur l'importance de la liberté humaine, sur la nature des dictatures, leurs histoires differentes et leurs fins inévitables. La terreur du régime des locataires des Tagarins n'a à ce jour eu d'égale au sein des autres systèmes totalitaires. Le témoignage des victimes sur les horreurs infligées au nom de la république est particulièrement poignant. Totalement différent de ce qu'on peut apprendre de récits écrits. Ajoutée a mes préoccupations personnelles, l'expérience acquise au contact des nombreuses victimes a augmenté ma détermination que la lutte contre la tyrannie est faisable, que le succès est possible sans mutuelles massacres, et que les dictateurs peuvent être détruits même si les criminels en Képis se sentent enracines et indétrônables. J'ai réfléchi longuement et vainement sur les moyens les plus efficaces pour « dégager » ce régime militaire au moindre coût possible en souffrance et en perte de vies. Je suis certain que nous sommes loin de penser une stratégie parfaite et infaillible, mais rien ne nous empêche d'y essayer. Très probablement une réflexion collective pourrait offrir quelques lignes directrices pour reproduire, comme nos aines jadis, un mouvement de libération efficace et puissant. Je suis loin d'être compétent pour produire une analyse détaillée et une prescription donnée, je suis cependant très optimiste que des initiatives doivent être prises en direction de la majorité du peuple algérien souffrant de l'oppression et de l'exploitation. Nulle part ici, je ne prétendrai que défier les tyrans d'Alger est une entreprise facile et sans pertes de vies, tant ces criminels sont réputés pour leur brutalité bestiale. Toute forme de lutte présente des complications et exige des sacrifices. Ce projet ( idées ) d'entreprendre des actions, nous permettra d'envisager des stratégies efficaces pouvant réduire le niveau des dommages. Les algériens affaiblis au fil des vingt dernières années ont perdu confiance et sont par conséquent incapables de resistance.Ils ont tellement peur de la nature brutale des répresailles qu'ils n'osent même pas partager leur haine du régime et leur soif de liberté avec des membres de leurs familles. La résistance passive que chacun adopte n'est en réalité que l'expression de notre lot quotidien de souffrances sans fin et d'avenir sans espoir. Il est temps qu'une idée, même quelconque fasse son chemin en direction d'un projet d'envergure, pourvu que le désir de liberté soit sincère et réel. Dans le passé des protestations et manifestations de masse a court terme, ont bien eu lieu. D'autres fois des individus ou groupes d'individus ont mené des actions courageuses mais impuissantes. Quelle que soit la noblesse du motif, ces tentatives de résistance ont renforcé la position du pouvoir militaire sur le plan international et augmenté le fardeau des nos souffrances et le nombre de nos morts et disparus. Les conditions actuelles des dictateurs, comme chacun le sait, ont beaucoup change et sont plus favorables au changement pacifique et non-violent, quand bien même arracher sa liberté par la force conserve tous ses mérites. La chute de ces dictateurs ne signifie pas la disparition magique de tous nos problèmes. La chute du régime n'apporte pas une utopie. Il ouvre la voie du retour au travail et de longs efforts de reconstruction de la justice sociale. Même si c'est par la non-violence, il faut veiller a ce que le pouvoir que la France a légué aux enfants de Harkis de l'ANP ne soit légué a leurs rejetons, car la mort nous débarrassera tôt ou tard des Nezzar, Mediene, Touati et tous les autres.