Arezki Aït Larbi à Alger (avec T. S. au Caire) 17/11/2009 La rivalité sportive entre l'Egypte et l'Algérie provoque des violences. Rien ne va plus entre l'Egypte et l'Algérie à quelques heures du match de football décisif pour la qualification à la Coupe du monde 2010. La rencontre d'appui qui doit se dérouler sur terrain «neutre» au Soudan déchaîne les passions nationalistes. L'émotion collective suscitée par l'événement laisse croire que l'enjeu dépasse désormais la simple suprématie sportive. Vu des bords du Nil ou de la baie d'Alger, le leadership du monde arabe se joue mercredi soir à Khartoum dans une ville quadrillée par 15 000 policiers. Peu habituées à gérer un rendez-vous aussi sensible, les forces de sécurité craignent d'être dépassées. Plus de 20 000 supporteurs des deux camps acheminés par des avions et des bus spéciaux déferlent depuis mardi dans la capitale soudanaise, où ils risquent de s'affronter violemment. En marge de la rencontre précédente, jouée samedi au Caire, le bus des joueurs algériens avait été caillassé et des supporteurs algériens blessés après la victoire par 2 à 0 des Pharaons sur les Fennecs. «Chasse» aux Egyptiens Après ces agressions, la confrontation s'est déplacée vers le terrain politique. Les récits des blessés, largement relayés par la presse, ont excité la colère de leurs compatriotes. Une rumeur annonçant la mort de six supporteurs, mais démentie par les autorités, a fait le reste pour pousser des milliers de jeunes à s'attaquer aux intérêts et parfois aux ressortissants égyptiens. Lundi, les locaux d'Egypt Air dans le centre d'Alger et ceux de l'opérateur de téléphonie mobile Orascom ont été saccagés. Des cadres de cette entreprise ont été molestés dans un restaurant. En province, des abonnés ont résilié leur contrat, suivant un mot d'ordre de boycottage lancé sur Internet. Dans la ferveur nationaliste qui entoure le Onze national, le mythe de la «fraternité arabe» a volé en éclats, et la religion, si pesante dans la société, semble reculer. À Alger comme en province, des centaines de jeunes filles portant haut l'emblème national ont investi l'espace public pour prendre part aux défilés. Samedi, la télévision algérienne n'a pas osé interrompre la retransmission du match pour diffuser l'incontournable appel à la prière du soir. Dans d'autres circonstances, cette «hérésie» aurait soulevé le courroux des islamistes. Surpris par l'ampleur de la mobilisation, qui risque à tout moment de virer à la contestation du régime, le gouvernement avance sur la pointe des pieds. Après avoir toléré les cortèges dans les rues d'Alger, où les manifestations sont pourtant interdites depuis huit ans, il décide de mettre en place un véritable pont aérien vers Khartoum et de financer les billets d'avion. Plusieurs officiels, dont, semble-t-il, Saïd Bouteflika, le frère du président, sont déjà dans la capitale soudanaise. Seul bémol, les 9 000 billets d'accès au stade concédés par la Fifa s'avèrent insuffisants pour satisfaire les centaines de milliers de demandes. Pour éviter les débordements, un important cordon policier filtre, depuis lundi, l'accès à l'aéroport, empêchant les supporteurs non munis de billets d'y accéder. Dans une ambiance électrique, propice à la surenchère et à de nouveaux dérapages à l'issue du match, les voix de la raison commencent toutefois à se faire entendre. Comme celle des éditeurs de la presse écrite qui ont appelé, mardi, au respect des Egyptiens résidant en Algérie et à la protection de leurs biens. Mais, au Caire, la presse indépendante reste vindicative contre son homologue algérienne qu'elle accuse d'avoir jeté de l'huile sur le feu en relayant les rumeurs sur la mort et le viol de supporteurs(trices) algérien(nes). Selon un responsable d'Orascom cité par les médias, 2 000 Egyptiens sont cloîtrés chez eux à Alger. Plusieurs journaux d'opposition parlent d'une crise diplomatique qui pourrait se prolonger quel que soit le vainqueur.