16 octobre 2009 Nous allons célébrer dans quelques jours la date du premier novembre, symbole de la révolution algérienne. Plus d'un demi siècle après son avènement, que connaissons nous réellement de cette date ? Le premier novembre a t-il été une décision souveraine ou bien a-t-il été une action inspirée d'ailleurs ? Mohammed Boudiaf considéré à tort ou à raison comme le père du CRUA , a-t-il rejoint de son propre chef le 28 octobre le Caire ou bien lui a-t-on ordonné de le faire ? Dans ce cas qui lui a ordonné de le faire ? Que fut véritablement ce premier novembre au nom duquel des minorités archaïques, auréolées de la légitimité révolutionnaire, ont provoqué le désarroi en 1962 en expropriant, en excommuniant et en assassinant des centaines de milliers d'algériennes et d'algériens ? A la veille de l'insurrection, hormis Hocine Ait Ahmed et Ahmed Benbella qui étaient connus pour avoir assurer de hautes responsabilités au sein du mouvement nationaliste, les autres membres du CRUA ainsi que les six chargés de rédiger la déclaration de guerre, étaient tous ou presque tous d'illustres inconnus. Lorsque à travers son appel du 27 décembre 1953-qui deviendra historique par la force des choses- à la base militante du MTLD contre son comité central auquel il retira sa confiance, Messali était certain de neutraliser ses adversaires qui lui contestaient le leadership, mais il était loin de se douter que son appel allait modifier l'ordre des choses et entraîner de nouveaux rapports de force. En effet, il venait, sans le savoir, d'enclencher un processus qui allait embraser l'Algérie durant huit années consécutives et, par-delà les frontières de ce pays, sonner le glas de l'ère de la colonisation directe et influer du coup sur le destin de centaines de millions de femmes et d'hommes. Par la Proclamation du premier novembre rédigée à Rais Hamidou et tirée à Ighil Imoula, le groupe des « 22 » appelait les algériennes et les algériens à la lutte armée contre la colonisation. Mais par cette action, la colonisation n'était pas la seule visées .La décision d'engager la lutte armée dans les conditions connues de tous,était également dirigée contre l'ensemble des partis et des factions du pays tels que l'UDMA , les Oulémas, le CC du MTLD , le PCA et en particulier Messali. En somme toutes les élites du pays. De ce fait, peut-on dire que les combattants du premier novembre avaient la certitude de la victoire malgré l'allure titanesque du combat qu'ils décidèrent d'entreprendre ? Etaient-ils mûs par une foi sans commune mesure avec le destin de leur action et le devenir de leur peuple et de leur pays ? Ou bien alors convaincus de la dislocation (la lutte qui opposait Messali à son comité central) irrémédiable du MTLD, avaient-ils consciemment et délibérément opté pour cette espèce de fuite en avant qui déboucha miraculeusement sur la destruction de vastes empires coloniaux ? Ou bien alors y avait-il tout cela à la fois dans le conscient et le subconscient des hommes du CRUA ? Il faut dire que la façon dont les architectes du premier novembre ont procédé au déclenchement de l'insurrection cachait bien des choses. En effet, aux visées révolutionnaires du PPA-MTLD, conduites par Messali en sa qualité d'homme politique lucide représentant l'Algérie au Panafricain Congres aux côtés de N'Krumah- cette organisation qui prônait l'indépendance de tous les pays africains et dont F Fanon nous parlera quelques années plus tard-, le groupe des « 22 » avait vite substitué l'objectif franchement réduit et étroit qu'est l'indépendance du pays. Comme si il suffisait que le pays soit indépendant pour que la prospérité, la justice et le développement touchent tous les secteurs et qu'enfin une conscience nationale algérienne raisonnée naisse. Les déclencheurs de la lutte armée ne savaient-ils donc pas ce que le mot révolution veut dire ? Si « Que Faire ? » de Lénine était la formule magique des Bolcheviks, quelle était celle des révolutionnaires algériens en 1954 ? Qui leur appris l'alphabet de la révolution ? Comment se fait-il que Boudiaf et ses amis aient osé « jeter la révolution à la rue » qui était peuplée par des paysans majoritairement analphabètes et écarter tous les dirigeants du mouvement national qui leur ont appris l'alphabet non plus, cette fois-ci révolutionnaire, mais disons- le, politique. N'est-il pas absurde le fait de prétendre mener une révolution à caractère nationaliste tout en écartant (en le trompant volontairement sur la date du déclenchement) le père du nationalisme algérien qui a rédigé avec ses propres mains l'Appel aux militants le 27 décembre 1953 , lu au Congrès de Hornu , que ses adversaires ont lancé au peuple algérien le 1er novembre 1954 au nom du CRUA ? A la lumière de toutes les vérités à effet de bombe que certains essaient par complaisance et par lâcheté de dissimuler à tout prix, n'est-il pas du devoir des intellectuels et des universitaires de la nouvelle génération d'interroger les conditions occultes dans lesquelles le premier novembre semble être né ?