Par Ali El Hadj Tahar [email protected] Certains parlent du «caractère transnational du terrorisme». Le terrorisme n'a pas de caractère globalement transnational. Il a un caractère transnational limité aux pays musulmans. Il n'y a pas eu d'attentat en Occident ou contre des intérêts occidentaux depuis plus d'une décennie. Le terrorisme dit «islamiste» ne touche jamais les intérêts américains ou occidentaux, et tous les attentats qui ont eu lieu en terre d'Occident sont, selon les analystes les plus crédibles, des «inside jobs», des opérations internes, ou intimement liées à des filières d'agents «islamistes» liés aux services secrets occidentaux. Nul ne croit que le troglodyte Ben Laden soit capable d'exécuter l'opération-attentat extrêmement sophistiquée du 9 septembre 2001. En tout cas, sans les attentats du 9 septembre 2001 et ceux «perpétrés» contre les ambassades des Etats-Unis à Nairobi (Kenya) et à Dar es-Salam (Tanzanie), contre le navire USS Cole (octobre 2000, Amen, Yémen), contre le bâtiment des soldats US à Djedda, contre le RER de Madrid (2004) ou celui de Londres (2005), le terrorisme ne serait jamais devenu une affaire aussi juteuse pour l'économie de guerre américaine et occidentale. Les entreprises américaines ont touché près de 5 000 milliards de dollars en 8 ans grâce aux guerres en Irak et en Afghanistan. Les ventes d'armes occidentales n'auraient pas doublé par rapport à celles des Russes et des Chinois, les bases américaines dans le monde n'auraient pas été multipliées par deux ou presque... Même Coca, Pepsi et Marlboro gagnent avec les GI's et les marines en campagne en Afghanistan, Irak, Yémen ou ailleurs... La Russie est désormais entourée de bases américaines comme elle ne l'a jamais été lors de la guerre froide. L'Arabie Saoudite, Bahreïn, les EAU et le Qatar dépensent des milliards en armement : du bonheur pour le complexe militaro-industriel des six grands fabricants d'armes. Le Qatar achète des gadgets de mort qu'il n'emploie pas : il les offre aux terroristes, avec la garantie qu'ils ne viseront jamais un appareil ou un citoyen israélien, américain ou français, et si cela advient, comme pour trois Etats-Uniens dont un ambassadeur en Libye, cela s'appelle pertes collatérales avec en récompense aux familles une médaille de mérite... au nom de Lockheed, Boeing ou Carlyle où la famille Ben Laden est toujours actionnaire... Au Mali, on ne trouvera jamais un Qatari parmi les terroristes, mais le «généreux» donateur y a envoyé des associations caritatives ; 90% des ONG humanitaires qataries ou saoudiennes cachent un service de renseignement, qui fait semblant de donner du lait mais qui recrute des mercenaires. Le Croissant-Rouge qatari, les structures telles que Qatar Charity ou la Mou'assassat Eid ont fait des pays du Sahel (et donc du Nord-Mali) l'un de leurs terrains d'intervention privilégiés. Avant l'intervention française, ces ONG humanitaires qataries n'étaient présentes que dans les villes où Ansar Dine était présent, soit le Nord-Mali, alors que la misère est partout aussi au Sud : elles soignent et nourrissent les terroristes, et donnent des miettes aux pauvres. Le Qatar détient 4% de la dette malienne (3,5 milliards de dollars) : ces ONG maliennes ne peuvent-elles pas l'effacer ? Ces ONG permettent de ceinturer le Sahel d'agents de renseignements comme l'était le Pakistan dans les années 1980. C'est grâce à ces «associations caritatives» que les terroristes saoudiens et du Golfe étaient présents en Afghanistan, durant la première guerre, de 1979 à 1986 : le livre House of Bush, House of Saud de Craig Unger montre le fonctionnement de ce réseau «humaniste» créé par Abdoullah Youcef Azzam et Ben Laden et qui a permis d'acheminer des fonds et des armes aux Afghans et aux Afghans arabes, puis aux terroristes islamistes en Bosnie, en Tchétchénie... Dans le cadre de cette «mission», Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri, alors amis, sont même allés acheter des Stinger aux Etats-Unis, ce que Reagan autorisera à donner aux «moudjahidine» afghans (opération Cyclone). Ces structures «caritatives» sont toujours existantes et se renforcent au fur et à mesure que se développe «l'autoroute du terrorisme». Sur l'intervention atlantique en Libye en 2011, il y a une vidéo disponible sur YouTube qui montre des missiles qui tombent d'une caisse frappée du Croissant-Rouge qatari