https://lagrandeafrique.com/ Photo: Ramzi BOUDINA Par Delia TEBANI. Le 22 février 2019, le réveil du peuple algérien est rendu visible par de grands rassemblements, notamment dans la capitale malgré leur interdiction depuis 2001. Outrés par l'annonce de la candidature d'Abdelaziz Bouteflika aux présidentielles, les Algériens ont investi les rues pour manifester. En remettant en cause l'aptitude à gouverner de l'homme au pouvoir depuis une vingtaine d'année, ils l'ont obligé à renoncer à briguer un cinquième mandat et à remettre sa démission le 2 avril. Une première dans l'histoire du pays. Cela n'a pas apaisé la colère ou calmé les revendications. Au contraire, ces évènements ont marqué le début du Hirak. Après plus de neuf mois d'ancienneté, que retenir de ce dernier ? « Exceptionnel » et « incroyable » sont les mots utilisés pour parler de ce mouvement contestataire. Ce caractère inédit est d'abord employé vis-à-vis de l'absence de débordement dans les manifestations. Est-ce réellement une surprise ? L'Algérie a déjà connu la violence d'Octobre 1988 et le traumatisme de la décennie noire, il n'est donc pas si étonnant que l'excès et l'agressivité allaient être évités. L'idée d'un Algérien dangereux pour lui-même et pour la société n'est que le résultat du discours paternaliste de l'Etat et, à l'international, des préjugés occidentaux. Alors non, ce mouvement n'est pas nouveau de par le pacifisme observé mais plutôt par le fait qu'il ne s'essouffle toujours pas. Chose impensable quelques mois auparavant, les rues sont encore remplies chaque vendredi. Aujourd'hui, c'est tout le système algérien corrompu qui est pointé du doigt. Le Hirak se lève contre la politique du ventre et contre les relations clientélaires du gouvernement. Il demande à l'élite de s'occuper de sa jeunesse et de son futur. En d'autres mots, d'assumer ses responsabilités face à son peuple. Le départ d'Abdelaziz Bouteflika n'est pas suffisant, la nation attend plus que cette première victoire. Le temps ne l'a pas démotivée. Qui compose ce mouvement ? C'est là que réside une autre part de son côté invraisemblable. En effet, le Hirak transcende les groupes sociaux. Il rassemble les femmes et les hommes, les jeunes et les plus âgés, ceux qui se qualifient d'Imazighen et d'Arabes. Il y a l'émergence d'un ensemble de solidarités sociales, non porté par un mythe national d'une Algérie arabo-musulmane qui légitimait le pouvoir. Cependant, c'est une coalition négative. Elle ne s'est pas formée autour d'un projet politique ou d'un projet social commun mais plutôt contre une personnalité. De plus, une hiérarchie est perpétuée au sein même du mouvement. Que peut-il être espéré pour le futur avec ces paramètres ? L'issue des protestations reste incertaine. Il est demandé que chaque individu quitte le pouvoir mais aucune alternative n'est proposée par le mouvement. Aucun Algérien n'a été désigné et reconnu comme le porteur majeur des revendications. Il n'y pas un leader clairement identifié, prêt et capable d'intégrer la haute sphère des instituions politiques. C'est une limite à noter. D'autant plus qu'elle est amplifiée par la performance de l'Etat et de l'armée, aussi incroyable que le mouvement lui même. En effet, si la mobilisation du peuple doit être mise en avant, elle ne doit pas non plus cacher l'efficacité et l'adaptation des militaires à la tête du pays. Ces derniers ont utilisé la répression que très récemment et de manière ponctuelle. Cet ajustement remet alors en question la possibilité d'un changement de régime. Il pourrait être synonyme de peur mais également d'absence d'inquiétude pour les hommes dirigés par le général Ahmed Gaïd Salah. Pour preuve, malgré la contestation, l'élection présidentielle a été annoncée et maintenue au 12 décembre. Le boycott n'est pas total dans la mesure où tous les maires algériens n'ont pas refusé de l'encadrer. Le pouvoir profite des failles et des concessions d'un pan des Algériens pour maintenir son illégitime autorité. Ainsi, le déroulement de cette semaine, les actions et réactions du Hirak et du gouvernement seront une première réponse aux doutes liés au destin du pays.