Professeur à King Saud University, Riyadh A force d'apprécier et encourager les flatteries, un chef de tribu intelligent finit par devenir l'idiot du village. Cela est suffisamment préjudiciable pour la tribu. Cependant, le plus tragique pour le village et la tribu, c'est que l'acharnement à préserver le statut et les prérogatives, ainsi que les inévitables nuisances d'accompagnement, sont amplifiés hors échelle. A l'image de toute la société, le quotient intellectuel des classes politiques régresse vertigineusement. Vous avez beau manipuler les dernières générations de mobiles, laptops, ou autres gadgets modernes, accéder instantanément à toutes sortes d'encyclopédies, rien n'y change, c'est irréversible et je préfère vous l'annoncer moi-même. Vous souffrez d'une chute de QI ! Tout comme moi d'ailleurs ! Vous devez peut être songer à revisiter votre vision de vos grands parents tout en anticipant le deuil pour votre chère descendance. La perte est estimée à 12 points en un siècle par certains experts. Le rapport de recherche du Professeur Jan Nijenhuis de l'université d'Amsterdam, basé sur 14 études consacrées à l'intelligence et menées entre 1884 et 2004, est édifiant. Le temps de réaction à un stimulus visuel a régulièrement baissé et est passé de 194 à 275 millisecondes. Laissons de côté les explications avancées par les uns et les autres en dépit de leur pertinence. Le constat n'est pas sans rappeler le principe de Peter de «La convergence fatale vers l'incompétence» et l'axiome de conservation de Cole qui stipule que «La somme de l'intelligence répartie sur la planète est constante; la population augmente». Aux Etats Unis, sur douze présidents de QI connus, seuls des contemporains ont un QI inférieur à la moyenne de 115. Il s'agit de Reagan (105) et les deux Bush, père (98) et fils (91). L'évolutionnisme de la famille Bush se conforme plutôt bien à cette règle et semble même être en avance. Cette érosion intellectuelle est souvent accompagnée par une déchéance morale encore plus préjudiciable. Il est à la fois ironique et navrant de constater que chez des civilisateurs non loin de chez nous, les vedettes et idoles du show business tels Alain Delon et Johnny Halliday, qui dans les années 1960 scandalisaient la société par leur libertinage excessif, se retrouvent à leur tour dépassés par leur progéniture qui fait du «mariage pour tous» un sacré crédo de prédilection, aveuglément suivie dans cela par une classe politique otage de son électorat. Il ne serait plus surprenant alors de voir bientôt, chez ces pionniers de la civi-débilisation, un président et une première dame de même sexe. En dépit de toute cette déchéance civilisationnelle, et de l'échec de plusieurs générations de penseurs à opposer à la démocratie le concept élitiste de méritocratie, dans les pays démocrates et donc développés, l'alternance au pouvoir demeure garantie, même s'il arrive qu'un président sortant soit regretté, ou que l'on juge son successeur plus mauvais. L'impunité est de ce fait systématiquement évitée. Un responsable se voyant bientôt ex-responsable est un responsable différent. Il serait par ailleurs difficile d'imaginer un Obama, élevé chez la famille Kaddafi, ressembler à autre chose que l'un des fils de ce dernier. Dans les pays non démocrates et donc en sous développement accru, le bourrage des urnes est institutionnel. Il n'y a aucune forme d'intelligence ou d'originalité dans les différentes techniques de fraude électorale. L'imbécilité est une caractéristique commune aux fraudeurs et autres criminels. Les élections n'ont aucune raison d'être, sinon gaspiller et détourner davantage tout en abrutissant un peu plus la société et son QI. L'ex URSS, notoirement totalitaire, s'en est avantageusement prémuni en méditant pragmatiquement le principe de son dictateur de leader Staline «L'important n'est pas celui qui vote, mais celui qui compte les voix, et encore plus celui qui annonce les résultats». Même si le dilemme de Molhant de l'utilité de l'abstention de voter pour protester, reste pertinemment posé, il est extrêmement difficile d'établir pour ces électeurs un diagnostic autre que celui de Desproges «L'enfant croit au Père Noël. L'adulte n'y croit pas, il vote». Quant à l'impunité dans ces pays, elle semble obéir à la loi de Girardy. «L'impunité est proportionnelle aux sommes détournées et préjudices causés». Elle cherche toujours à se généraliser et se renforcer par plus de complicité y compris auprès des détracteurs en favorisant les conditions du second corollaire de Diogène «Si un contribuable pense qu'il peut tricher sans danger, il trichera». Une démocratie de façade, répulsive des véritables critères et vertus de leadership, est la forme la plus abjecte du totalitarisme. Elle peut même s'avérer aussi néfaste, voire plus, qu'un système féodal. Ce sont probablement ses origines orientales qui ont précocement inspiré Napoléon Bonaparte dans l'énoncé visionnaire de sa légitimité impériale «On a plus de chance de tomber sur un bon souverain par hérédité que par élection». Nous voici donc face à une nouvelle élection. Une nième occasion pour les lièvres apprivoisés et les recours disciplinés. Une nouvelle opportunité de business des candidatures. Un mandat qui s'achève et un nouveau bilan encore plus positif que les précédents. Un nouveau record de stabilité jamais égalé. Il a fait régulièrement jour et nuit pendant tout ce précédent mandat, à l'exception de deux ou trois éclipses solaires anodines. Le pire existe bel et bien et sous plusieurs formes qui ont toutes été évitées avec brio. La dernière cause résiduelle, et bientôt éradiquée, du malheur des Algériens, est le maktoub. D'autres nouveaux termes et formules similaires viendront ainsi enrichir le dictionnaire de la langue de bois. Conseils ouverts avec un brin d'illusions