le 27 février 2020 ParKamel Lakhdar-Chaouche https://www.dzvid.com/ Salah-Eddine Sidhoum : Notre peuple, généreux et patient, a encore une fois déjoué tous les pronostics. Le régime illégitime et sa faune de diplômés serviles et larbins, avaient pensé avoir anesthésié définitivement ce peuple. Comme en 54, il a ébahi le monde. Hier sa révolution armée a été un modèle de résistance et a permis de décoloniser l'Afrique. Aujourd'hui, sa Révolution pacifique qui dure maintenant depuis une année est citée comme exemple dans la presse internationale. Malgré les tentatives de diversion, de manipulations et de provocations tous azimuts, cette révolution est restée inébranlable, pacifique jusqu'au bout. Les Algérien(ne)s dignes, ont décidé de se prendre en charge, loin des tuteurs politicards et des chapelles idéologiques polluantes et avec un seul objectif : le changement radical du système politique en vue de l'instauration de l'Etat de droit. C'est ce qui fait sa force. Salah-Eddine Sidhoum : On ne peut pas être libre de ses mouvements quand on est désigné par l'oligarchie militaro-financière qui est le pouvoir réel. Il faut être clair et appeler chaque chose par son nom. Le système tente de se pérenniser en changeant de vitrine, comme il le fait depuis 63. Cette fuite en avant ne fera qu'aggraver la crise politique qui est celle de la légitimité du pouvoir qui perdure depuis le 9 septembre 62, avec la prise de la capitale par l'armée des frontières. Le règne de ce nouveau locataire désigné d'El Mouradia sera pire que celui du locataire précédent, tout comme le règne de ce dernier a été pire que celui de Bendjedid et ainsi de suite ! Ce n'est pas un problème de personnes mais un problème d'un système dont la déliquescence s'aggrave au fil des ans. Salah-Eddine Sidhoum : Il faut avoir l'honnêteté d'affirmer que la Révolution populaire a été à ses débuts grandement utilisée par l'oligarchie militaro-financière pour régler ses comptes internes. Il est clair, comme vous le dites que la guerre des gangs fait rage au sein de l'oligarchie. Cette dernière a pensé faire d'une pierre deux coups : neutraliser le gang adverse (dans un système mafieux et pervers comme celui qui a pris en otage notre pays, il est plus juste de parler de gangs que de clans) et éteindre la flamme de la révolution en jetant en pâture quelques visages honnis. C'était sans compter sur l'intelligence de ce peuple (n'en déplaise à une certaine « abrutigentsia » qui méprise son propre peuple) qui a vite compris ce stratagème. Il est important de souligner un fait historique important et qui ne doit pas passer inaperçu. Il est clair que c'est la pression populaire qui a poussé Bouteflika à renoncer fin mars au 5e mandat et à annoncer son intention de démissionner avant le 28 avril 2019, tout en décidant de prendre d'«importantes mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l'Etat durant la période de transition », entendre par là régler des comptes au gang adverse. C'est cette menace qui a poussé le commandement militaire à exiger la démission immédiate de Bouteflika le 2 avril 2019, car l'avenir de certains officiers supérieurs était menacé. Ce qui s'est passé le 2 avril était un coup d'Etat, semblable à celui contre Chadli le 11 janvier 1992. Pour vous dire que les pratiques putschistes n'ont pas changé au sein de cette oligarchie et ce, depuis sa prise du pouvoir en 62. Salah-Eddine Sidhoum : L'histoire tumultueuse de ce régime illégitime, nous a appris qu'il n'avait pas d'amis mais seulement des intérêts à défendre. A chaque crise grave qu'il traversait, il a sacrifié et sans état d'âme un ou plusieurs de ses hommes. En 88, lors de la sanglante manipulation d'octobre, il n'a pas hésité à sacrifier Cherif Messaâdia et Lakhal Ayat, en 92 il a sacrifié Chadli, en 2004 il a sacrifié Lamari, en 2015 Toufik et en 2019, Bouteflika. Et il n'hésitera pas demain à sacrifier d'autres de ses éléments qui paraissent, aux yeux de l'opinion, comme « influents ». L'essentiel pour lui est de sauver son système. Il n'a pas hésité en 92, lorsque le peuple lui a signifié sa retraite avec la victoire des 3 fronts, à déclencher une guerre fratricide avec les conséquences que nous connaissons tous. Salah-Eddine Sidhoum : Je préfère parler d'otages politiques. C'est une décision ignoble que d'incarcérer des compatriotes pour leurs idées politiques ou pour avoir porté un emblème culturel. Le régime, bloqué à l'ère stalinienne, pensait faire taire les Algérien(ne)s libres et dignes, en instrumentalisant une justice aux ordres, en préfabriquant des chefs d'inculpation et en incarcérant arbitrairement des jeunes et moins jeunes. Il ignore que la prison en politique est faite pour les « Hommes » et les « Femmes » et non pas pour les lâches. Et nous avons tous remarqué, que les jeunes libérés étaient plus déterminés que jamais à poursuivre la lutte pacifique dans le cadre de cette révolution, en vue d'un changement radical du système et l'instauration d'un Etat de Droit. Ce qui m'attriste le plus, ce n'est pas le comportement de ce régime, mais l'attitude exécrable d'une certaine « abrutigentsia », pur produit des officines de la police politique, qui s'est attaquée aux détenus politiques et les a traités de tous les noms d'oiseaux. Je trouve cette attitude lâche et mesquine. Dieu Merci, cette révolution populaire a fait tomber beaucoup de masques ! Entretien réalisé par Kamel Lakhdar-Chaouche