Les épisodes de redressement à l'intérieur des partis du pouvoir ne constituent plus, depuis longtemps, d'événements dignes d'intérêt; ils sont devenus, par leur récurrence, une banalité pour le citoyen lambda qui n'y voit que joutes de foire. Aussi, comme pour dépayser quelque peu de la morosité estivale, une organisation de masse, celle-là de taille, a décidé de nous divertir en nous proposant une turbulence inédite qui s'annonce déjà porteuse d'un lot de déballages nauséabonds sur la place de publique. Un Comité National de réappropriation et de sauvegarde de l'UGTA (CNRS) a vu le jour avec un « appel » en date du 17 août courant. Nous retiendrons, de tout son communiqué, rédigé dans la classique langue de bois qui caractérise les « dénonciations » au sein des satellites du régime, deux ou trois petites informations intéressantes par leurs révélations. Mais d'abord, relevons que ce genre de manifestations ne se produit qu'à l'approche d'échéances importantes, en l'occurrence ici, la préparation du 12ème Congrès de l'UGTA. Sidi-Saïd, indéboulonnable secrétaire général, depuis 18 ans, du syndicat des travailleurs préféré des dirigeants du pays, aurait installé, de son propre chef, un comité des assises du dit-congrès, en violation des statuts et règlement intérieur qui dévoluent cette tâche à la Commisson Exécutive Nationale issue du précédent Congrès. Jusque-là, rien de sensationnel, ces pratiques sont courantes dans les organisations de masse pour éviter les mauvaises surprises lors du jour J. Sauf que le comité en question, qui se serait réuni le 5 août dernier à El Achour, aurait été constitué de secrétaires généraux des unions de wilaya et de fédérations heureux bénéficiaires de véhicules neufs; en tout, un lot d'une centaine de voitures offert à titre gracieux, selon le communiqué des contestataires qui ne s'expliquent pas « la raison de l'achat et la source financement » d'un tel don. Et boum! La coïncidence des faits est évidemment troublante, ce qui donne à l'accusation toute sa gravité. Dépenser en effet environ 200 millions de dinars en cadeaux pour s'assurer du « bon déroulement » du prochain Congrès témoigne que de grands enjeux sont en question. Quels sont ces enjeux, peut-on se questionner, puisque la vassalité de l'UGTA envers le pouvoir est traditionnellement acquise? Et si ce ne serait pas une ponction gaillarde dans l'insondable compte des « œuvres sociales », chapitre jalousement revendiqué et gardé secret, alors, qui pourrait ête ce mystérieux mécène qui financerait une telle opération de charme (ou, plus crûment dit, de soudoiement), sinon le pouvoir lui-même? Souvenons-nous qu'avant le vote à l'Assemblée Nationale de l'infâme tour de passe-passe qui sautait le verrou des deux mandats présidentiels en vue des élections présidentielles d'avril 2009, les députés obtinrent ( sans qu'ils l'aient demandé) une scandaleuse augmentation de leur salaire! Peut-être (puisqu'à nous autres, « on ne nous dit pas tout« ) un pré-conditionnement des esprits en vue du vote futur de la Constitution magique qui va sceller la réconciliation nationale. Il y a là cependant, si les faits s'avéraient vrais, une véritable brèche dans laquelle devraient s'engouffrer tous les syndicats autonomes, mais aussi les partis de l'opposition, et tous les citoyens qui ont envie de crier basta à la face d'un régime sclérosé dont les us éculés et révoltants datent de l'ère stalinienne, nourrissent quantités d'organisations dites de masse, inutiles, budgétivores, et renforcent dangereusement le sentiment d'inéquité au sein de la société. La presse écrite, dite libre, a été bien inspirée de répercuter, sur ses colonnes, l'annonce de ce dénommé « comité pour la réappropriation et la sauvegarde de l'UGTA de Aïssat Idir et d'Abdelhak Benhamouda »; mais celui-ci devra, cependant, pour sa crédibilité, porter l'affaire par devant les tribunaux et étayer les tenants et les aboutissants de ces dons illicites; en outre, il est tenu d'empêcher la tenue de ce Congrès par tous les moyens, ne serait-ce, par exemple, qu'en rassemblant tous ses militants à l'extérieur de l'enceinte prévue à cet effet, afin de protester bruyamment contre le dévoiement de leur organisation, et d'attirer l'attention des passants. Car la société algérienne est arrivée à un stade de maturité qui lui impose de ne plus se taire face au pouvoir démesuré que l'argent est en train de s'arroger; elle doit, sans discontinuer, exprimer son indignation devant les méfaits de l'équation main levée=privilèges. Il n'y a point de fatalité; ne dit-on pas qu'un battement d'ailes de papillon dans le Pacifique peut provoquer un tsunami à des milliers de kilomètres plus loin. Mais il y a un autre point de ce communiqué qui agace. Le comité des contestataires dénonce une organisation » devenue l'antichambre et le prolongement d'un parti politique qui s'appelle le Parti dit des Travailleurs dirigé, à l'image de l'UGTA, depuis plus de vingt ans par la même personne ». Et re-boum! L'accusation porte cette fois sur la problématique d'une alliance partisane plusieurs fois suspectée. La connivence présumée entre le parti de Louiza Hanoune et la centrale syndicale de Sidi-Saïd n'est pas nouvelle, mais là, elle est pointée du doigt de l'intérieur d'un duo que tout le monde sait dans les bonnes grâces du régime. Elle nuit aux deux structures, cependant. L'une est syndicale, c'est-à-dire, censée ne pas « faire de politique »; l'autre est politique, et, « fricoter » avec une organisation de masse bien ancrée dans l'orbite du pouvoir, écorche la réputation d'autonomie qu'elle veut se construire, et son « souci » de représenter tous les travailleurs (particulièrement au moment où les responsables de syndicats « indésirables » _ La Poste, Snapap entre autres_ sont victimes de harcèlements, et pour certains, de licenciements): la reine serait-elle à ce point nue? J'assume! C'était en 2007. L'expression est restée célèbre, par l'insolence de son impunité, depuis le jour où S.Saïd la prononça devant les tribunaux lors du fameux procès « Khalifa », où il fut convoqué (mais en tant que témoin seulement!); il avait placé d'autorité, rappellons-le, c'est-à-dire sans en référer aux autres membres du CA de la CNAS dont il était le président, plusieurs milliards de DA dans la banque du magnat. Il ne fut pas inquiété, ni pour sa responsabilité directe dans la perte irrémédiable de cet argent, ni même rabroué pour son impudence. Osera-t-il à nouveau en faire usage pour répondre aux accusations de ses contradicteurs? Bacha Ahmed