pendant sa manipulation par les «rebelles» anti-Kadhafi. S'agissant de la Syrie, des terroristes libyens avouent (dans un documentaire du journaliste libanais Khoudr Aouarka) avoir acheminé sous la couverture humanitaire plusieurs bateaux d'armements aux terroristes qui ont massacré des dizaines de milliers de militaires et de civils syriens. Dans un entretien téléphonique de 9 minutes, le député libanais Okab Sakr (courant proche de Rafik Hariri et des phalangistes) parle avec un chef terroriste en Syrie lui demandant un approvisionnement en armes. Tout le monde s'est mis dans le commerce de la mort, officiels, banquiers, directeurs d'agences de renseignement, députés, organismes humanitaires... qui, eux, sont les véritables patrons d'Al- Qaïda, pas cet Ayman Al-Zawahiri qui ne sert que de leurre, tout comme Ben Laden dont l'holographie a été effacé pour donner un nouveau souffle à la nébuleuse. Le rôle trouble du Qatar : pourquoi en avoir peur ? Dans la crise du Sahel, ce n'est pas uniquement le Mali qui est visé mais tous les pays de la région : l'attentat d'In Amenas est lourd de menaces nouvelles... L'assassinat de deux gardiens d'oléoduc à Bouira vient montrer que les cibles sont ce pétrole et ce gaz qui nous donnent à manger. Les infrastructures pétrolières irakiennes font l'objet de sabotages permanents par Al-Qaïda et d'autres mercenaires agissant pour le compte des commanditaires de l'ombre. Le gazoduc iranien a explosé en territoire turc... Il n'y a pas que la production de pétrole et de gaz qui compte, parfois sa non-production est plus avantageuse pour l'Amérique (l'Irak ne pouvait produire qu'un quota donné des années durant ; aujourd'hui, le pétrole iranien est boycotté). Les puissances impérialistes ne cherchent pas que le pétrole. D'ailleurs il y a trop de pétrole et de gaz aujourd'hui. Le gaz russe et le gaz iranien gênent le Qatar et l'Arabie Saoudite, qui veulent réduire la production des autres pays pour imposer leur marchandise, d'autant qu'ils ont investi des sommes énormes dans des raffineries. Le pétrole découvert en zone syrienne, libanaise et chypriote fait à la fois rager et rêver : la crise syrienne est aussi liée à cette volonté de lui prendre sa richesse ou de retarder sa production, tout comme elle vise à saboter le gazoduc russe pour permettre le passage d'un gazoduc qatari vers l'Europe à condition qu'un nouveau gouvernement prenne Damas, selon le journal libanais Al-Akhbar. In Amenas produit du gaz et le Qatar peine à trouver des clients pour sa ressource... Le Qatar est aussi actionnaire dans Total qui veut avoir des concessions dans le pétrole récemment découvert au Mali, aux frontières de la wilaya d'Adrar. Total a retardé la production de gaz iranien (dans ses concessions iraniennes) pour permettre l'extraction du gaz qatari, et l'affaire est entre les mains de la justice... Les coups fourrés du Qatar à l'encontre de l'Iran, et récemment de l'Egypte méritent d'être médités : Hamad a raflé à son ami Morsi le marché de gaz israélien ! Le gazoduc égyptien vers Israël est souvent saboté depuis les «Printemps arabes», alors le Qatar signe un contrat avec Israël (2012) pour lui assurer un approvisionnement sans sabotages... Un Sahelistan causera des morts, des déplacements et un ralentissement économique insupportables qui ne feront qu'aggraver la crise, outre le développement de la drogue, et aucune fermeture des frontières ne permettra de l'éviter comme l'a montré l'attentat d'In Amenas. Le but du terrorisme n'est pas de tuer des gens mais de détruire des économies, des nations, des Etats et en faire des Etats faillis, des pays qui ne concurrencent pas les grandes puissances qui peuvent alors en piller les richesses sans contrôle. Le terrorisme produit du terrorisme en créant les conditions de son développement, et c'est ce mécanisme qui semble aussi être enclenché en Irak qui, malgré son immense production pétrolière, patine en place à cause du terrorisme et des divisions internes. Si la crise malienne transformait la région en Sahelistan, un scénario apocalyptique se profile à l'horizon. Au Mali comme en Afghanistan, en Syrie et en Irak, ce sont essentiellement des groupes terroristes qui sont responsables du drame. Si les groupes appartiennent à la même nébuleuse (Al-Qaïda), ce sont aussi les mêmes cercles qui désignent leur agenda, dans un centre de commande qui n'a rien