Quand l'information nous est parvenue la première fois, nous n'y avions pas cru. Nous étions persuadés que le représentant de l'Etat ne pouvait agir de la sorte, surtout dans un contexte particulier et aussi explosif marqué par la forte colère chez des citoyens souvent privés d'eau. Une colère qui s'est exprimée par des actions dans la rue pouvant tourner au drame. Malheureusement, vérifiée, recoupée et confirmée, l'information en question s'est avérée réelle. Durant cet été caniculaire, où les températures ont battu des records, au moment où une pénurie d'eau sans précédent sévit à Khenchela, plus particulièrement dans les régions du sud de la wilaya où beaucoup de villages sont devenus fantomatiques car abandonnés par leurs habitants en raison du manque d'eau, deux camions-citernes anti-incendie de la Protection civile ont été réquisitionnés à plein temps pendant toute une semaine, durant la deuxième quinzaine du mois de Ramadhan, pour remplir l'énorme piscine de la résidence du wali. Il a fallu des dizaines et des dizaines de citernes juste pour la remplir, l'eau ayant été puisée directement du château d'eau qui se trouve dans la zone industrielle. Comment est-il possible de détourner massivement une ressource aussi précieuse pour des besoins strictement personnels et non prioritaires, et dans une région où les feux de forêt sont nombreux en pareille période ? Pourtant, il semblerait que le manque d'eau flagrant qui touche beaucoup de wilayas, dont Khenchela, fait partie des préoccupations de Hocine Necib, ministre de la République, chargé des Ressources en eau. Ce dernier doit certainement ignorer ce genre de pratiques — gaspillage et détournement de l'eau de la collectivité —, dont usent et abusent certains responsables locaux de l'Exécutif. Le même ministre, dans une déclaration récente largement médiatisée, avait lié le problème des pénuries d'eau dans certaines wilayas, telles que Tizi Ouzou, M'sila, Tébessa, Oum El Bouaghi, Médéa, Khenchela, Sétif et Bouira, «aux dysfonctionnements dans la distribution, au relief défavorable, aux coupures de l'énergie électrique, à la répartition spatiale inadaptée des réservoirs de stockage», sans parler de remplissage de piscines «à usage personnel» de certains «grands commis de l'Etat !» Ce genre de pratique est inacceptable pour tous ceux qui croient à la valeur inestimable de l'eau — «le pétrole des pauvres» —, surtout durant cette période et au moment où de fréquentes campagnes d'information ont pour but de sensibiliser le public sur le gaspillage de l'eau. Mohamed Taïbi