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Affaire du colonel Si Salah
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 10 - 01 - 2019


MUSTAPHA BENFODIL
10 JANVIER 2019
Un symposium s'est tenu mardi après-midi à la Bibliothèque nationale, à Alger, sur un épisode méconnu de la Guerre de Libération nationale. Il s'agit de la rencontre qui a eu lieu le 10 juin 1960, à l'Elysée, entre des officiers de la Wilaya IV historique et le général de Gaulle. Cet épisode est connu sous le nom de «l'affaire Si Salah» ou encore «l'affaire de l'Elysée», comme on peut le lire sur une brochure de la Fondation de la Wilaya IV sous le titre : L'Affaire de l'Elysée, entre vérité et propagande.
Ce symposium a été marqué par diverses interventions très édifiantes, en l'occurrence celles de Rabah Zamoum, fils de Mohamed Zamoum, Colonel Si Salah de son nom de guerre, ancien chef de la Wilaya IV au moment des faits et un des trois officiers qui ont participé à cette entrevue avec le général de Gaulle ; citons également les témoignages du moudjahid Lakhdar Bouregaâ, ancien commandant de l'ALN qui officiait au sein de la Wilaya IV, ainsi que celle de Youcef Khatib, alias colonel Si Hassan, dernier chef de la Wilaya IV historique et président de la Fondation Wilaya IV.
Le symposium a pu compter, par ailleurs, sur les interventions des historiens et chercheurs Fouad Soufi, Abdelaziz Boukenna et Nafissa Douida Mouhouche.
Rabah Zamoum s'interroge d'entrée sur les raisons du silence gêné qui entoure cette affaire. «Pourquoi ce mutisme ? On n'en parle pas beaucoup, on n'en parle pas ouvertement, il y a encore des choses qu'on ne connaît pas sur cette affaire», martèle-t-il.
Pour mesurer l'impact qu'a eu cette rencontre sur la suite des événements, il précise : «La réunion a lieu le 10 juin 1960. Et le GPRA annonce qu'une délégation conduite par le président Ferhat Abbas ira rencontrer la partie adverse. C'était le 20 juin 1960, soit dix jours après la rencontre Wilaya IV-Elysée.» Et de faire remarquer : «En cela déjà le processus qui a été engagé le 10 juin 1960 est un événement majeur.»
Cette rencontre comprenait pour la Wilaya IV «le colonel Si Salah, le commandant militaire Si Mohamed (Djilali Bounaâma) et le commandant chargé des Renseignements et Liaisons Si Lakhdar (Lakhdar Bouchema)». Alors que certains ont parlé de «trahison» et que quasiment tous ceux qui ont été mêlés à ces premiers pourparlers ont été exécutés, Rabah Zamoum souligne que cette initiative s'inscrit en vérité en droite ligne du combat indépendantiste et «trouve son enracinement, sa genèse, dans tout ce qui l'a précédée depuis la Proclamation du 1er Novembre 1954».
Une révolte de l'ALN contre le FLN ?
L'intérêt de ce forum, souligne l'orateur, est d'«essayer d'apporter des réponses précises» à des zones d'ombre qui persistent à propos de ce fait historique. Il formule dans la foulée un certain nombre de questionnements légitimes : «Est-ce que l'ALN via la Wilaya IV s'est substituée à l'époque (1960) au FLN ? Est-ce que la démarche de la Wilaya IV est une révolte de l'ALN contre le FLN ? S'agit-il d'une trahison de l'ALN contre le FLN ; des officiers de la Wilaya IV contre les membres du GPRA, de l'état-major et du CNRA ?»
Ne faudrait-il pas y voir a contrario, poursuit le conférencier, «une forme de renaissance de la primauté de l'intérieur sur l'extérieur ?» Ou encore une «manifestation de fidélité aux fondements et principes de la Révolution contenus dans la Proclamation du 1er Novembre et la Plateforme de la Soummam contre les formes de déviationnisme du pouvoir FLN ?»
Car l'une des questions que l'on se pose immanquablement au sujet de cette action téméraire est qu'est-ce qui a poussé des officiers de l'ALN à prendre une initiative aussi cruciale sans avoir eu au préalable l'aval du GPRA qui, depuis sa création le 19 septembre 1958, était le représentant politique exclusif du peuple algérien en lutte pour son indépendance ?
La réponse nous est donnée justement dans la suite de l'argumentaire de Rabah Zamoum qui explique, corroboré en cela par d'autres témoignages concordants, à quel point les relations s'étaient dégradées entre l'intérieur et l'extérieur.
L'auteur de Si Salah, mystère et vérités. Une rencontre déterminante pour l'indépendance insiste sur le fait que la mission de l'extérieur est «de procurer des armes, des munitions et de l'argent à l'ALN». Il rapporte ensuite comment une partie importante de l'encadrement politico-militaire s'est exilée peu après la Soummam et même «le CCE, qui était un cabinet de guerre, quitte l'Algérie en opposition avec les résolutions du Congrès de la Soummam».
