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L'Algérie condamnée par le Comité des droits de l'homme de l'ONU pour les exécutions sommaires des frères FEDSI par le chef de daïra de Taher (Jijel)
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 07 - 10 - 2014


06 octobre 2014
Le Comité des Droits de l'Homme des Nations Unies a établi, au cours de sa 111ème session, la responsabilité des autorités algériennes dans l'assassinat des frères FEDSI le 19 avril 1997 dans le village de Tellata près de Taher dans la wilaya de Jijel. L'auteur principal de cette exécution sommaire n'est autre que le chef de Daïra (sous-préfecture) de Taher, Fourar Mehenni, accompagné lors de son forfait par le chef de la brigade locale de la gendarmerie (Dark al Watani) et le commissaire de police de Taher.
Exécutions sommaires des frères FEDSI
Messaoud et Nasreddine Fedsi, alors âgés respectivement de 20 et 24 ans, avaient été arrêtés le 19 avril 1997, tôt le matin, par des policiers accompagnés de gendarmes et de membres de la milice locale.
Selon les témoignages rapportés par les personnes présentes sur les lieux de l'arrestation, dont le père des victimes, les agents des services de sécurité se sont rendus au domicile familial à 06h du matin et y ont arrêté Nasreddine FEDSI. Ils se sont ensuite dirigés vers un café au centre du village de Tellata où ils ont arrêté son frère Messaoud.
Le père des deux victimes, M. Khalifa FEDSI, avait quant à lui été arrêté plus tôt le matin alors qu'il venait de quitter son domicile pour se rendre au travail par des agents circulant à bord d'un véhicule de la Daïra de Taher. Il a été interrogé à propos de ses deux fils avant d'être relâché sur la route. Très inquiet, celui-ci est revenu immédiatement au domicile familial où il a pu assister à l'arrestation de son fils Nasreddine.
Selon les nombreux témoins présents sur les lieux, les deux frères ont immédiatement été emmenés dans un bois proche du village où ils ont été sommairement exécutés par le chef de la Daïra de Taher, Mehenni Fourar. Celui-ci était accompagné par le commissaire de police, des policiers de la sûreté de Daïra, des membres de la milice de Boucherka-Taher, dont Ferhat BENZAIOUA, ainsi que de l'adjudant-chef commandant la brigade de gendarmerie locale.
Les cadavres des deux jeunes hommes assassinés ont été exposés à l'entrée de la forêt à la vue de la population locale, pratique courante à l'époque, visant à terroriser les citoyens, en particulier dans les régions isolées. Les parents des victimes n'ont été autorisés à récupérer les dépouilles de leurs enfants pour les enterrer que le lendemain matin et ont constaté un grand nombre d'impacts de balles sur leur corps.
Démarches entreprises par la famille
Désemparé par l'assassinat de ses enfants, M. Khalifa FEDSI s'est rendu le lendemain à la brigade de gendarmerie nationale de Boucherka-Taher pour déposer plainte contre les responsables. Le chef de brigade de gendarmerie de Boucherka, qui a participé lui-même au crime, l'a alors menacé de « subir le même sort » s'il persistait dans ses démarches.
M. Khalifa FEDSI s'est alors adressé à la justice et a saisi le procureur du tribunal de Taher qui a cependant refusé de recevoir sa plainte en l'informant simplement qu'il allait procéder à l'inscription des décès sur les registres de l'état civil. Dans les attestations de décès délivrés à la famille le 04 septembre 2006 figure la mention : « Décédés dans les rangs des groupes terroristes ».
C'est donc en désespoir de cause et après avoir tenté en vain par tous les moyens d'obtenir justice dans son pays que le père des victimes a sollicité Alkarama pour déposer une plainte devant le Comité des Droits de l'Homme des Nations Unies.
Le Comité des droits de l'homme, qui a condamné plus d'une vingtaine de fois ces dernières années le gouvernement algérien pour sa responsabilité dans des cas de disparitions forcées a eu à se prononcer cette fois sur la question de la violation du droit à la vie à travers l'affaire de l'exécution sommaire de deux jeunes algériens par un agent de l'Etat. La pratique des exécutions extrajudiciaires par les services de sécurité algériens, très largement répandue au cours des années 1990, en particulier dans les régions isolées, n'a jamais suscité une grande mobilisation des parents des victimes qui se comptent pourtant par dizaines de milliers à travers le pays.
Identification directe des auteurs du crime
L'affaire des frères FEDSI constitue donc un précédent important dans la mesure où les auteurs directs du crime sont identifiés, s'agissant en l'occurrence de la plus haute autorité administrative locale, le chef de Daïra, agent de l'Etat agissant sous l'autorité du chef du gouvernement de l'époque, Ahmed Ouyahia. Il n'est donc pas possible aujourd'hui pour les autorités algériennes d'invoquer le prétexte habituel de la situation sécuritaire hors de son contrôle ou les dispositions de la charte pour la réconciliation nationale, pour se dérober de la nécessité de prendre les actions concrètes déterminées dans la décision du comité de l'ONU.
Décision du Comité des Droits de l'Homme
Dans sa décision, le Comité, qui a rejeté la totalité des arguments et justifications contenus dans la réponse officielle du gouvernement algérien, a estimé que celui-ci avait violé ses obligations relatives à la protection du droit à la vie du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 6). Le comité demande aux autorités algériennes d'ouvrir une enquête approfondie et rigoureuse sur les exécutions des deux frères, de poursuivre pénalement les responsables et d'indemniser les proches pour le dommage subi.
Alkarama salue cette nouvelle décision et appelle les autorités algériennes à se conformer à leurs obligations internationales et à rendre finalement justice aux victimes et à leurs proches en brisant le pacte d'impunité qui protège encore les auteurs et les commanditaires de ces crimes.
L'Algérie dispose d'un délai de six mois pour informer le Comité des mesures qu'elle a prises suite à cette décision qui sera publiée dans le rapport du Comité des droits de l'homme à l'Assemblée générale des Nations Unies à New-York lors de sa prochaine session.
Dans le cadre de la procédure de suivi instituée par l'instance onusienne relativement aux plaintes individuelles, Alkarama accordera une importance particulière à la mise en œuvre de cette décision afin de s'assurer que les droits des victimes et leur dignité soient finalement rétablis.
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