à voir avec la grotte troglodytique d'Ayman Al-Zawahiri mais plutôt avec un bureau hypersophistiqué avec des décideurs et des stratèges entourés de think-tanks liés à des multinationales qui brassent des centaines de milliards de dollars. La multinationale terroriste est un outil du libéralisme prédateur de ce siècle où le budget de défense de l'Amérique est de deux fois supérieur à celui de ce pays durant ses deux années de sa participation à la guerre mondiale ! Oui, pour combattre le gueux Ben Laden, le Department of Defence (DoD) se donne un budget deux fois supérieur à celui qu'il avait dans sa guerre contre Hitler, Mussolini et Hiro-Hito ! Vous avez compris que ce budget (750 milliards de dollars en 2010 et 676,7 en 2012) ne peut s'expliquer que par une corruption d'une dimension inouïe qui rend l'Etat américain otage du complexe militaro-industriel et des autres entreprises contractuelles du Pentagone. La pire dictature se trouve camouflée sous le système politique qui apparaît comme le plus démocratique du monde. Manipulateurs de l'ombre, commanditaires actifs Des intérêts variés, parfois contradictoires, sont cachés derrière ces conflits impérialistes qui se concrétisent par l'entremise de supplétifs, tandis que les maîtres d'ouvrage se contentent de nourrir les facteurs crisogènes, notamment par les médias, surtout lorsque des chaînes autochtones et «crédibles» comme Al Jazeera ou Al Arabia sont de la partie. D'ailleurs, il est écrit dans le rapport Horizons stratégiques 2012 du ministère français de la Défense : «Dans un contexte multipolaire, l'affrontement entre puissances pourra également se mener par procuration, au travers de pays tiers appartenant à leurs sphères d'influences respectives.» Ce rapport reconnaît que «la criminalité transnationale pourrait aussi, a contrario, être suscitée ou soutenue par certains Etats ou organisations trans-étatiques, dans le cadre d'une stratégie indirecte ». Or, la France est un de ces pays manipulateurs de groupes terroristes depuis plusieurs décennies, à l'instar des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne notamment. Les maîtres d'ouvrage sont en action au Mali, parmi eux la France et le Qatar, en attendant que d'autres se révèlent ou que se révèle pour qui courent ces deux premiers ou l'un des deux. Le terrorisme dit «islamiste» ne vise pas les Occidentaux ni l'Occident mais les musulmans et les pays musulmans. Il continue à jouer pleinement ce rôle tel que l'a voulu Zbigniew Brzezinski, l'inventeur de cette arme qu'on appelle terrorisme «islamiste» et qui consiste à utiliser des musulmans contre des musulmans, une arme expérimentée d'abord en Afghanistan (sous Jimmy Carter et Ronald Reagan). Dans le pays de Djamal Eddine El Afghani, des dizaines de milliers de mercenaires de pratiquement tous les pays musulmans ont combattu aux côtés des Américains. Puis en Algérie, ils voulurent instaurer une «république islamique», pareil en Tchétchénie et même en Bosnie où ils ont été transportés dans des avions de l'OTAN et bénéficié de l'aide occidentale pour déstabiliser la Russie comme ils l'ont fait auparavant pour embourber l'URSS dans une guerre coûteuse. «Les islamistes dits radicaux ne sont radicaux qu'en paroles contre l'impérialisme», écrit Bill Van Auken, un candidat à l'élection présidentielle américaine en 2004 et membre du Parti égalité socialiste, qui sait que l'islamisme est un outil utilisé par les républicains et les démocrates pour renflouer les caisses des marchands d'armes et celles d'autres firmes. Il ajoute : «Partout dans le monde, le terrorisme est apparu suite aux interventions américaines ou même avec leur aide ! L'Irak n'a connu le terrorisme qu'après les guerres des Etats-Unis. Le terrorisme de Ben Laden est directement une création de l'impérialisme américain. Le terrorisme s'est grandement développé après l'intervention américaine en Somalie, etc., etc.» Mais ni lui ni Ron Paul, qui demandait à réduire drastiquement le budget inutile, criminel et corrupteur de la défense, ne pourront un jour être élus à cause d'un système électoral qui exige un immense budget de campagne (2,6 milliards de dollars pour Obama et Romney, selon le Washington Post) pour arriver en bout de course, et ce budget ce sont les super donateurs, soit les entreprises bénéficiaires des contrats de la Maison-Blanche, qui l'offrent aux... candidats. A. E. T.