« Oh mon Dieu! Accordez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d'en discerner la différence ». Ali Shariati En ce jour, du 23 Novembre 1933 naquit en Iran Ali Shariati. Sociologue, philosophe et penseur hors-pairs, il est largement reconnu comme le principal idéologue de la révolution Iranienne. Au cours de sa brève vie, il a esquissé des conceptions nouvelles et radicales dans une approche moderne aux problèmes des sociétés islamiques en s'attaquant aux principaux terreaux du mal : l'injustice sociale et l'aliénation culturelle. Injustice sociale et aliénation culturelle qu'il considère à juste titre comme les entraves à l'émancipation de la pensée islamique et son valoir comme une alternative viable de modèle sociétaire. Cette contribution se veut comme une analyse des convictions essentielles d'Ali Shariati. Ces mêmes convictions fourbues en France au contact des dirigeants FLN et surtout de Frantz Fanon avec lequel il eut plusieurs correspondances et traduit en Iranien les Damnés de la Terre et An Cinq de la Révolution Algérienne. Shariati estime que les sociétés islamiques souffrent d'oppression interne et externe. La prise de conscience est la seule voie pour concevoir les changements nécessaires. Et l'idéologie est l'outil le plus approprié pour mobiliser la société. Le choix d'une idéologie doit être cohérent en premier lieu avec la culture prédominante de la société, même si les mécanismes d'analyses peuvent appartenir à un paradigme extérieur. Shariati fait valoir que la nation musulmane doit s'arrêter de se lamenter sur son sort et doit engager une analyse sur sa condition en utilisant une méthodologie scientifique et idéologique, de manière à formuler les principes catalyses du changement. L'application de ces principes se traduira par un grand bond en avant qui pourrait contourner des siècles de « normal » développement. Au début de la révélation, Ali Shariati constate que le changement social était initié par de grandes personnalités islamiques à leur tête le prophète, Ali, Hussein et d'Abou Dar qui étaient des militants au sens moderne du terme et qui ont travaillé pour créer une société juste en combinant « action avec pensée, piété avec pouvoir, et apprentissage avec combat ». Shariati estime que chaque société possède une expression culturelle la mieux adaptée à créer ce changement. Dans la nation musulmane cette expression culturelle est l'Islam, qui a cependant besoin d'une réinterprétation moderne pour créer une vision globale propice au changement voulu. L'Islam domine largement la culture, les traditions et l'identité des sociétés musulmanes, il est donc inutile de s'inspirer des modèles occidentaux laïques avec leur idiome du vingtième siècle. Ils sont tout simplement inutiles. Shariati maintient que l'Islam est une idéologie révolutionnaire parce que depuis sa révélation, il a été unilatéralement du coté des opprimés. Le prophète ayant combattu pour la justice sociale, s'est entouré lui-même des plus démunis de la société. L'islam est biaisé en faveur des pauvres: « Dieu est le Dieu des opprimés » et « Dieu des dépossédés ». Comme il est le seul ayant le potentiel de mobiliser les masses contre la politique, l'économie et la culture des régimes oppressifs, une réforme ou mieux encore une lecture moderne de l'Islam est le seul espoir pour l'émancipation. Shariati idéalise l'Islam et le considère comme une panacée pour tous les problèmes, dans une vision scientifique et déterministe de l'histoire, avec un humanisme positif et une croyance en la victoire inéluctable des opprimés. Recherchant le moteur de changement de la société, Shariati constate que le Coran identifie Al-Nass (le peuple) comme le principal facteur induisant le changement social. Il estime encore que l'Islam est la première école de pensée sociale à reconnaître les masses comme base, et facteur fondamental et conscient dans la détermination de l'histoire et de la société ; pas les élus comme Nietzsche pensait, pas l'aristocratie et la noblesse que Platon a revendiquée, ni les grandes personnalités comme Carlyle et Emerson croyaient , pas celle de la race comme Alexis Carrel a imaginé, pas les prêtres ou les intellectuels, mais les masses. Même bien quand le peuple est le principal facteur de changement social, il doit être guidé par une élite éclairée. Laissé à lui-même, le peuple ne peut que stagner dans sa condition. La tragédie de la nation musulmane est dans l'écart considérable entre ses masses traditionnelles et ses élites aliénées. Cet écart qui ne peut être comblé (Tête de Ponts) que par des intellectuels militants. Militantisme, d'abord au niveau des idées, dont il faut propager les notions et les concepts parmi la société. La mission des intellectuels est d'orienter le peuple par l'identification des véritables problèmes, d'identifier les causes du retard de la société, et de promouvoir l'Islam – la religion de la justice – comme la solution rationnelle Recruter ces intellectuels pour devenir l'avant-garde et catalyseur du changement est un des principaux objectifs de Shariati. Ces « penseurs éclairés » sont l'élément clé dans la pensée Shariati et il y a aucun espoir de changement sans eux. Ils sont le catalyseur dans la prise de conscience des masses pour la réappropriation de leurs droits contre leurs oppresseurs. C'est seulement quand catalysée que la société peut se prévaloir au changement. Il estime aussi que si le penseur éclairé a un objectif, c'est d'aller vers l'avant, sinon il doit subir le déterminisme historique. Ali Shariati conclut que que le monde musulman a besoin de deux révolutions interconnectées et simultanées: une révolution sociale qui mettrait fin à toutes les formes d'exploitation, en éradiquant la pauvreté avec objectif primaire l'établissement d'une société juste, dynamique et « sans domination de classes « . Et une révolution nationale qui mettrait fin à toutes les formes d'aliénation culturelle en vitalisant – dans certains pays revitalisant – la culture, le patrimoine du pays et l'identité nationale. Selon Shariati, la responsabilité, le progrès et le succès de ces deux révolutions sont dans les mains de l'Intelligentsia. Car c'est l'Intelligentsia qui peut saisir les contradictions internes de la société, en particulier les inégalités de classes, de sensibiliser le public en soulignant ces contradictions, et de tirer les leçons des expériences de l'Occident et de d'autres parties du Monde. Enfin, après avoir tracé la voie de l'avenir, l'Intelligentsia doit guider les masses à travers les deux révolutions. Ali Shariati estime que le retour au vrai Islam serait dirigé non pas par les Oulémas, mais par l'Intelligentsia progressiste. Il affirme que, dans l'ère moderne l'Intelligentsia est le véritable interprète de la religion. Et que les intellectuels progressistes sont les véritables représentants de l'islam dynamique. Il fait valoir que l'apprentissage religieux pourrait rester dans les mains des oulémas, mais que le véritable Islam appartenait aux intellectuels militants du peuple et à l'Intelligentsia révolutionnaire. Et il termine par conclure que l'Islam révolutionnaire, celui du combat pour la justice sociale et l'émancipation culturelle est le seul véritable Islam, et que se sont les actes qui prennent précédent sur la piété. Et en finalité c'est la science qui est la clé pour comprendre, concevoir et réaliser les deux révolutions, sociale et culturelle dont le monde musulman a tant besoin. Khaled Boulaziz