Nouveau signe de vie de Bouteflika EXCLUSIF – Le JDD a pu suivre en coulisses la première rencontre d'un officiel étranger avec le président Abdelaziz Bouteflika depuis sa réélection le mois dernier. Le chef de l'Etat algérien a reçu mardi après-midi dans sa nouvelle résidence de Zeralda le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian. Jean-Yves Le Drian et Abdelaziz Bouteflika à Alger. (Zinedine Zebar pour le JDD) Dire qu'il va mieux serait exagéré. Mais le président algérien s'est effectivement entretenu pendant près de trois quarts d'heure mardi avec celui qui était venu lui apporter un message de « félicitations » de François Hollande. La scène s'est déroulée dans le grand salon de ce qui ressemble à un hôtel tout neuf un peu perdu au milieu des champs non loin du bord de mer. La plage Azur de Zéralda, à une vingtaine de kilomètres d'Alger, est toute proche. La résidence est bordée par un immense parking pratiquement vide. D'ailleurs, tout est à peu près vide dans cet édifice. Y compris la piscine, ce qui n'est guère étonnant. Dans le salon de réception, où le président Bouteflika a déjà reçu quelques jours avant sa réélection le chef de la diplomatie John Kerry, aucune marque personnelle. Pas davantage dans la bibliothèque où trônent une centaine de livres dont un beau livre de photos d'Alger de Marc Riboud et l'inévitable opus de Frantz Fanon Les damnés de la terre. Entre le moment où la délégation du ministre français arrive sur place et son accueil par le président algérien, il s'est écoulé près d'une demi-heure. Le temps sans doute de préparer l'arrivée de l'hôte des lieux. Lorsque Jean-Yves Le Drian et son équipe entrent dans le salon, le raïs est déjà installé dans son fauteuil. En costumes, trois pièces sombre, coiffé, le regard légèrement exorbité et la main gauche tombante, on peut voir dans son oreille droite un appareil auditif et l'homme s'exprime avec un micro relié à des hauts parleurs pour qu'on puisse l'entendre. « Il articule », rend compte un participant à l'entretien, « il est lucide et comprend de quoi il retourne, mais on sent bien la fatigue ». Le plus important pour lui est que cette visite est filmée par la télévision algérienne d'Etat et que le grand public sache ainsi qu'il est capable de recevoir les hôtes de marque. Il prendra des forces pour répéter cet exercice dès le début du mois prochain pour recevoir le patron du Quai d'Orsay Laurent Fabius. Mais le président algérien ne raccompagne pas ses invités ni ne participe à la prise de parole à destination des médias qui clôt la rencontre. « Pas de démocratie sans sécurité » De quoi a-t-il été question au cours de cet échange au cours duquel les ministres algériens des affaires étrangères et des questions sahéliennes se sont exprimé également? Du Mali bien sûr et de la volonté de l'Algérie, après les récents événements tragiques à Kidal, d'inviter les groupes armés du nord, touareg et arabes, à participer à une tentative de réconciliation politique avec le gouvernement de Bamako. De la Libye aussi, où les autorités algériennes comme françaises, s'inquiètent fortement de voir le peu d'Etat qui y règne se réduire de jour en jour. Jean-Yves Le Drian a aussi rencontré le Premier ministre Abdelamalek Sellal. Crédit : Zinedine Zebar pour le JDD. Abdelaziz Bouteflika, est toujours, en titre du moins, ministre de la défense de son pays. Son vice-ministre, le général Gaid-Salah a reçu hier longuement son homologue français. Tout comme le premier ministre Sellal qui l'a retenu près d'une heure et demie. Jean-Yves Le Drian recevait un peu plus tard à la résidence de France trois grands patrons de presse algérienne. L'occasion de leur dire qu'il « ne peut y avoir de démocratie et de développement sans sécurité ». La sécurité, un mot que les autorités algériennes assimilent à celui de stabilité. Il y avait quelque chose d'étrange à voir cette stabilité s'incarner mardi dans un personnage si affaibli et à peine audible. Dans la résidence de Zeralda, mi-hôtel mi-hôpital, où tout a été conçu pour faciliter l'usage d'un fauteuil roulant, le temps semble s'être arrêté. François Clemenceau, envoyé spécial à Alger – Le Journal du Dimanche mercredi 21 mai 2014 *