Monsieur Le Président de la République, Monsieur Abdelaziz Bouteflika, vous êtes malade. N'était ce votre acharnement à cumuler mandat sur mandat et cette révision préalable et très inappropriée de la constitution, je vous aurais souhaité un sincère rétablissement. Je ne vous veux toutefois aucun mal. Bien au contraire. Laissez donc tomber ce mandat de trop. Ne laissez pas la fatalité du destin décider à votre place. Passez le témoin vous-même. Même si vous le mènerez à terme, ce quatrième mandat vous paraitra plus bref, plus douloureux et plus regrettable. Votre maladie est différente de celle qui a foudroyé votre compagnon Houari Boumediène. C'est peut être une bénédiction divine pour vous. Certains vous prêtent une envie non cachée de rendre le dernier soupir en plein exercice de chef d'Etat avec des funérailles grandioses et une éloquente oraison funèbre telle celle émouvante que vous avez admirablement prononcée lors des obsèques de Boumediène. Seulement voilà, cela n'intéressera qu'éphémèrement les présents, et en plus l'éloquence fait crucialement défaut autour de vous. Je vous invite à une rétrospective non pas sur vos mandants de président de la république, mais bien plus lointaine. Remontez donc aux glorieuses années 50, quand très jeune avec vos compagnons vous aviez un autre idéal, prêts à consentir l'ultime sacrifice pour l'Algérie. Rappelez-vous de vos meilleurs amis de l'époque tombés au champ d'honneur. C'est là que vous devez vous ressourcer. Je vous considère comme un compagnon des chouhadas que sont mon père et mes oncles. Vous faites partie de cette génération à la fois bénie et testée par le Bon Dieu. L'épreuve de la survie est très difficile. Monsieur Le Président de la République, Il n'y a plus de moudjahidine en Algérie. Il n'y a que de faux moudjahidine et des ex-vrais moudjahidine. Les deux catégories ont causé beaucoup de torts au pays. Les derniers sont pour la plupart coupables de l'existence des premiers ; ce qui constitue une saignée économique dont l'ampleur finira bien par être dévoilée un jour. Le ministère des moudjahidine ne doit plus exister. Votre génération est incapable d'envisager cela et encore moins de le murmurer. Laissez donc par un ultime baroud d'honneur les Algériens accéder à l'espoir de pouvoir régler un jour ce problème et bien d'autres encore. A 60 ans, je me considère moi-même au crépuscule de la vie et c'est souvent dans le rétroviseur que je contemple mon avenir. Renoncez donc à ce mandat. Faites-le aujourd'hui avant demain. En dépit des reproches que peuvent vous faire vos détracteurs, tous les Algériens apprécieront ce geste et l'exemple du président Liamine Zeroual est encore frais devant nous. Il s'agit par là de conseils très sincères de ma part que je vous aurais discrètement prodigués si j'étais un de vos proches conseillers ou bien votre propre frère. Tous ceux qui vous conseillent le contraire sont animés par un seul vice simple et transparent : l'égoïsme. Messieurs les généraux de l'armée nationale populaire, retournez dans vos casernes. Et si vous y êtes déjà, alors reprenez l'altitude qui est la votre et laissez la basse politique aux élus du peuple. Au pire, ces derniers peuvent être considérés comme «une inutilité nécessaire» conformément au premier article de la constitution de Murphy. «Les politiciens sont là pour régler les problèmes que l'on n'aurait pas s'il n'y avait pas de politiciens». Il faut par ailleurs s'armer de beaucoup de réserve et retenue pour résister à la tentation d'inquisition brutale de Torquemada «Si vous êtes sûr d'avoir raison, vous avez un devoir moral d'imposer votre volonté à quiconque est en désaccord avec vous». On peut simplement se contenter de recourir à la protestation pacifique de Coluche «Ce n'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort, qu'ils ont raison !». L'élection de x ou de y, voire de z, ne perturbera aucunement la hauteur de votre mission. Nous comprenons et saluons votre souci pour la sécurité du pays. Seulement voilà, l'histoire nous apprend que la logique militaire, probablement plus cartésienne, ne convient pas à la gestion publique. La priorité sécuritaire et l'acharnement pour une zéro-tolérance feront que la sortie du sous développement ne constitue jamais une priorité dans l'agenda d'un état major. Un régime militaire est une condamnation à perpétuité au sous développement. La possible perte de privilèges, que certains s'attribuent et que d'autres se contentent de ne pas refuser, l'expérience tragique récente du pays, ainsi que l'inquiétante situation que vivent nos voisins, ne doivent pas servir d'alibi pour priver l'Algérie des millions de martyrs d'emprunter la nécessaire, bien qu'insuffisante, unique, longue et sinueuse passerelle vers l'autre rive. Accompagnez lucidement votre peuple qui a payé un prix suffisant pour sa liberté, dans cette mère des batailles de transition même si elle comporte des zones de turbulence. Nous devons tous méditer l'avertissement de Kennedy «Ceux qui rendent une transition pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable» afin d'éviter le dilemme de la malédiction d'Annan «Les personnes qui négocient la paix sont souvent celles qui lui ont fait le plus de mal». Je ne saurais terminer sans exprimer ma sincère fierté d'appartenir à ce pays où on peut librement et ouvertement présenter ces conseils authentiques mais aussi critiques. Louange au Bon Dieu. Le mérite revient ensuite aux sacrifices du peuple Algérien. Nos responsables ont également le droit légitime de revendiquer une part de mérite qu'ils peuvent valablement présenter comme une partie positive d'un bilan devant les humains et surtout devant Le Créateur. Puisse le Bon Dieu nous guider à faire partie de ceux qui écoutent la bonne parole et les bons conseils pour en suivre les meilleurs.