In Rachad VIDEO L'observateur lucide de la scène algérienne ne peut que constater avec amertume l'état de déficience générale des institutions du pays. Mais le plus grave risque d'être la léthargie qui frappe l'élite algérienne. La stratégie de la dépolitisation des esprits, entamée dès le coup d'arrêt du processus démocratique en janvier 1992, n'épargne aucun segment de la société. L'élite dans sa majorité est devenue un conglomérat d'opportunistes et d'affairistes lancés dans une course effrénée à la richesse. Les affaires et le désir de réussite se substituent à l'action politique et au sentiment de solidarité nationale. Le système a imposé ses critères pour qui veut « réussir » ; en premier lieu le soutien actif à sa politique d'éradication de toute opposition crédible et c'est le cas de tout ce personnel de figuration « politique » qui participe aux kermesses électorales et qui représente un vivier inépuisable pour les metteurs en scène de la vie politique algérienne. En second lieu, l'autre critère, c'est la neutralité bienveillante qui se traduit par cette incapacité à se mobiliser et à s'organiser ou revendiquer dans l'espace public, et qui est provoquée par la peur de la machine répressive, l'absence de l'esprit de sacrifice et surtout le culte de l'individualisme. Dans l'ordre des préoccupations il n' y a plus de grandes différences entre l'universitaire et le « trabendiste » et c'est cette transformation sans détour qui pose problème aux tenants du changement pacifique. L'Algérie se porte mal, le peuple endure le contre coup de la mauvaise gouvernance et les perspectives de l'avenir sont très sombres. Partout dans les pays ou des conflits existent, ou des crises se déclenchent les élites se concertent pour trouver une issue. Comment expliquer l'absence d'initiative politique d'envergure depuis la réunion de Sant' Egidio ? L'Algérie qui a engendré des personnalités illustres dès l'aube de la colonisation jusqu'au déclenchement de la révolution qui a abouti à l'indépendance est-elle devenue stérile ? Mais où sont passées toutes les personnalités politiques indépendantes ou ceux qui ont pris leurs distances avec le régime ? Que devient le contingent des exilés qui ont trouvé dans la crise une bouée de sauvetage qui les a éloignés du pays ? Si certains ont préféré abandonner l'action politique pour des raisons explicables, d'autres en revanche, n'ont aucune excuse. Leur passivité face à l'ampleur de la crise qui secoue notre patrie est injustifiée. Que les historiques descendent de leur tour d'ivoire et acceptent la main tendue des enfants sincères de l'Algérie, que les « démocrates laïcs » se démarquent des putschistes et écoutent le peuple et qu'enfin les tenants de la « daoula islamiya » participent à l'élaboration d'un projet qui instaure un véritable Etat de droit ! Il est temps que notre élite prenne conscience de sa mutilation et proclame sa volonté de restaurer sa dignité et de reprendre son rôle de locomotive de la société. Personne n'ignore que l'actualité d'aujourd'hui sera l'histoire enseignée demain. Yacine Saadi