Par: Bekhti Ould Abdallah 24 Mars 2019 Chronique livresque. Quel joli pied de nez, vraiment adorable, qu'a fait la Révolution joyeuse, appelons-là ainsi faute de mieux, aux écrivains algériens de là-bas, pas tous, bien sûr, mais bon nombre d'eux Le premier et non des moindres étant Boualem Sansal. Dans ses écrits et ses interventions médiatiques, le miroir qu'il nous tend est déformant, hideux même : l'Algérien est un impulsif, un nerveux, un cogneur qui cherche la bagarre. Un homme peu fréquentable, peu fiable. Un vaurien qui ne mérite que la bastonnade. Cette image prisée par les schémas éditoriaux des grandes maisons d'éditions et la presse hexagonale ne voit l'Algérien que sous un angle qui relève d'une vision néocolonialiste. Il faut dire qu'elle fait vendre en assouvissant les bas instincts de tous les nostalgiques de l'Algérie coloniale. Ce que n'ont pas fait naguère les Feraoun, Mammeri, Dib, Kateb, Djebbar et même Roblès et Camus, pourtant français, Sansal l'a commis avec délectation. On jouit comme on peut. Certains en s'enivrant, d'autres en forniquant, d'autres encore en fumant. Sansal, lui, jouit en vomissant. Même la glorieuse Révolution de Novembre n'a pas échappé à sa rage. Il fait d'elle, que les martyrs lui pardonnent, un repère d'ex-Nazis ! Ce n'est donc que ça Novembre de Ben M'hidi et Boudiaf, un ramassis de nazis ! La bataille d'Alger et ses poseuses de bombes ? De l'héroïsme ? Pftt : terrorisme ! Il ne voit aucune différence entre les héroïques poseuses de bombes et le terroriste qui a semé la mort à Nice en juillet 2016. Les nostalgiques de l'Algérie coloniale ont sablé le champagne durant toute une année. Ils ont trouvé en Sansal leur « bicot », le parfait harki des temps modernes. Un harki cultivé, couvert de prix comme autant de médailles pour ses actes contre ses frères. Kamel Daoud qui slalome sur le même territoire éditorial que Sansal a dû être étonné par cette révolution souriante de musulmans où il n'y a ni viols ni violence. Il vante son pacifisme et son civisme alors qu'hier, seulement il poussait, à la suite de « La nuit de Cologne », des cris d'inquisiteur contre tous les musulmans, tous des violeurs en puissance qui pour être fréquentables devraient subir d'abord des cures de désintoxication sexuelle. Une race de dégénérés, quoi. L'enquête de la justice allemande prouvera par la suite que les pauvres diables de musulmans n'y sont pour rien. Rien que des boucs émissaires. Et tout ça n'était que manipulation sur fond de xénophobie ! Daoud est tombé dans le panneau. Il n'en est pas ressorti. On n'a pas entendu un mot d'excuse de sa part. Il a jeté l'opprobre sur tous les musulmans comme l'aurait fait son gourou BHL sans s'interroger un seul instant sur les différences qu'il pourrait y avoir entre un extrémiste de Daech et un Algérien lambda qui pratique l'islam de son père, son père à lui, le défunt Daoud. Daoud n'a cure des nuances. Pour lui, le musulman est coupable dès la naissance, coupable de pratiquer une religion qui n'est pas agréée par les milieux intellectuels qui font l'opinion en France et qui peuvent briser d'un coup les réputations les plus établies. Taper sur les musulmans est un sport facile qui rapporte gros. Chiche : qu'il tape sur Israël, par exemple, et on verra le sort qui lui sera fait. Il ne gagnera plus aucun prix, aucun média ne lui ouvrira ses colonnes. Il finira pestiféré, mis au banc de la société française. Il redeviendra l'arabe, le musulman. Il redeviendra ce qu'il a lui-même écrit sur ceux de sa race. Il faut un vrai courage et des convictions fortes pour s'opposer aux tenants de la pensée dominante. Daoud doit tout à ces penseurs. Il doit donc continuer à faire ce qu'eux pensent. Pensent à sa place. En vérité, la vision de Sansal et de Daoud est héritée du « primitivisme », la doctrine des psychiatres de l'école d'Alger, comme le rappelle Alice Cherki : « Selon cette doctrine, les indigènes nord-africains se caractérisent par un développement psychique primitif : leur vie psychique est dominée par les instincts et fait peu appel aux facultés mentales les plus développées. Abouliques, ils manquent de curiosité intellectuelle, présentent une inappétence native pour le travail, sont incapables de soin et de logique dans leurs activités professionnelles. Manifestant une tendance marquée pour le mensonge et l'insolence, ils sont soumis à une impulsivité criminelle qui les rend potentiellement dangereux… L'origine de ces traits est à rechercher dans une immaturité génétiquement fixée du développement cérébral : chez l'indigène, le cerveau inférieur (diencéphale) prédomine sur les structures corticales supérieures. ». Moins qu'un primate nous sommes. Voici la révolution pacifique et joyeuse qui donne une leçon au monde entier en montrant le vrai visage de l'Algérien : pacifique, sympathique, empathique, ouvert et tolérant. C'est vrai que ce n'est pas un bon fonds de commerce pour les professionnels des clichés et des outrances. Comme des rapaces, ils attendent que ça dérape. Pour foncer becs ouverts sur l'Algérie. Alors on entendra les mêmes clichés surgir pour faire payer aux jeunes leur formidable élan de vitalité.