Les Rifains ne décolèrent pas Les Rifains survivent dans un ordre hybride, une sorte d'indépendance inachevée et de prolongement du colonialisme. Ils ont rêvé d'une république, ils ont eu du haschisch et le viol de leurs femmes. Le ressentiment des Rifains envers le Makhzen est à la mesure des humiliations subies. Comme une blessure vive qui refuse de se refermer. Les Rifains survivent dans un ordre hybride, une sorte d'indépendance inachevée et de prolongement du colonialisme. C'est le cri du Rif! La révolte du Rif dans le Nord du Maroc ne date pas d'aujourd'hui, puisqu'ils ont déjà connu une République dans les années1920 à l'intérieur de la monarchie, avec Abdelkrim El-Khatabi, la fierté du Rif. Il avait osé défier le roi et assassiné ses envoyés et ses émissaires sur la terre du Rif, une terre en colère et insoumise. La hache de guerre des Rifains ne connaît pas de répit. L'histoire du Rif nous apprend que dès que quelqu'un tombe, son fils le remplace. A l'adresse de Zefzafi qui vient d'être arrêté par les services de sécurité, la rue rifaine entonne fièrement et avec détermination: «Artah Artah, Sawfa nowassil El-kifah!» (Reposes-toi, on continuera la lutte!). Des cris d'espoir retentissant dans tout le Maroc, qui laissent penser que se profilent à l'horizon les frémissements d'un embrasement généralisé. Dorénavant, citer le roi ou, mieux encore, interpeller le roi devient un fait normalisé et banalisé par le peuple, longtemps trahi et réduit à sa condition d'esclave. Désormais, le peuple tient à dire son mot quitte à subir les affres de la torture et à mourir. C'est là le serment de Zefzafi et des Rifains! Le Makhzen, comme une bête blessée, se met dans une posture indigne, accusant tantôt les Algériens, tantôt les Européens d'être les instigateurs de cette révolte légitime du Rif. La bête blessée se débat. On active les chiens de garde de Sa Majesté. On échafaude des plans diaboliques. On arrête Nasser Zefzafi, et des dizaines d'animateurs de Mouvement. A chacun son étiquette de collabo! A Zefzafi, traité par les médias espagnols de Che Guevara du mouvement de la contestation à Hoceima, au Makhzen on lui trouve des comptes bancaires et des moyens. On le traite de tous les noms: traître, collaborateur, agent de l'étranger... Autant de gesticulations et d'accusations qui ne font que renforcer la détermination des hommes et des femmes du Rif de continuer le combat. Dans le feu de la répression et des humiliations, les Rifains relèvent la tête et, comble de défi, nomment deux femmes à la tête du mouvement. «C'est la guerre de deux mille ans.» Dans une sorte d'écho à l'histoire millénaire des Amazighs, les Rifains font revivre Dihya, la Kahina pour les autres. Comme pour narguer Mohammed VI et ses amis islamistes et wahhabite. Le peuple place sa confiance en deux femmes courages: Nawal Benaïssa et Sylia Ziani. Elles ne sont pas illettrées ou...! La première est mariée et mère de quatre enfants. La deuxième est actrice et chanteuse engagée pour la culture amazighe. Toutes les deux sont diplômées universitaires et n'appartiennent à aucun groupe politique. Ce sont elles désormais qui mèneront les manifestations et dirigeront le peuple rifain en colère, dont tout le peuple marocain est soucieux et solidaire. Ce qui fait déjà trembler le roi qui vient d'annuler sa participation au Sommet de la Cédéao, qui se tient les 3 et 4 juin au Libéria. Deux femmes qui parlent valent leur pesant de poudre», pour paraphraser Kateb Yacine. Demain, le Makhzen, pour les discréditer, va certainement les accuser de rouler pour des forces étrangères ou encore pour la Vierge Marie qui voudrait christianiser les Rifains, en plein mois de Ramadhan! Cependant, l'adhésion de l'opinion publique marocaine, à l'intérieur et à l'extérieur du royaume, est de plus en plus franche et ouverte. Le Makhzen ne l'ignore pas....