�Stocker� l�eau est un geste machinal, une habitude, voire une seconde nature pour le citoyen qui craint � tout instant de longues et inattendues coupures d�eau. Bien que les choses semblent avoir chang� depuis quelque temps puisqu�un effort en communication est fait par les services des eaux qui informent des jours et heures de coupures, par rue et par quartier, le r�flexe acquis durant les ann�es �s�cheresse� des robinets demeure : stocker encore et encore, m�me au-del� des besoins quotidiens pour pallier a toute �ventualit�. Tous les moyens sont bons pour �r�server�, dans n�importe quelle condition, le pr�cieux liquide. Qu�il soit citadin ou rural, l�Alg�rien ne semble pas savoir �conserver� et �pr�server� l�eau. Mais est-ce de sa faute quand il n�a pas les moyens de s�offrir une b�che d�eau, ou qu�il n�y a pas song� par ignorance ou par avarice ? Les citernes et les cuves tous gabarits confondus �foisonnent�. Il y en a partout, surtout sur les toits des immeubles. Sur ceux des immenses cit�s-dortoirs des quartiers populaires et sur les b�timents, villas et b�tisses des quartiers �chic� ou �r�sidentiels�. M�me les balcons et autres loggias n�ont pas �t� �pargn�s. Par endroit les �r�sidents�, et m�me les commer�ants n�h�sitent pas � squatter un bout de cave, de parties communes, ou carr�ment des morceaux de trottoirs. Qu�elles soient galvanis�es, en taule galvanis�e ou en PVC, il y en a pour toutes les bourses et dans toutes les dimensions. Le consommateur, qui avoue ne pas tout conna�tre sur le produit qu�il ach�te, ni sur la mani�re de l�entretenir par la suite pour stocker l�eau dans les meilleures conditions sans risque de maladies, reconna�t se suffire de quelques conseils et astuces du plombier pour acqu�rir la citerne qu�il faut ou que lui permettent ses moyens. Il ne nie pas le fait de tout ignorer de l�entretien des citernes et autres cuves, ne rien savoir sur la dur�e de �vie� des r�serves d�eau que d�aucuns, m�me s�ils se disent conscients du gaspillage, n�h�sitent � pas �d�verser�. La crainte du calcaire et de la rouille �Il m�arrive de renouveler l�eau de ma citerne tous les quinze jours. Je le fais quand je me rends compte que je n�ai pas eu � utiliser les r�serves parce que le quartier est r�guli�rement aliment� en eau courante. Les coupures interviennent entre 21h et 6h. Donc de nuit ! J�avoue que parfois, apr�s trois semaines, c�est toute ma r�serve, que je n�ai pas eu � utiliser que je jette pour la renouveler. C�est que je crains le calcaire et la rouille�, nous confie un habitant de Mohamed-Belouizdad, (ex- Belcourt). Et il n�est pas le seul dans ce cas. Presque tous les Alg�rois que nous avons rencontr�s sont dans la m�me logique. Beaucoup d�entre eux ne semblent pas se soucier outre mesure du gaspillage du pr�cieux liquide. �Je ne pense pas que nous en soyons l�. Nous avons longtemps �t� priv�s d�eau, parfois des jours entiers. J�ai eu pr�s de dix ans de ma vie � m�acquitter de la corv�e d�eau. Il m�est arriv� de faire des dizaines de fois l�aller-retour entre Bouzar�ah et Bouchaoui pour remplir des jerrycans, des bouteilles et m�me de grands ustensiles pour assurer les besoins quotidiens de ma famille. Aujourd�hui, j�ai une citerne que j�ai install�e dans la loggia et je vais bien, m�me si je paie plus cher ma facture�, notre interlocuteur soutient que s�il lui arrive de vider sa cuve, c�est parce qu�il craint le calcaire, m�me si sur conseil de son plombier, il a jet� une pi�ce de monnaie dans sa citerne. Une astuce que beaucoup disent avoir utilis�e pour r�duire le d�p�t de calcaire. La plus part n�ont pas su expliquer cette crainte. �Je sais qu�il ne faut pas boire d�eau tr�s charg�e en calcaire, c�est mauvais pour les reins. En principe on a rien � craindre puisque l�eau que nous emmagasinons provient des r�seaux d�alimentation en eau potable. Elle est donc trait�e. Le fait est que j�ignore si la laisser longtemps entrepos�e dans une citerne expos�e au soleil et au changement climatique n�alt�re pas sa qualit�. D�autant plus que je ne sais pas si vraiment la citerne que j�ai achet�e r�pond aux normes. Je me pose des questions depuis que je me suis rendu compte que ma citerne commen�ait � rouiller par endroits, plus exactement au niveau des soudures. Je crains qu�il en soit de m�me � l�int�rieur�, nous confie un autre habitant de Belcourt, o� nous avons choisi de faire notre reportage pour tenter de savoir si �l�Alg�rien� savait �conserver� et utiliser ses r�serves d�eau. Et qu�est-ce qui faisait qu�il prenait option pour tel ou tel type de citerne et si une fois le choix arr�t�, il tenait compte avant l�installation de la r�glementation en la mati�re afin de pr�server l�esth�tique et l�environnement. Des questions que d�aucuns ont assimil�es � un gag. �Je vous mets au d�fi de me trouver un texte, un seul qui r�glemente quoi que ce soit !