Les dirigeants civils et militaires algériens savent qu'il ne sont pas aimés du peuple, vu qu'ils ne sont arrivés au pouvoir que par des coups d'Etat ou par des élections frauduleuses. Aussi cherchent-ils à se légitimer en s'auto-déclarant héritiers de la révolution algérienne. Ils se sont attribués la symbolique de la révolution et le puissant message qu'elle a délivré à la planète entière. Les militaires le proclament ouvertement. Les officiers supérieurs (généraux, généraux-majors, etc.), ceux qui dirigent l'armée, cultivent fièrement ce qu'ils considèrent être un mythe, à savoir que l'ANP, c'est-à-dire eux, est la "digne héritière" de l'ALN (Armée de libération nationale). De quoi ont-ils hérité? De l'aura, bien entendu, dont jouissait l'ALN au sein du peuple et dans le monde. Ils se sont attribués les sacrifices de ces jeunes qui ont de 1954 à 1962, au nom d'un idéal, celui de la conquête de l'indépendance du pays après 132 années de colonisation et au péril de leurs vies, pris les armes, souvent vétustes, pour affronter une des armées les plus puissantes au monde. C'était cela l'ALN. Au sein de l'ANP on trouve aujourd'hui des personnages ventrus, bedonnants qui n'ont jamais tiré une balle mais qui portent néanmoins des titres ronflants de généraux, généraux majors, etc. Ils ont eu le culot d'écraser les âmes de ces jeunes des années cinquante et de s'approprier ce souffle exaltant qu'ils ont insufflé au peuple algérien et au monde entier; ils ont souillé le nom de l'ALN et mis à profit la symbolique de la guerre de libération pour asseoir et renforcer leur pouvoir et pour s'enrichir. Quant aux civils, ils ont créé, une structure qu'ils ont dénommée parti et à laquelle ils ont attribué, toute honte bue, le nom de Front de libération nationale (FLN). Qu'est-ce que c'était le FLN historique ? Le rassemblement de tous les partis et organisations qui existaient avant 1954 qui menaient le combat politique avec pour but ultime la résurrection de la nation algérienne. C'est le FLN, qui a été par la suite, durant la guerre de libération, le mouvement qui a animé l'aspect politique de la lutte pour l'indépendance. Les activistes du FLN d'autrefois étaient de véritables militants qui risquaient eux aussi leurs vies, tandis que les membres du FLN d'aujourd'hui ne sont que des arrivistes, des profiteurs qui utilisent "le parti" pour tirer un maximum de profit du système qu'ils ont mis en place. Il y a un signe qui ne trompe pas; ils appellent ce FLN "le parti du président". Tout ce monde, civils et militaires, se retrouve dans différentes nébuleuses qu'ils ont créées qu'ils appellent "la famille révolutionnaire". Cette famille a le monopole du pouvoir, car c'est là qu'il vont chercher les hommes qu'ils placent aux postes de direction des différentes structures de l'Etat (politiques, économiques, culturelles ou autres). Il fut même un temps où même pour accéder à un poste de petite responsabilité, il fallait être encarté au FLN. Par ailleurs, seuls ceux qui baignent dans ce vivier ont accès à la rente pétrolière du pays que le pouvoir algérien considère comme sa propriété. Pour perdurer et renforcer son pouvoir, la nomenklatura qui dirige le pays utilise les revenus pétroliers pour s'acheter des soutiens et des consciences dans le pays et à l'étranger et pour s'enrichir en piochant autant que faire se peut dans la rente pétrolière. Pour perdurer et renforcer son pouvoir, cette nomenklatura met aussi à profit le hold up de la révolution, dont on a parlé plus avant, qu'elle a effectué en vertu duquel le pouvoir en Algérie lui appartient à elle et elle seulement ou à ses descendants. Le voilà le socle du pouvoir algérien. Est-ce cela que Macron appelle "rente mémorielle" ? Si oui – je pense que ça l'est – cette vérité est très violente. Dite par le chef de l'Etat français, elle a été considérée par le pouvoir algérien comme un terrible affront qu'il ne pouvait pas avaler.