TSA jeudi 16 juillet 2015 | Par Envoyée spéciale : Hadjer Guenanfa | Actualité Pas de policiers ni de gendarmes ou de militaires dans les rues. Les magasins sont intacts et aucune maison n'a été saccagée ou incendiée. Située à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Ghardaïa, El Atteuf a su se préserver des violences qui ébranlent la vallée du M'zab depuis plus de deux ans. ghardaia TSA Algérie TSA Algérie « Des lycéens se sont affrontés (au tout début des événements). Mais les gendarmes sont intervenus. Nous aussi ! », raconte Kethila Echeikh. Le vieux retraité issu de la communauté arabe vient tenir compagnie à son frère aîné dans son magasin au quartier Chahid Messaoud Saïd. En face, quelques personnes âgées sont assises à même le sol sur l'esplanade de la mosquée. « On vit ensemble depuis très longtemps ! », tranche l'un d'eux. Ici, Arabes et Mozabites ne se fuient pas Sur les hauteurs de la cité se trouve l'une des principales artères commerciales de la commune. Ce mercredi matin, les habitants d'El Atteuf passent d'un magasin à l'autre pour effectuer les derniers achats avant l'Aïd. Ici, les Arabes n'évitent pas les échoppes ou superettes mozabites. Et ces derniers ne sont pas obligés de contourner les principaux axes de la ville pour rentrer chez eux, comme c'est le cas dans de nombreux endroits à Ghardaïa. Plus loin, l'imposante porte du vieux Ksar, Bab El Kebir, est grande ouverte. « Le voici Bab El Harra (en référence à une série syrienne) », sourit Mohamed, notre chauffeur de taxi. El Atteuf est le seul lieu où Mohamed se déplace sans être en proie à l'angoisse d'une agression. Quelques semaines auparavant, le jeune homme s'était pourtant fait agresser sur la route de la commune. « Mais ce ne sont pas des gens d'El Atteuf qui m'ont jetés des pierres », affirme-t-il. Tout le monde a accès au Ksar À l'entrée du Ksar, un panneau rappelle que la Vallée du M'zab figure sur la liste des monuments inscrits au patrimoine mondial de l'humanité. Le vieux Salem est assis juste en face. Ses yeux sont rivés sur ceux qui rentrent et sortent de la cité. « Vous voyez bien qu'on rentre normalement au Ksar sans que personne ne dise quoi que ce soit. Mais moi je ne peux pas passer par certains quartiers à Ghardaïa avec ma chéchia », soupire-t-il. « Tenez voici Aoumeur (Bakelli) qui arrive. Lui connaît très bien l'histoire du Ksar », dit Salem avant d'inviter son ami à prendre place. « Cela fait mille ans qu'on vit dans la sérénité ici. El Atteuf (le tout premier Ksar construit par les Mozabites) est le départ d'une démarche millénaire », lance l'anthropologue. La tourmente du printemps arabe Aoumeur Bakelli revient sur les escarmouches entre les lycéens qui ont eu lieu début 2013. Même s'il n'a pas pris une grande ampleur, l'événement a fait la Une d'un journal arabophone. « Ce sont pourtant des gosses qui se sont accrochés comme cela se passe parfois à Bab El Oued ou dans un autre quartier à Alger », dit-il. Aujourd'hui, il est convaincu que des conflits ont été « montés », « structurés » et « alimentés » à Guerrara, Ghardaïa et Berriane. Pour lui, il n'y a aucun doute sur l'existence d'une volonté de déstabilisation de la région. « Ce n'est pas une simple querelle entre deux communautés mais une tentative de faire rentrer l'Algérie dans la tourmente du printemps arabe ». Une victime enterrée dans le calme Malgré les derniers drames, Aoumeur Bakelli reste optimiste : « L'ouverture est une éthique au M'Zab qui a toujours été un lieu d'échanges ». La mort d'un enfant d'El Atteuf dans les violents affrontements de Guerrara où il s'était rendu pour une cérémonie religieuse n'a pas troublé la sérénité du Ksar. Dimanche dernier, l'enterrement du jeune homme a donc eu lieu dans le calme et en présence de personnes issues de la communauté arabe. « S'il y avait un conflit profond, les gens vont retourner travailler normalement (ensemble, NDLR) », lance M. Bakelli qui réfute toute explication d'ordre démographique qui aurait permis à El Atteuf (dont la majorité des habitants est mozabite) de rester un « havre de paix »... pour l'instant. Hadjer Guenanfa@HadjerGuenanfa