Aujourd'hui, on ne pense pas au CPA », telle est la déclaration de Jean-Louis Mattei, directeur de la banque de détail à l'international du groupe Société Générale, invité à expliciter la position de son groupe vis-à-vis du processus interrompu de privatisation de cette banque publique algérienne. Paris : De notre envoyé spécial L'occasion était tout indiquée pour savoir ce qu'en pense vraiment la banque française à la faveur de la première journée, jeudi, du séminaire Medias Days organisé pour une durée de deux jours, en vue, de l'avis des différents responsables rencontrés, de rompre un silence trop assourdissant. Le groupe a ainsi réuni tout l'état-major de la banque dans le prestigieux château le Mahieu (du Moyen Age) situé à près d'une heure de route de la capitale. Il était question en effet de reprendre langue avec un environnement pas très tendre avec la banque, qui reste aujourd'hui encore marquée par l'effet Kerviel et toute la frénésie des scandales et des faillites en série des banques les plus solides sur la place internationale en raison de la crise des subprimes. Ainsi, côté Algérie, on ne pouvait espérer meilleure occasion pour sonder les intentions de ce candidat au rachat d'une des banques les plus en vue sur la place d'Alger. Le groupe bancaire considère que le moment n'est pas propice pour relancer ledit dossier de privatisation de l'une des plus grandes banques publiques algériennes. Il est vrai que le processus de cession de la majorité des actions de cette banque algérienne a été stoppé par le gouvernement, dans le sillage de l'apparition de la crise immobilière, à l'été 2007, aux Etats-Unis menaçant alors de se propager au-delà des frontières de ce secteur. Et ce processus qui a ainsi intéressé aussi bien la Société Générale et le Crédit agricole semble ne pas revêtir la même importance aujourd'hui. Ce ne sont d'ailleurs pas les raisons qui manquent du fait de la situation très tendue actuellement sur les marchés financiers mondiaux. « Je ne vois pas pourquoi il serait intéressant de relancer le dossier de privatisation vu le contexte actuel de la crise mondiale du système financier », a relevé Jean-Louis Mattei. Cependant, il n'omet pas de faire observer que si le stand-by risque de durer trop longtemps, il pourra alors changer d'avis. En tout cas, son avis est on ne peut plus tranché : « Si le dossier revient dans dix ans et qu'entre temps Société Générale a 400 agences et 3 millions de clients, il est évident que le dossier n'aurait pas beaucoup d'intérêt pour nous. » Soit. Mais en attendant, la question n'épargne pas tant déjà le groupe Société Générale dont il convient de dire qu'il vient de traverser une période assez sombre de son histoire en raison justement du scandale survenu en janvier 2008 en son sein. Sérieusement ébranlée par ce qui est communément désigné par « le scandale du siècle » dans le monde de la finance, la Société Générale a vacillé. L'affaire Kerviel, un trader de la Société Générale, mis en cause dans une vaste opération de transactions frauduleuses, a coûté à la banque pas moins de 4,9 milliards d'euros. La crise des subprimes menaçant d'effondrement le système financier mondial a fait le reste. Inquiétude des épargnants européens La réunion de deux jours où il y a eu de la com plein les oreilles peut être tout bonnement assimilée à une volonté de cette banque de reprendre du poil de la bête en vue d'aller à la conquête de nouveaux marchés et, pourquoi pas, faire oublier ce faisant toute la mauvaise pub qui a dû faire beaucoup de mal à l'image de marque de la boîte. Cependant, les faits restent têtus : la Société Générale, même si elle est toujours bénéficiaire, a quand même laissé des plumes. La presse française a rapporté, en août dernier, le recul net des bénéfices de la Société Générale. Selon l'Humanité, « sur avril-juin, comparé à la même période de 2007, les bénéfices nets reculent de 63% : la Société Générale a engrangé 644 millions d'euros contre 1,744 milliard l'an dernier. Sur le premier semestre, le groupe affiche 1,7 milliard d'euros de résultat net, soit une baisse de 45%. Les résultats globaux font apparaître un net rétrécissement du chiffre d'affaires (le produit bancaire net) : moins 18,9% sur le trimestre ». Cette situation, qui est le fruit de la crise survenue sur la scène internationale, n'a pas été sans induire une inflexion dans le recentrage des métiers de la banque en défaveur (du moins pour l'instant) du compartiment investissement qui semble enchaîner avec des pertes. Etant la plus exposée aux risques de la spéculation, cette activité d'investissement est génératrice de pertes alors qu'elle était considérée comme la source des profits. Ainsi, la Société Générale s'est réorientée vers la banque de détail, là où elle a enregistré une moindre baisse de résultats si l'on se fie aux chiffres communiqués par la banque et repris par la presse française