� Aucune loi ne r�git la fabrication, la commercialisation et l�installation des citernes ou cuves d�eau Et il n�en aurait pas, selon des fonctionnaires du bureau d�hygi�ne de la commune de Z�ralda, o� nous nous sommes rendus il y a quelques jours. �A notre connaissance, il n�y en a pas�, nous r�pond un des pr�pos�s, qui nous renvoie vers un autre service, qui, � son tour, nous oriente vers la wilaya. Au bureau communal d�hygi�ne, on avoue ne pas avoir pens� � vulgariser quelques conseils pratiques en direction des citoyens qui disposent d�une citerne d�eau pour dissiper les craintes du calcaire et de la rouille, et attirer l�attention sur d��ventuels autres risques. �G�n�ralement quand l�eau est color�e ou �odorante�, le consommateur se m�fie, ou pallie en utilisant de l�eau de Javel. Le risque ne vient pas de l�, mais des microbes peuvent se d�velopper � l�int�rieur du r�servoir s�il n�est pas construit dans les normes. C�est dangereux quand l�eau est incolore !� nous pr�cise-t-on au BCH de Z�ralda o� l�on tient � souligner que la crainte des maladies � transmission hydrique ne vient pas des citernes de particuliers puisque aliment�es par les r�seaux d�eau potable r�guli�rement contr�l�s par les services communaux, mais des particuliers qui recourent aux citernes sur roues pour remplir leurs cuves, sans conna�tre l�origine de la source o� l�eau a �t� puis�e. �C�est le plus grand probl�me ! Il y a beaucoup de fraudeurs qui, pour �viter tout contr�le ou parce qu�ils n�en ont pas l�autorisation puisent l�eau dans des puits qui n�ont pas forc�ment �t� trait�s � la chaux et m�me ailleurs.� La pagaille qui r�gne dans �le monde� des citernes et des cuves a, nous a-t-on dit, amen� le d�partement de Abdelmalek Sellal � �laborer un d�cret pour r�gir l�utilisation des citernes et la �commercialisation� de l�eau potable. En attendant le d�cret Sellal Le document est en voie de finalisation, nous pr�cise-t-on au si�ge du minist�re des Ressources en eau. Une premi�re mouture a �t� �labor�e puis soumise � la direction de l�Alg�rienne des eaux (ADE) pour �avis technique�. Au si�ge de ladite direction, on juge utile d�indiquer que la demande sur le produit citerne est �norme et que de plus en plus de citoyens y ont recours pour pouvoir avoir de l�eau H24, en attendant que le probl�me de l�alimentation en eau potable soit d�finitivement r�gl�. Et comme ce n�est pas pour demain, on a song� � un texte � que l�on vient de soumettre � la chefferie du gouvernement � pour baliser �cet univers� o� n�importe qui fait n�importe quoi. Le projet de d�cret dont Le Soir d�Alg�rie a obtenu une copie, ne va pas �tre la panac�e, parce qu�il ne concerne que la commercialisation de l�eau par les tracteurs-citernes qui n�ob�issent pas, parce qu�ils ne sont r�gis par aucune r�glementation. Une fois le projet de loi adopt� en Conseil du gouvernement, puis en Conseil des ministres, publi� au Journal officiel, soit quelques mois encore, obligation sera faite aux camions-citernes de respecter certaines r�gles et plusieurs normes. La citerne doit �tre en produit inoxydable, recouverte � l�int�rieur par de l��poxy, un rev�tement alimentaire qui ne risque pas d�alt�rer la qualit� de l�eau. Le robinet de puisage doit �tre inoxydable, il faut qu�il y ait un clapet antiretour et que la citerne soit munie d�une ouverture pour le nettoyage. Le camion-citerne qui doit �tre immatricul� devrait avoir une autorisation de la direction de l�hydraulique de la wilaya pour distribuer de l�eau dont le contr�le de la qualit� sera syst�matique et l�origine imp�rativement signal�e. Ceci pour la qualit� de l�eau et les conditions de sa distribution. La fabrication et la commercialisation des citernes et cuves � eau sont une autre affaire. Celle du minist�re de l�Industrie et celle du Commerce. Et pour l�heure, les deux d�partements ne donnent pas l�impression de s�en pr�occuper si l�on en juge par l�anarchie qui caract�rise ces deux activit�s. L�arnaque du galvanis� Quels que soient l�horaire ou le climat, El Hamiz, ce quartier-bazar de l�ouest d�Alger, ne d�semplit jamais, les jours ouvrables comme les jours f�ri�s. Les commer�ants, ou apprentis commer�ants, qui vous refilent sans sourciller, entre deux pri�res les produits contrefaits sont avares de r�ponses et de conseils quand vous posez trop de questions quant � la fiabilit� et l�origine du produit que vous voulez acheter. On vous parlera de prix, de dimensions, de capacit�s, tout en tentant de vous fourguer des