« Le Soir » du 1er août 2017. Comment le roi allait-il réagir aux événements du Rif? Au Maroc, toute la population retenait son souffle samedi soir. Mohamed VI allait parler! Enfin! Depuis des mois, le nord du pays – le Rif berbère notoirement sous-développé – est en proie à des convulsions socio-économiques avec ascendance politique, et la réponse du pouvoir, dépassé par la vigueur et la ténacité d'une contestation peu ou pas anticipée, s'était surtout manifestée par une répression bête et méchante. On attendait donc l'avis de «M6», comme on surnomme le roi, celui qui dispose de l'essentiel des pouvoirs en son royaume. Hélas! pour ceux, nombreux au Maroc, qui voient toujours en lui un homme providentiel, le souverain s'en est lavé les mains. Certes, Mohamed VI a consacré son discours du trône aux événements dans le nord, mais ce fut pour fustiger les politiques et les fonctionnaires qu'il estime irresponsables, incompétents et/ou sans motivations liées à leur mission. Et de réaffirmer la «responsabilité collective (qui) concerne tous les acteurs, chacun selon son domaine de compétence : gouvernement, Parlement, partis et institutions». Sauf que les forces de l'ordre, celles-là mêmes qui ont mis en œuvre la répression orchestrée depuis… son propre palais, ont été lavées de toute accusation: «Elles assurent la sécurité et la stabilité du pays» et seuls «certains nihilistes» ne veulent pas admettre cette «vérité». Bon prince, le roi a gracié, comme chaque année à pareille époque. C'était attendu. Très attendu. Plus de mille personnes. Mais seulement une quarantaine de Rifains incarcérés et poursuivis pour avoir contesté ces derniers mois. Quarante sur environ 180 personnes arrêtées. Et les grâces n'ont pas concerné les fortes têtes parmi lesquelles, surtout, Nasser Zefzafi, devenu en quelques semaines le héros de toute une population de laissés-pour-compte dans la région septentrionale d'Al-Hoceima. Le parfum d'amertume qui plane sur le Rif n'a pas atteint le palais royal. Alors, «certains nihilistes» , comme dit M6 sans rire, ont osé dire son fait au roi, ce qui ne manque pas de courage. Fouad Abdelmoumni est de ces rares-là. Ancien prisonnier politique et directeur de la section marocaine de Transparency International, il s'est fendu d'une réaction sur Facebook: «Le seul temps qui reste à cette monarchie est d'annoncer qu'elle admet enfin la démocratie (…). Autrement, nous continuerons de régénérer ce système pétri dans la corruption, la veulerie, le népotisme et l'impunité.»