J'ai retrouvé un vieil article de 1996 où je réagissais aux propos de Mme Albright, alors secrétaire d'Etat de l'administration Clinton. Nous étions bien isolés et personne ne pouvait – ou ne voulait – comprendre le drame que nous vivions. La vieille diplomate américaine disait, entre autres, que l'idéal pour les sociétés de notre région était le système saoudien ! Quant à ce qui se passait en Algérie, les Américains considéraient alors que c'était une guerre civile, les premières escarmouches de l'AIS étant pour eux une forme de «résistance». Ils accueillirent d'ailleurs sans problème un représentant du Front du salut en la personne de M. Anouar Haddam. Ils éviteront de parler de terrorisme jusqu'au moment où deux avions surgirent dans le ciel limpide de New York par une matinée de septembre 2001. J'écrivais alors que, malgré les carnages et les destructions massives commises par le GIA, le peuple algérien se battra jusqu'au bout pour que son pays reste debout et que l'heure viendra où il fera le bilan. Il saura alors qui a été avec lui dans les moments durs. Les amis furent très rares à l'époque, chacun préférant s'occuper de ses affaires et éviter de subir les foudres d'un terrorisme qui pouvait frapper au cœur de Paris ! Quant à la «saoudisation» de la société, je ne pense pas qu'un million et demi de martyrs soient tombés pour que les survivants vivent dans un royaume moyenâgeux ! Si je reviens à cette époque, c'est pour démontrer qu'il y a une constante chez les démocrates américains tout en sachant que, sur l'essentiel, ils sont d'accord avec les républicains. Si ces derniers, et notamment sous la nouvelle droite, se sont inventés le 11 septembre – exécuté par des extrémistes islamistes sous les ordres de la CIA – pour mener les expéditions «punitives» contre l'Afghanistan et l'Irak, prélude à leur domination unilatérale du monde, les démocrates ne voient pas d'un mauvais œil la gestion de nos pays par les islamistes et semblent même la souhaiter. Bush avait une vision manichéenne et, pour créer le «méchant» à combattre par tous les moyens, la CIA est allée chercher l'un de ses hommes-clés en Afghanistan, Ben Laden, devenu subitement l'ennemi public n°1. Dans le cadre de son Grand-Moyen-Orient, la nouvelle droite américaine insistait alors sur la nécessité d'introduire des mutations profondes dans les pays arabes sous le couvert de la «démocratisation». Mais c'était en réalité une manipulation qui ne visait qu'à dépoussiérer les vieux systèmes despotiques devenus embarrassants. Il s'agissait de simples replâtrages que devaient d'ailleurs mener les «princes héritiers » de ces dynasties républicaines. Buts réels de l'opération : affaiblir les Etats nationaux, ouvrir totalement les économies aux multinationales, faire main basse sur les réserves énergétiques de la région, démanteler les armées, instaurer une paix inéquitable avec Israël, raviver les tensions confessionnelles et ethniques afin d'aboutir à l'implosion de la Ligue arabe en créant une multitude de mini-Etats qui resteront éternellement en conflit entre eux ! Après avoir envahi l'Afghanistan à la recherche – semble-t-il – du chef taliban à ramener mort ou vif, les néoconservateurs concoctent une grande guerre contre l'Irak en inventant de toutes pièces ces «preuves» préfabriquées qui font honte à la patrie de la statue de la Liberté ! La «démocratie» à dos de chars apporte à l'Irak ruine et désolation. Et si, finalement, les troupes américaines ont quitté ce pays, c'est justement parce que leur mission est terminée. Il n'y a plus rien à détruire dans ce qui fut le grand Irak. Les scientifiques ont été assassinés un à un, les bases d'un développement parmi les plus réussis du monde arabe minées, les conflits confessionnels attisés : les boys peuvent rentrer à la maison. La nouvelle droite s'est attaqué par la suite à la Syrie et la défaite de Bush n'a pas empêché la mise en exécution des plans visant à la destruction totale de ce pays qui, sans l'aide de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah, aurait disparu à jamais ! Les événements s'accélèrent et Obama arrive au pouvoir avec des promesses «pacifistes». Cependant, et loin de tout angélisme, les Américains travaillent à une nouvelle approche : fini Ben Laden qui est capturé comme dans un mauvais western et ramené en catimini aux Etats-Unis. Car, il n'y a que ces grands enfants allaités au tube cathodique que sont les Américains pour croire que son corps a été jeté à la mer. Un procès pourrait divulguer certains secrets qu'on n'a pas envie de dévoiler et l'homme pourrait se mettre à parler. Exit Ben Laden, changement de décor : les islamistes ne sont plus ces bombes humaines qui menacent la paix et la sécurité dans le monde mais deviennent fréquentables. Pour bien comprendre que ces grands encouragements à la démocratisation de nos pays ne sont que bluff, il faut citer peut-être le cas de ces roitelets sans oppositions, sans syndicats, sans presse libre et de ces monarchies d'un autre âge qui sont légion dans le monde arabe et qui ne sont nullement concernées par le discours américain. La «Révolution» est bonne en Syrie mais elle est une affaire de manipulation iranienne au Bahreïn. Quant à Trump, il promet beaucoup mais, dès son installation à la Maison Blanche, choisit la guerre... Pour ne pas changer ! Maintenant que tout devient clair depuis que l'on s'acharne à détruire la Syrie, que le chaos s'installe en Libye, il faut peut-être se pencher sur ce terrorisme qui renaît de ses cendres en Egypte et sur cette guerre sans fin menée par les Saoudiens au Yémen et attisée par les calculs géostratégiques des Américains. Mais il y a plus grave : il semble que la guerre contre l'Iran, réclamée par Israël depuis longtemps, ne tardera pas à plonger la région dans une nouvelle étape de l'horreur, celle qui n'est pas loin du chaos total, de la guerre mondiale nucléaire ! L'impérialisme a-t-il trouvé en les islamistes des collaborateurs disciplinés qui lui permettront de réaliser ses plans ? S'il est vrai que la nature même du projet socio-économique des islamistes répond aux vœux des multinationales, a contrario des Etats nationaux qui résistent tant bien que mal, il faut espérer que l'esprit patriotique ne vacille pas... En tout état de cause, la démocratie imposée par les Américains ne semble pas pour le moment réussir à nos pays. Qu'elle prenne le visage d'une grande guerre comme en Irak ou d'interventions militaro-diplomatiques comme en Libye, le résultat est le même. Alors que le pays de Saddam tente de se relever d'une mise à mort qui l'a démembré et affaibli, les prémices d'une guerre civile totale pointent à Triploli ! L'Egypte ne se porte pas mieux et l'instabilité ne semble pas près de s'arrêter. Au Yémen, c'est la grande inconnue alors que la Syrie tente de se débarrasser du dernier bastion de l'islamisme armé. Et l'Algérie ? Pour bien montrer l'importance de notre pays, rappelons qu'il fut le premier à subir les assauts de l'islamisme armé et si ce n'était l'intervention des Patriotes, il ne serait rien resté de l'Algérie républicaine. Après avoir échoué à dompter totalement nos pays et à les détruire, l'impérialisme a-t-il trouvé l'arme absolue : la «démocratie» ? M. F.