flotteurs et autres accessoires n�cessaires � l�installation de votre citerne. Le march� des citernes est, dit-on, des plus florissants parce que pas du tout r�glement�. Quelles sont les normes de fabrication des �r�servoirs� d�eau ? Les principes de bases sont-ils respect�s ? Quels mat�riaux interviennent dans leur fabrication et qui fabrique quoi ? Que faire en cas de fuite ? Pour �viter l��clatement, l�explosion de la citerne ? Comment la nettoyer ? Au bout de combien de temps faut-il renouveler l�eau si elle n�a pas �t� utilis�e. Faut-il utiliser une cuve en PVC, ou en taule galvanis�e ? Faut-il privil�gier une marque par rapport � une autre, un fabricant par rapport � un autre ? Autant de questions que peuvent poser les consommateurs avant de d�cider de l�achat de leur citerne et auxquelles les commer�ants d�El Hamiz vous r�pondent par �Allah A�lam� (Dieu seul sait). Votre plombier vous conseille une citerne galvanis�e, vous en avez � tous les prix en fonction de l��paisseur de la taule et de la capacit�. Vous voulez vous assurer qu�elle est vraiment et enti�rement galvanis�e, on vous r�torque qu�il y a en tr�s peu sur le march� et qu�elles font deux fois le prix de celle �peinte au galvanis�e�. En fait, les citernes galvanis�es ne peuvent l��tre qu�une fois fabriqu�es. �D�s lors, elles sont plong�es, et enti�rement, dans un bain de zinc fondu. Il faut qu�elles soient enti�rement enrob�es de l�int�rieur et de l�ext�rieur pour que rien ne l�atteigne, ni l�humidit� ni le soleil. Le zinc a la particularit� de ne pas se rouiller. Sur tout le territoire, seules trois entreprises assurent cette prestation. Deux � Alger et une autre � Annaba�, explique le directeur commercial de MAGI, entreprise du mat�riel agricole et industriel dont le si�ge est � Rouiba. Une entreprise qui fait dans la fabrication des citernes depuis plus de 40 ans. Elle serait la seule � identifier et � codifier ses produits. Ce n�est pas le cas de toutes les citernes que l�on trouve sur le march�. La majorit� pour ne pas dire toutes sont anonymes. Pour toute information concernant l�origine, on vous dira qu�elle vient de Baraki, des Eucalyptus, et m�me de A�n-Touta du c�t� de Batna. Rien d�autre, aucune r�f�rence ; pas de �mode d�emploi� encore moins de d�tails sur les mat�riaux la composant. La tra�abilit� du produit, personne ne semble s�en soucier. Il faut savoir que g�n�ralement les citernes anonymes ne sont pas galvanis�es. �C�est la taule qui l�est par �lectrolyse, elle est donc trop fine pour r�sister. Elles sont expos�es � la rouille, on pense qu�elles sont prot�g�es mais ne le sont pas. Il faut que les soudures de la taule soient faites et garanties trois barres. Tr�s peu l�utilisent. Ils utilisent de la soudure ordinaire qu�ils peignent une fois la citerne confectionn�e avec de l�aluminium�, pr�cise un professionnel qui recommande d��viter les cuves aux angles carr�s. Les citernes en PVC sont des foyers microbiens Comme il sugg�re de ne pas prendre option quand on a les moyens pour les citernes en PVC. Bien que le polystyr�ne soit tr�s utilis� pour la fabrication d�ustensiles de conservation, il n�est recommand�, selon notre sp�cialiste, que pour la fabrication des citernes d�eau. Or, il en de plus en plus sur le march� national dans toutes les formes, dimensions et capacit�s. Si quelquefois les commer�ants ont l�honn�tet� de vous recommander de ne pas prendre des citernes en PVC de couleur blanche ou transparente, ils omettent de vous dire que lorsque vous optez pour une citerne en PVC de couleur sombre, il faut �viter de la mettre sur le toit, sur une terrasse ou un balcon. Et qu�il est imp�ratif de la mettre dans un endroit o� la lumi�re ne p�n�tre pas car �il est important de le savoir parce que ce genre de citerne est forc�ment transparent m�me s�il ne l�est pas. Quelles que soient l��paisseur ou la couleur, la lumi�re p�n�tre, et il y a ph�nom�ne de photosynth�se donc formation d�algues et par del� de microbes�, affirment un m�decin qui s�int�resse au ph�nom�ne et qui ne comprend pas que l�on autorise la fabrication et la commercialisation des citernes en PVC pour le stockage de l�eau. Un monde o� chacun fait comme il l�entend, o� le plombier du coin devient sp�cialiste en vous refilant trucs et astuces pour g�rer votre r�servoir d�eau. La demande est tr�s importante, le march� florissant, le contr�le inexistant, et l�Etat est totalement absent. En attendant que les pouvoirs publics se manifestent pour r�guler, orienter et conseiller pour conserver sans gaspiller dans les meilleures conditions l�eau, le citoyen fait comme il �sait� sans se poser de questions. Le tout est d�avoir de l�eau toute la journ�e.