Après un silence de plusieurs années, l'ancien chef de l'Etat, Liamine Zeroual, décortique la crise que vit le pays. Indubitablement, il ressort de sa lettre que l'Algérie va mal. En effet, bien que le pays dispose de moyens financiers faramineux, force est de reconnaitre que l'Algérie n'avance pas. Et pour que le pays soit dans cet état, il existe incontestablement des responsables. Contrairement à ce qu'a affirmé Ouyahia sur BRTV, il y a quelques jours, la faute n'incombe pas au peuple algérien. Car, dès lors que la désignation de ses représentants lui échappe totalement, il est politiquement incorrect de l'incriminer de quoi que ce soit. De toute évidence, dans les pays qui respectent les citoyens, un rendez-vous électoral, comme celui du 17 avril prochain, est un moment où les dirigeants se soumettent à la volonté du peuple. A entendre les courtisans du régime, tels que Sellal ou Ben Younes, on n'a pas l'impression que les dirigeants ne se donnent pas à cet exercice. Car, si jamais cette volonté est réellement respectée, elle donnera normalement « mandat au prochain président de la République d'agir en son nom, pour une période de cinq ans », pour paraphraser le général Zeroual. En Algérie, depuis le recouvrement de l'indépendance, les scrutins sont formels. Les décideurs de l'ombre choisissent d'abord (d'où la candidature de consensus) et puis on convoque le corps électoral pour entériner ce choix. D'ailleurs, malgré un ton diplomatique, le général Zeroual dénonce, certes en termes un peu voilés, l'acharnement du clan présidentiel à vouloir imposer un homme grabataire à la tête de l'Etat. « C'est là un insigne honneur pour le prétendant à la magistrature suprême mais également une lourde et délicate charge, autant morale que physique », écrit-il. Cela dit, appartenant lui-même au régime, le général Zeroual n'est pas le mieux placé pour parler du respect de la volonté populaire. En fait, comme tous les chefs d'Etat, il a été imposé en 1995 au peuple algérien. Durant son mandat, ses partisans ont été d'une violence inouïe envers les gens qui ne pensaient pas comme eux. De la même manière, bien qu'il parle de l'alternance au pouvoir, durant la présidence Zeoual, Naegelen aurait paru un petit joueur. Pour les amnésiques, rappelez-vous de la « victoire » du RND aux élections législatives du 5 juin 1997. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cette fraude du siècle a été avalisée par le général Zeroual. D'ailleurs, quand il parle de l'alternance, il ne précise pas si celle-ci doit concerner l'alternance au sein du régime ou parle-t-il de l'alternance émanant du peuple. Toutefois, la détérioration de la situation politique sous le règne de Bouteflika est telle que la période Zeroual nous parait démocratique. En effet, bien que la constitution soit conçue pour prévenir la formation d'une majorité de l'opposition au parlement, à travers notamment la création du sénat (la nomination d'un tiers de ses membres par le président est antidémocratique), il n'en demeure pas moins que les rédacteurs du texte fondamental ont introduit un article, le fameux article 74, qui permettrait au moins une alternance à l'intérieur du système. Hélas, depuis 2008, la suppression de l'article limitant le nombre de mandats présidentiels à deux hypothèque les chances de toute alternance. Quoi qu'il en soit, bien que l'analyse du général soit superficielle, il donne tout de même quelques orientations. Pour sortir de la crise actuelle, le prochain mandat, selon lui, « doit s'inscrire dans le cadre d'un grand dessein national et offrir l'opportunité historique d'œuvrer à réunir les conditions favorables à un consensus national autour d'une vision partagée sur l'avenir de l'Algérie. » Comment y parvenir ? Le général est malheureusement évasif. En appelant au vote massif –on peut comprendre qu'il n'appelle pas à voter pour Bouteflika –, il ne donne aucune consigne de vote. Or, s'il croit à la sincérité du scrutin du 17 avril, il ne dit pas comment le vainqueur fera de son mandat un « mandat-transition ». Enfin, quand on a une ambition pour son pays, n'est-il pas plus judicieux de porter soi-même le projet ? Pour conclure, comme le montre le titre du texte, à comparer Zeroual à Bouteflika, il va de soi que celui-ci parait plus démocratique et plus soucieux de l'avenir de l'Algérie. En effet, en remettant son mandat en septembre 1998, le général Zeroual a montré qu'il n'était pas un assoiffé de pouvoir. Hélas, il n'en est pas de même de son successeur. Malgré un état de santé en perpétuelle dégradation, ce dernier ne veut pas lâcher les rênes du pouvoir. Et c'est là où se situe la différence entre les deux hommes. Du coup, par rapport à Bouteflika, Zeroual peut être considéré comme un grand homme politique, et ce, malgré sa carrière de militaire.