La nuit du 14 août, la prison d'Aix reçoit un étrange appel du ministère de la Justice. Sur ordre de l'Elysée, il faut immédiatement ouvrir au consul d'Algérie, qui veut rendre visite à un compatriote. Et pas n'importe lequel. Mohamed Ziane Hassani, interpellé quelques heures auparavant, est soupçonné d'avoir, en avril 1987, commandité l'assassinat à Paris d'Ali Mecili, avocat français et porte-parole de l'opposition algérienne. Or les visites de nuit sont interdites en prison, même pour les diplomates. L'affaire remonte donc jusqu'au directeur de l'administration pénitentiaire, Claude d'Harcourt. Et ça coince. Intraitable, l'ancien préfet oppose à cette instruction incongrue un farouche et courageux veto. Qu'importe. Sur réquisition du procureur général, pour « ne pas différer l'exercice de la protection consulaire », avant l'aube, on ouvre les portes de la taule. Voilà qui fleure la barbouzerie à plein nez, comme depuis vingt et un ans. Dès le meurtre d'Ali Mecili, en effet, Hocine Ait Ahmed, le dirigeant du FFS algérien, avait dénoncé un crime d'Etat commis par les services algériens. Thèse confortée par l'expulsion « en urgence absolue » du principal suspect par Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, avant même toute audition par un juge. Jamais gêné, Pasqua affirmait : « L'Algérie n'a rien à voir là-dedans ! » L'enquête traîne jusqu'en 2003, lorsque, à la demande d'Antoine Comte, avocat des Mecili, le juge Baudoin Thouvenot entend un témoin capital, ancien officier des services algériens réfugié en Allemagne, qui accuse Hassani. Le capitaine Husseini d'antan serait devenu Hassani, un responsable du protocole au ministère algérien des Affaires étrangères. En décembre 2007, le juge délivre un mandat d'arrêt international qui a permis, le 14 août dernier, l'arrestation de l'Algérien. Malgré ses protestations d'innocence. Hassani se retrouve incarcéré. Quelques jours plus tard, Me Comte retrouve Hassani à Paris lors du débat sur sa détention. Exceptionnellement, l'audience est publique, pour pouvoir accueillir l'ambassadeur d'Algérie. « Espérons que Son Excellence se déplace pour chacun de ses ressortissants, notamment sans papiers, ricane l'avocat. Tout cela prouve qu'il s'agit bien d'une affaire d'Etat. » En attendant d'être confronté à son accusateur, Hassani a été placé sous contrôle judiciaire. A moins qu'il ne soit prudemment exfiltré vers l'Algérie…