l'été dernier, à savoir que les bénéfices de la banque de détail et des services financiers n'ont baissé que de 11%. Ainsi, dans un climat morose de la finance internationale, le groupe continue de se prévaloir de sa solidité financière pour contenir les contrecoups de la crise mondiale qui n'a pas fini de nous révéler tous ses secrets. Il va sans dire que les épargnants européens, notamment, semblent très inquiets des rebondissements de cette crise et de ses effets les plus insoupçonnés. Le groupe se félicite d'avoir augmenté son capital en mars dernier et se prévaut ainsi d'une « solidité financière ». « Nous avons le même rang qu'avant la crise. Ceci démontre la résilience de la Société Générale », a noté le directeur général délégué, Séverin Cabannes. Quelques chiffres de Société Générale Algérie - Clients : 187 000, dont clientèle de particuliers : 17 000 - Entreprises : 8500 - Professions libérales : 8300 - Engagements : 128 mds DA - Leasing : 4 mds DA - Dépôts : 170 mds DA ________________________________________________________________________________ Jean-Louis Mattei (Directeur de la banque de détail à l'international SG) : « Il y a des possibilités énormes de se développer en Algérie » - Finalement, si l'Algérie devait attendre une dizaine d'années pour remettre sur la table le dossier de la privatisation du Crédit populaire algérien (CPA), cela ne serait pas intéressant pour votre banque… - C'est une sorte de plaisanterie… Aujourd'hui, la situation est mal choisie pour remettre le dossier sur le marché. si cela devait effectivement durer trop longtemps, je me réserverai d'autres clients sur le dossier. Car l'on ne sait déjà pas quelle sera la situation de l'Algérie dans dix ans. Encore une fois, si dans cet intervalle, notre banque devient très significative, il est évident qu'on procédera d'une autre manière. - Le fait que les autorités algériennes aient retiré ce dossier privatisation vous a-t-il amené à revoir votre stratégie de développement en Algérie ? - Non. On a toujours considéré qu'on était intéressé par le dossier, mais il est vrai qu'on pouvait perdre également. En effet, nous étions plusieurs candidats sur ce dossier. Donc, l'on ne pouvait pas se permettre d'arrêter notre développement dans un pays tout en prétendant être gagnant d'office… sur telle ou telle banque. - Allez-vous vous accrocher à cette option de reprise d'une banque publique, alors que par ailleurs, doit-on le dire, votre présence en Algérie se manifeste davantage dans le secteur du commerce extérieur ? - Nous ne souhaitons pas nous accrocher à cette option-là, car nous ne connaissons pas la date et la solution sur l'issue du marché. Nous continuons notre développement et l'on souhaite être un acteur dans l'ensemble des secteurs de l'économie algérienne. Nous avions des problèmes à une époque : les banques privées n'avaient pas le droit de travailler avec les entreprises publiques. Il y avait une circulaire à ce propos. Donc, si nous avons la possibilité, nous sommes prêts à travailler avec tous les segments de la clientèle et tous les compartiments de l'économie de l'Algérie. - Tout récemment, le chef du gouvernement algérien a souligné le faible engagement des banques étrangères sur le marché algérien, en ce sens qu'elles se sont limitées au financement des opérations de commerce extérieur. - Nous ne sommes pas une banque étrangère. nous sommes essentiellement une banque algérienne pilotée par des cadres algériens. Et je souhaite même, à terme, réduire le nombre d'expatriés sur place. Notre modèle partout dans le monde est d'être une banque locale, même si les capitaux sont étrangers. - Il ressort de vos bilans que vous êtes – un paradoxe – moins engagés en Afrique et au Moyen-Orient, une région qui enregistre pourtant le plus haut niveau de croissance des richesses dans le monde. Est-ce à dire que vous pariez moins sur cette région ? - Ce n'est pas le problème de Société générale. D'abord, nous ne sommes pas présents partout. Ensuite, dans les pays où nous sommes, nous ne limitons pas nos investissements, c'est le marché qui s'autolimite. S'il y a des projets intéressants, nous les financerons bien évidemment, et si nous avons le droit de travailler avec tout le monde, on le fera, y compris avec les entreprises publiques en Algérie. Donc, nous sommes prêts à multiplier nos engagements dans tous les secteurs à condition qu'il y ait conversation… - Le monde est en pleine crise financière. Dans quelle mesure risque-t-elle d'influencer négativement le développement de votre groupe, en Algérie comme dans le monde ? - Certains pays ont des niveaux élevés de croissance, comme les Etats-Unis ou en Europe de l'Ouest. En Algérie, je crois que le budget était basé sur 19 dollars le baril de pétrole et puis récemment ramené à 37 dollars, cela veut dire qu'il y a encore de la marge… En Algérie, il y a des possibilités énormes de se développer.