Des images qu'on pourrait croire d'archives mais malheureusement elles ont été prises hier. En une heure, la fumée a envahi toute la ville. Les pneus brûlaient sur la chaussée bloquant toute circulation. Les édifices publics et les commerçants ont baissé rideau. La ville de Tizi Ouzou a repris, le long de la journée d'hier, les allures d'une ville en émeutes généralisées. En l'espace d'une journée, les pneus qui brûlaient ont ressuscité un certain juin 2001. Différents axes routiers, notamment l'avenue Abane- Ramdane, ont été barricadés par les habitants du quartier Les Eucalyptus touchés par l'attentat kamikaze qui a visé le siège des renseignements généraux de la même ville le 3 août 2008. Dans une déclaration, les protestataires ont dénoncé, tout d'abord, les retards injustifiés et inexpliqués des indemnisations des véhicules calcinés par le souffle de la charge explosive du kamikaze. Ensuite, ce sont les aménagements des espaces de loisirs qui attendent encore le début des travaux comme les cours, les trottoirs et les assainissements. Enfin, la même déclaration contenait le récapitulatif des nombreuses requêtes adressées aux autorités locales, essentiellement la mairie de Tizi Ouzou. La même liste de requêtes et doléances renfermait également d'autres problèmes qui ne cessent de rendre la vie insupportable aux habitants de la cité. En effet, selon les jeunes rencontrés sur les lieux, plusieurs demandes ont atterri sur le bureau du président de l'APC de Tizi Ouzou afin de trouver une solution aux poissonniers qui tiennent leur marché sur les trottoirs dans des conditions d'hygiène lamentables aussi bien pour eux que pour les habitants des Eucalyptus. Jusqu'à hier, affirmaient les mêmes contestataires, aucune réponse n'est venue apporter un minimum réconfort. Hier matin, les habitants des Eucalyptus ont d'abord tenu un rassemblement devant le lieu de l'attentat, appuyés par des jeunes venus des cités voisines touchées également par la forte déflagration. Après cette rencontre, les jeunes ont décidé de fermer toutes les artères de la ville de Tizi Ouzou, y compris la grande rue. En une heure, la fumée a envahi toute la ville. Les pneus brûlaient sur la chaussée bloquant toute circulation. Pendant toute la journée, les édifices publics tels que les banques, les assurances ainsi que certains commerce ont fermé boutique, rappelant les événements qui ont paralysé la Kabylie de 2001 jusqu'à aujourd'hui. Vers 14h, les brigades antiémeute ont investi les rues et l'avenue principale. Les camions «moustaches», nom donné par les citoyens pendant les événements de 2001, ont débarrassé les barricades pour permettre une reprise de la circulation. Un citoyen a été interpellé avant d'être relâché une heure plus tard. «Pourquoi nous prive-t-on de l'argent que l'Etat nous a pourtant débloqué?», s'interrogeait un jeune. En effet, les citoyens qui recourent souvent à ce genre d'action pour attirer l'attention des pouvoirs publics sont, à présent, conscients que les blocages sont à chercher au niveau local. Tous ces problèmes de retard dans les indemnisations, témoignaient d'autres jeunes, hier, avaient pour auteurs les responsables et les élus locaux qui gèrent mal les budgets débloqués par l'Etat. Ces discussions révélatrices qui commencent à émerger de la situation de confusion révèlent, si besoin est, le grand décalage qui sépare les citoyens des responsables locaux. Les pratiques malsaines de favoritisme, de corruption et d'attribution douteuse de projets de développement communaux sont sur toutes les lèvres. La rupture entre les responsables locaux ainsi que les élus avec les citoyens est quasiment consommée. La preuve est éloquente sur le terrain. C'est une question facile, il n'y a que se fier au calendrier et de chercher une journée où il n'y a pas eu une route ou une mairie fermée par des citoyens excédés par la colère. La réponse: pas beaucoup. En effet, ces dernières semaines, il est constaté que les actions sont quasi quotidiennes à travers les communes comme dans la ville de Tizi Ouzou. Les raisons qui poussent les citoyens à bloquer les routes, fermer les mairie et à occuper les bureaux des administrations sont généralement les mêmes. Sur les lieux, les contestataires énumèrent des causes relatives au retard dans le lancement des travaux, retard dans la réception des chantiers, attribution avec favoritisme de logements, non-indemnisations de diverses pertes et beaucoup de revendications, toutes relatives à la vie quotidienne des populations. Aujourd'hui, les populations n'ont plus que la rue pour crier leur ras-le-bol avant d'être dispersées par les forces de l'ordre. Kamel BOUDJADI