Dimanche 2 février, « Khalti Baya», une manifestante assidue aux marches du Hirak, toujours présente aux rassemblements pour la libération des détenus d'opinion à Alger, a été lâchement kidnappée par la police au niveau de la place Audin à Alger. Quelques heures après son enlèvement, Khalti Baya a été finalement relâchée et abandonnée sur le bord de l'autoroute de Zéralda, à des dizaines de kilomètres de son lieu d'enlèvement. Selon ses propres mots, les policiers lui ont retiré ses médicaments pour l'humilier. Quel est le crime qu'aurait commis une dame âgée, de surcroit malade (cancéreuse en phase terminale), pour se faire traiter d'une manière indigne, en violation de ces droits les plus élémentaires ? La réponse est simple : son engagement au sein du Hirak. L'ignoble épisode « Khalti Baya » nous montre à quel point la nature lâche, ignominieuse et « barbouzarde » du régime n'a pas changé d'un iota depuis le 12 décembre. Bien au contraire, la police politique a repris de plus bel ses pratiques répressives et autoritaires contre les citoyens mobilisés pacifiquement dans la rue. Le régime est en train de mener une véritable « stratégie de choc » pour tenter de faire taire toutes les voix dissidentes, et ce, au prix de tous les abus. Des manifestants ont été encore arrêtés lors du vendredi 50 de la révolution pacifique. La détention préventive est devenue une norme juridique sans équivoque. Les marches du vendredi et du mardi sont dispersées à la fin par la violence. L'accablement judiciaire des militants, des journalistes et des citoyens engagés dans le Hirak est devenu la norme. L'affaire «Khalti Biya» est un miroir de la brutalité du régime. Elle nous confirme que celui-ci n'a aucune intention de changer son attitude à l'égard du mouvement populaire, et que toute réforme au sein du régime, aussi profonde soit-elle, ne peut en transformer sa nature violente et autoritaire. Khalti Baya le sait pertinemment. Et les citoyens algériens mobilisés au sein du Hirak depuis presque une année en sont également conscients. L'idée de rupture avec le régime et l'établissement d'un nouveau régime n'est pas une radicalité politique ex nihilo. Elle trouve source dans la conviction profonde que le changement réel commence par une transformation fondatrice; soit le changement des règles du jeu politique et la mise en place des institutions d'un Etat de droit sur lequel une Algérie démocratique peut se construire. Le vendredi 31 janvier marquait la 50ème semaine de la mobilisation citoyenne et pacifique, une date qui rapproche le Hirak de l'An I de la révolution pacifique. Les slogans entonnés sur le gaz de schiste, la Palestine, sur l'illégitimité de Tebboune et la nécessité de construire un Etat civil (et non militaire) démontrent un haut niveau de conscience politique et une culture de la citoyenneté qui ne cesse de s'enrichir par la rue et la mobilisation. La radicalité du mouvement populaire ne conteste ni la pluralité des courants qui traversent le Hirak, ni les antagonismes propres à toutes les sociétés du monde. C'est en quelque sorte l'expression d'une force « féconde » par laquelle les citoyens, exclus depuis l'indépendance de la prise de décision politique, aspire à en devenir le noyau (souveraineté populaire). En d'autres mots, la radicalité du Hirak ne veut qu'édifier une «république du public ». Sur les plans intellectuel, moral, sociétal, et même dans sa dimension purement politique, le Hirak est très loin d'être en « échec provisoire ». D'ailleurs, il faut sans cesse le rappeler, le mouvement populaire n'aspire pas à prendre le pouvoir ou à exiger les têtes du régime. Son ambition est plus grande : celle de construire, au prix d'une lutte pacifique auto-transformatrice, un Etat qui, par les institutions et les lois démocratiques, consacre la liberté, la justice et la dignité de toutes les Algériennes et de tous les Algériens….C'est le combat de la brave « Khalti Baya ». Cela devrait être notre lutte à tous. Raouf Farrah lundi 3 février 2020 Crédit photo: Algérie Eco