Dans les maquis, la vie devient intenable, mais «à l'extérieur, on se préoccupait très peu des conditions de lutte». Cela va obliger les colonels à tenir une réunion en décembre 1958 à Ouled Asker, près de Jijel, pour trouver une issue à cette situation asphyxiante, ce qui va s'apparenter à un «Soummam II», selon le mot de Lakhdar Bouregaâ. Cette «réunion des colonels» comprend «Hadj Lakhdar de la Wilaya I, Amirouche de la Wilaya III, Si M'hamed (Bougara) de la Wilaya IV et Si El Haouès pour la Wilaya VI».
Les chefs des maquis de l'ALN déplorent «l'éloignement de la direction du FLN et l'isolement des maquis, le manque d'armes, de munitions et autres moyens…» Sur les quatre colonels, trois tomberont au champ d'honneur quelques mois plus tard : Amirouche et Si El Haouès le 29 mars 1959, et M'hamed Bougara le 5 mai 1959. «C'est dans ces conditions que le commandement de la Wilaya IV se reconstitue. Il est composé alors de Si Salah, chef politico-militaire, Si Halim commandant politique, Si Mohamed commandant militaire et Si Lakhdar commandant des Renseignements et Liaisons.»
«Entrer dans la bataille politique»
En février 1960, Si Salah interpelle le GPRA, exigeant l'envoi d'armes. Sans résultat. Rabah Zamoum cite un témoignage de Ferhat Abbas qu'il a interviewé en 1984. Ferhat Abbas lui dit : «Le colonel Si Salah nous avait longuement écrit. La Wilaya IV mettait en accusation l'état-major et lui reprochait de stocker armes, munitions et argent pour son usage personnel plutôt que de les lui faire parvenir (…). Enfin, Si Salah, s'adressant directement à moi, me demande de trouver à tout prix le moyen de négocier et d'arrêter la guerre.»
Il convient de méditer cet autre témoignage d'un ancien officier de la Wilaya IV, Nachet (Amar Bensalah), qui révèle au conférencier : «L'armement qui devait nous parvenir ne l'a pas été. Par exemple, si nous devions recevoir 500 armes, nous n'en recevions que 10. Nous avons même reçu des armes complètement sabotées.» Un rapport de la Wilaya IV «qualifie l'attitude de l'extérieur en matière militaire de trahison flagrante», soutient le neveu de Ali Zamoum. Le même document arrive à la conclusion que «les chefs actuels des maquis ont toujours été à la pointe du combat.
Et il est urgent de cesser le combat militaire pour entrer dans la bataille politique». Rabah Zamoum en déduit : «L'ALN va alors s'affranchir, car la rupture est consommée et elle va engager une action politique de responsabilité.» Et c'est à ce titre qu'elle va entamer la démarche qui aboutira à la rencontre du 10 juin 1960.
Le fils du colonel Si Salah convoque une autre source, en l'occurrence le témoignage de Bernard Tricot, proche collaborateur du général de Gaulle, avec qui les tout premiers contacts vont être engagés à titre préliminaire. Selon Tricot, Si Salah et ses compagnons sont «venus connaître les intentions de de Gaulle après le discours de septembre 1959 sur l'autodétermination : qu'est-ce que l'autodétermination dans la vision politique de de Gaulle ?
Quel est son contenu ? Et comment y arriver ?» Rabah Zamoum apporte une précision de taille en disant : «Si Salah avait alors demandé à rencontrer les cinq prisonniers FLN : Ben Bella, Khider, Aït Ahmed, Lacheraf et Boudiaf. Il avait demandé une deuxième chose : c'est de faciliter un voyage à Tunis pour rencontrer les responsables du GPRA. A ces deux demandes, de Gaulle a opposé un refus. Mais il a proposé de lancer un nouvel appel au GPRA pour envoyer une délégation.
A cela, Si Salah a répondu : ‘‘Si le GPRA répond favorablement à votre appel, vous n'entendrez plus parler de nous.''» «Le 14 juin 1960, de Gaulle lance un nouvel appel au GPRA et le 20 juin 1960, le GPRA annonce qu'une délégation conduite par le président Ferhat Abbas se rendra en France. Donc ces dates sont importantes, car elles montrent comment le processus de cessez-le-feu a été engagé et comment la Wilaya IV a fait avancer l'indépendance.»
«Soummam II» ou «la réunion des colonels»
Lors de son témoignage, Lakhdar Bouragaâ, 85 ans, bon pied bon œil, attaque par une citation au vitriol : «L'histoire est une suite de mensonges sur lesquels tout le monde est d'accord.» La citation est de Napoléon Bonaparte. Il fera remarquer que «l'histoire ne vaut que par les détails», aussi, pendant plus d'une heure, il abreuvera l'assistance de détails truculents. D'après lui, jusqu'à 1956, la Guerre de Libération était dans le brouillard.
