Omar Benderra, Algeria-Watch, 16 Novembre 2009 Les attaques contre une société de téléphonie mobile à capitaux égyptiens et le sac de la représentation de la compagnie aérienne égyptienne, tout comme les agressions sur les personnes de cette nationalité ne sont nullement une surprise. Ils suivent les incidents du Caire, où des jeunes ont lapidé le bus transportant l'équipe de foot algérienne, et d'autres violences dont ont été victimes les supporters algériens à la sortie du Cairo International Stadium. Tout est fait pour entretenir, aussi bien en Egypte qu'en Algérie un climat malsain où la colère et la frustration des jeunes trouvent un exutoire facile, immédiatement identifiable et complètement mystificateur. Il est proprement extraordinaire qu'aucune voix ne se soit élevée pour appeler au calme et relativiser l'importance d'une rencontre de football, qualification au mondial ou non. Au contraire, les télévisions des deux pays, les sites internet plus où moins officieux, les journaux nourrissent une absurde dramatisation et écrivent au jour le jour un scénario de conflit où la bêtise le dispute à l'indignité. Est-il surprenant qu'aucun dirigeant ne soit intervenu pour appeler à la raison et ramener les choses à de plus justes proportions ? Les peuples algériens et égyptiens ne sont pas ennemis et ne le seront jamais. Ils ne peuvent l'être pour toutes les raisons du monde et d'autant moins qu'ils partagent le même sort. Les dictatures policières et les anti-élites de pouvoir – des voyous en col blanc comme le montre la gestion des événements – qui écrasent les Egyptiens et les Algériens appartiennent au même monde : celui des criminels. L'écrasement des libertés, l'oppression quotidienne, la misère et le désespoir sont le lot commun de la majorité des deux peuples. Présidence à vie, toute puissance des services de police politique, prédation à large échelle sont les caractéristiques que partagent deux régimes qui maintiennent tous deux leurs peuples sous état d'urgence depuis des décennies. Les régimes se ressemblent au point d'être l'un et l'autre incarnés par deux vieillards en mal de succession dynastique. Loin de ces cercles, les jeunes qui agitent avec passion leurs drapeaux et sont prêts à tuer leur voisin pour une misérable qualification à un tournoi de football sont les mêmes que ceux qui tentent de fuir désespérément leurs pays. Ce sont ces jeunes, en tout point semblables qui errent clandestinement dans les artères hostiles des métropoles occidentales. Les enfants des voleurs au pouvoir à Alger et au Caire, également en tout point semblables, eux, roulent en voitures de luxe dans les beaux quartiers des mêmes métropoles. Ceux-là sont en règle : ils n'ont aucun problème de résidence, avec l'argent volé aux millions d'exclus de leurs malheureux pays, ils bénéficient des meilleurs papiers d'identité. Est-il besoin d'ajouter que les deux peuples partagent les mêmes vrais ennemis extérieurs ? Il est proprement désolant d'entendre et de lire les tombereaux d'invectives qui se déversent sans aucune censure – tiens donc ! – dans les médias des deux pays. Mais que ces injures doivent sonner délicieusement aux oreilles des despotes, de leurs obscènes clientèles et de leurs polices. La diversion est magistralement exécutée, le cycle des provocations a été parfaitement enclenché et quel que soit le résultat sur le terrain sportif, c'est d'ores et déjà tout bénéfice pour les régimes. La colère légitime des jeunes est détournée vers un improbable ennemi, les passions émeutières sont aiguillées vers des cibles illusoires. Pour grossière qu'elle soit, la manœuvre permet de calmer autant que faire se peut les tensions sociales et le mal-être général. La mystification semble fonctionner mais, cela ne fait guère de doute, la réalité finira par s'imposer. Les véritables ennemis des peuples algérien et égyptien sont leurs propres dirigeants. .