À force de ressasser que l'armée ou précisément le haut commandement militaire ne joue pas de rôle politique, les discours politiques de Gaid Salah deviennent moins crédibles. À la limite, il est préférable qu'il assume son rôle politique tout en laissant le peuple algérien décider collectivement de son avenir. D'ailleurs, la question qui se pose légitimement est de savoir comment ne pas avoir d'ambition politique quand c'est l'auteur de cette déclaration qui définit unilatéralement le calendrier politique ? Hélas, sous prétexte de sauver l'Algérie de son clan rival –ces clans travaillaient pour les mêmes intérêts jusqu'à fin mars 2019 –, Gaid Salah refuse d'écouter les doléances des millions d'Algériens. Pire encore, dans sa stratégie machiavélique, il considère que ces millions d'Algériens, qui se battent pour une nouvelle Algérie, sont uniment trompés par le clan déchu, dont les têtes d'affiche sont incarcérées à El Harach. Or, pour le peuple algérien, épris de justice et de liberté, tous ces clans sont logés à la même enseigne. En effet, jusqu'à fin mars 2019, ces clans formaient le même groupe qui s'est emparé du pays et de ses richesses. Ainsi, dans son discours politique du 8 août 2019, Gaid Salah considère que la parenthèse Bouteflika, dont il était le soutien indéfectible jusqu'à la veille de son départ, était un accident de parcours. Pour lui, « les actes de pillage, de malversation et de dilapidations des potentiels de la nation » sont le fait de la bande. Cela dit, bien qu'il parvienne à convaincre les amateurs du cachir, la majorité du peuple algérien sait que le mal remonte à la prise et à l'exercice violents du pouvoir. En tout cas, partout dans le monde où les institutions ne sont pas contrôlées par le peuple, les pays vivent sous la dictature. Peut-il être autrement de l'Algérie ? Quand la première constitution a été rédigée dans une salle de cinéma, quand le deuxième chef de l'Etat a suspendu toutes les institutions jusqu'à 1977, c'est que le mal est plus profond. La période Bouteflika n'a fait que parachever l'œuvre de destruction entamée quelques décennies plus tôt. Et lorsque le mouvement du 19 février 2019 est né, les Algériens ont compris que leur pays allait à sa perte. Du moins, ils sont sûrs d'une chose : les têtes d'affiche du régime qui ont brisé le rêve du peuple algérien ne peuvent constituer le moindre recours. D'où le slogan : yetnahaw ga3. Malheureusement, le départ du clan Bouteflika ne signifie pas la fin du régime. En décrétant que les revendications du peuple sont satisfaites, Gaid Salah réduit la crise politique à la simple élection présidentielle. En plus, ces élections seront encadrées par le même système et selon une constitution taillée sur l'égo démesuré de Bouteflika. Ce qui veut dire que le régime, érigé en 1962 au détriment de la volonté populaire, demeurera toujours en place. Bien évidemment, avec quelques changements de têtes. Le hirak, quant à lui, défend un changement radical et pacifique. Est-ce que c'est l'Algérie des intérêts privés ou c'est l'Algérie du peuple qui aura le dernier mot ? Le combat politique ne fait que commencer. Et si le régime veut se maintenir illégitimement, il ne devra pas compter sur le soutien du peuple.