En arrêtant les leaders du mouvement Hirak, Rabat espérait mettre fin à la contestation populaire dans le Rif. Mais ce procédé a montré ses limites, et Rabat semble dépourvu de toute volonté politique de répondre favorablement à des revendications citoyennes tout à fait légitimes. La contestation ne faiblit pas dans le Rif marocain, en dépit d'une vague d'arrestations ciblées et d'une répression féroce des manifestants par les forces de sécurité, en l'absence d'une volonté sincère de dialogue de Rabat, doublée d'un silence total du roi Mohammed VI. Lundi soir, les habitants d'Al-Hoceima ont répondu présent à l'appel du mouvement Hirak, dont l'animateur Nasser Zefzafi vient d'être placé en détention provisoire, avec six autres détenus, par la cour d'appel de Casablanca, "dans l'attente d'un complément d'enquête ‘'pour de lourdes accusations''", a rapporté le quotidien en ligne marocain Le Desk, soulignant que cette décision "intervient dans un contexte de manœuvres politiques". Parmi les accusations portées contre Nasser Zefzafi et ses camarades figure une "tentative d'homicide volontaire, atteinte à la sécurité intérieure, incitations contre l'intégrité du royaume (...) et autres crimes", ont rapporté les médias. De "nombreuses" accusations, "lourdes" et "exagérées" pèsent sur Nasser Zefzafi, a ajouté l'avocat dans une vidéo diffusée sur Facebook à l'issue de l'audience. Après avoir tenté d'éteindre le feu de la contestation, en usant de tous les moyens dont il disposait (forces de répression, médias, etc.), le Palais a convoqué des chefs de partis politiques, a rapporté la presse marocaine, même si l'information a été démentie. Puis, vient cette étrange rencontre entre l'ancien chef du gouvernement déchu, Abdelilah Benkirane, avec le conseiller royal Fouad Ali El-Himma, la semaine dernière, pour "discuter des moyens de mettre fin aux tensions dans le Rif", selon une le journal Al Yaoum24. Si le Palais a attendu plus d'une semaine, après le début des manifestations à Al-Hoceïma, avant d'appeler à un dialogue, il continue de manœuvrer contre le mouvement Hirak, en l'accusant d'être au service de forces étrangères qui le financent, mais sans apporter la moindre preuve. Dans sa tentative de discréditer ce mouvement citoyen, le Makhzen tente par ailleurs de gagner du temps, qui peut toutefois lui être fatal, car la contestation est loin de faiblir, mais elle commence à s'étendre au reste du royaume, via des actions de soutien au Hirak et à ses leaders injustement arrêtés par les autorités marocaines. Mais la police marocaine est toujours là pour répondre par la matraque à cette mobilisation qui a dépassé la frontière du Maroc pour s'étendre à l'Europe, où de nombreuses manifestations sont organisées quasi quotidiennement, soit par les Rifains ou par des organisations locales dénonçant le recours systématique à la répression dans la région du Rif, au cœur d'un mouvement de colère citoyenne depuis plus de sept mois. Zone montagneuse et enclavée, le Rif se dit être victime d'une injustifiée marginalisation des autorités de Rabat. Les récents engagements financiers et en projets, promis par le palais royal via ses responsables au gouvernement et les gouverneurs locaux, n'ont pas convaincu les Rifains qui exigent des engagements concrets sur le terrain. Lyès Menacer