Il est une certitude qui ne souffre aucune nuance dans un milieu précis en Algérie, c'est que l'école algérienne a échoué, et c'est à cause de son arabisation. Ledit milieu s'embarrassant rarement des scrupules qu'impose la rigueur intellectuelle : nul besoin de réclamer une quelconque étude/statistique/enquête qui leur permet de décréter un jugement aussi définitif. Il n'y en a pas. Que nombre d'algériens issus de cette école tant décriée soient médecins, ingénieurs ou avocats au sein des plus exigeantes entreprises de par la monde n'y change rien, l'école est nulle, et c'est à cause de l'arabe, nous disent-ils. Que les moyens dont dispose l'école soit insuffisants, que leurs gestion soit inefficace, que les manuels scolaires soient dépassés, que la formation des instituteurs soit incomplète, rien de tous ces éléments, pourtant factuels et quantifiables, ne pèse pour expliquer les difficultés rencontrées face au dogme que constitue la « désarabisation » pour lequel ils militent en réalité, car c'est là, la question de fond. Ce diagnostic qu'ils font de l'école algérienne se base uniquement sur le fait qu'elle produit des individus qui ne LEUR ressemblent pas. Elle ne produit plus, comme au bon vieux temps des écoles du second collège, des « indigènes évolués » qui connaissent -de nom- Voltaire et parlent un français à peine correcte pour travailler à l'usine ou au mieux, être commis aux écritures. La langue, et plus précisément la langue écrite dite « littéraire » ou « classique, contrairement au langage parlé, est un vecteur NORME, à savoir qu'un mot ne peut avoir qu'une seule signification précise, il ne change pas d'une région à une autre, et d'une époque à l'autre. C'est l'outil indispensable de la transmission d'idées, de concepts, de règles. L'Arabe est une langue normée, comme le français, qu'il a fallu normaliser au forceps par les fameuses écoles NORMALES qui formaient les institutrices/instituteurs. Ceux qui nous vendent la darija pour « les gens de la rue » comme ils disent, et dont ils ne connaissent rien, ne proposent nullement d'enseigner un français autre que celui issu de l'académie française, et pour cause, ils intègrent l'idée que le français se doit d'être la langue des « idées » et des « concept ». En somme, le français pour « ceux qui comprennent », et la darija « pour les gens de la rue », qu'on pense analphabète juste parce qu'ils n'ont pas les mêmes codes culturels coloniaux. L'école est évidemment une question idéologique, partout et tout le temps, à fortiori dans un pays comme l'Algérie qui a vu son identité saccagée sciemment par une colonisation de peuplement qui a tenté d'effacer un passé, une mémoire, une Histoire. La déclaration du 1er Novembre 1954 ainsi que le programme de Tripoli de Mars 1962, actes fondateurs s'il en est de l'Algérie indépendante, insistaient tous deux sur le recouvrement de la langue nationale, l'arabe. En aucun cas, le citoyen ou la société ne doivent être exclus des orientations de l'école, qui engagent l'avenir des générations futures. Or la minorité à la manœuvre de la désarabisation tente d'en faire une question « d'experts » et de « sachants » d'où le bon peuple « indigène » est par conséquent exclus. Passons sur les « experts » qu'on nous vend et qui n'ont d'expertise que dans le vent qu'ils brassent en même temps que le vague rapport de l'UNESCO sur les langues maternelles ... Passons sur ces « démocrates » pour qui ce pouvoir tant décrié comme « illégitime » quand il a arabisé, devient subitement parfaitement légitime pour désarabiser ... Passons sur l'équation simpliste qui associe arabisation et islamisme intégriste, l'énoncé est tellement crétin qu'il ne mérite pas de réponse Passons sur ce « changement progressiste » qu'on nous refourgue avec l'enseignement de la darija, et qui n'est que le recyclage d'une vieille idée coloniale ... Passons sur toutes les contradictions et raccourcis de ce milieu, nous n'en sommes pas surpris. Benghabrit, et ce qu'elle incarne, rappelle trop les affres de la servitude savante, beaucoup plus redoutable que celle de Khalifa Djelloul, Cheikh el Arab Bengana, Bachagha Boualem. Elle est militante, elle ne se contente pas de ne pas savoir, de ne pas pouvoir parler l'arabe. Elle ne veut pas parler l'arabe. Pour conclure, et comme la question est cruciale, faisons un référendum pour savoir ce que veulent « les gens de la rue » à qui la darija est destinée par ces « savants » de pacotille qui se pensent tuteurs d'un peuple qui n'a pour eux que mépris. Nous apprendrons à ce moment-là que l'écrasante majorité des algériens, notamment les jeunes, veulent que l'arabe soit enfin établie et à tous les niveaux comme langue normée, tout simplement car elle est plus accessible pour eux, et que le maintien du français dans certaines sphères, constitue pour eux une barrière à la fois sociale et politique, barrière derrière laquelle se tiennent tels des gardes champêtres de triste mémoire, les tenants de la désarabisation. * facebook * twitter * google+