«Ils ont fait une Proclamation (celle du 1er Novembre 1954), après, s'agit-il de distribuer cet appel dans chaque maison, chaque village, et attendre l'indépendance ?» Et de pointer les carences organisationnelles que le Congrès de la Soummam est venu combler. «C'était pour nous une bouffée d'oxygène, on étouffait, on n'avait rien, ni programme ni direction reconnue, le peuple ne savait pas qui étaient ces gens.» Cela n'a visiblement pas suffi face au «rouleau compresseur» qui allait s'abattre sur les djounoud. D'où la réunion des colonels à Ouled Asker, ce qu'il appelle «Soummam II».
«Ils ont vu ce que la France faisait, et ce que préparait le père de la Ve République. Ils ont dit il nous faut un Soummam II. Car il fallait dans l'immédiat affronter le projet militaire ‘‘Plan Challe'' et installer un mécanisme de coordination.» Parmi les décisions de ce conclave : dépasser le cloisonnement du découpage de 1956 et venir en aide aux Wilayas en difficulté. Les responsables de l'extérieur le prennent mal. «Ils ont crié aucomplot en disant : ‘‘S'ils créent une coordination de l'intérieur, cela veut dire qu'on est juste des réfugiés ici.''»
Bouregaâ confirme que les relations étaient tendues avec le GPRA, aussi bien qu'avec le chef d'état-major, le colonel Boumediène, surtout quand les chefs de la Wilaya IV ont envoyé un message au ton caustique : «Est-ce que les frontières de l'Est et de l'Ouest sont des ailes pour la Révolution ou des tenailles ?» se demandent-ils. «Je ne peux pas reproduire ici les propos indécents que Boumediène leur a adressés», lance Bouregaâ. Selon un bilan fourni par l'ancien commandant de l'ALN, l'opération «Challe» en Wilaya IV a fait 2200 morts entre chouhada et disparus.
Alors que des commandos sont envoyés en soutien aux Wilayas affaiblies, comme les Aurès et le Sud, de la part de la Wilaya III et la Wilaya IV notamment, des contacts sont noués dans le plus grand secret entre des officiers de la Wilaya IV et des émissaires du général de Gaulle. Les contacts sont établis par le biais d'un magistrat de Médéa, le cadi Mazighi, entre les officiers Abdelatif Othmane-Tolba, Halim (Hamdi Benyahia) et Lakhdar Bouchema, d'un côté, et Bernard Tricot et le colonel Edouard Mathon, de l'autre.
«Il faut ouvrir les archives !»
Quand les trois officiers sont arrivés chez de Gaulle, «c'est Lakhdar qui a parlé en premier», dit Bouregaâ. «Si Mohamed n'a pas pris la parole. Si Salah leur a dit : ‘‘Vous avez les cinq (les cinq dirigeants FLN détenus en France), ils sont chez vous. Formons d'ici une délégation et allons à Tunis.''» De Gaulle rejette la proposition. Fin de l'entrevue. De tous ceux qui ont pris part à ces contacts, il n'y aura aucun survivant.
Si Lakhdar, Halim et le capitaine Abdelatif seront condamnés à mort et exécutés. Quant au colonel Si Salah, au vu de son rang et de son grade, il a fallu attendre que le GPRA statue sur son cas. «La décision est arrivée au bout d'une année, en juin 1961», affirme Youcef Khatib. Et la décision était de l'envoyer s'expliquer à Tunis. Le 20 juillet 1961, il tombe dans une embuscade tendue par une unité de chasseurs alpins, près de M'chedallah. Selon plusieurs écrits, Si Salah est mort pendant son escorte vers Tunis. Quant à Si Mohamed (Djilali Bounaâma), il est tué par un commando de parachutistes dans la ville de Blida, le 8 août 1961.
Le sentiment général qui se dégageait à la fin de ce forum est que cette histoire reste à écrire. «Dans cette affaire de la Wilaya IV, jusqu'à maintenant, nous manquons toujours de précision», note Rabah Zamoum en espérant avoir accès aux archives de la Wilaya IV «pour comprendre un certain nombre de choses». «Au retour de l'Elysée, qu'est-ce qui s'est passé en Wilaya IV ? Il y a eu une catastrophe. Il y a eu des jugements à l'emporte-pièce, des exécutions», dit-il. Et ces blessures sont encore vives à voir l'émotion qu'il y avait dans la salle à l'évocation du sort injuste qu'ont connu ces maquisards de la première heure.
Youcef Khatib a plaidé énergiquement pour l'ouverture des archives de la Révolution, en particulier celles de la Wilaya IV : «On parle tout le temps des archives de Vincennes. Mais nous avons ici un Centre national des archives. Je m'y suis rendu personnellement pour consulter les archives de la Wilaya IV, ce sont à 80% nos propres rapports. On m'a dit il faut voir avec le ministère de la Défense. On a fait un écrit officiel au nom de la Fondation, on a même sollicité la présidence de la République, en vain. Donc avant de parler de Vincennes, il faut voir ce que nous avons chez nous.»


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