Des élections sénatoriales au suffrage indirect ont eu lieu hier au Cameroun, dans un contexte de tension dans les provinces anglophones du sud-ouest et du nord-ouest frappées depuis plusieurs mois par des actions violentes de groupes séparatistes. Quelque 10 000 conseillers municipaux doivent élire pour cinq ans 70 sénateurs sur les 100 que compte le Sénat, 30 devant être désignés plus tard par le président Paul Biya. Le parti présidentiel, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), déjà largement majoritaire au Sénat, part grand favori de ce scrutin, le principal parti d'opposition, le Front social démocratique (SDF), ne présentant des candidats que dans cinq des dix provinces du pays. Le président du Sénat assure l'intérim du chef de l'Etat en cas de vacance, mais cette chambre n'a qu'un rôle marginal, essentiellement celui d'examiner les lois en seconde lecture après leur premier passage à l'Assemblée nationale. L'enjeu principal du scrutin est son bon déroulement dans les deux provinces anglophones du sud-ouest et du nord-ouest frontalières du Nigeria, où la situation reste tendue en raison des activités de groupes séparatistes armés. Accusant le gouvernement d'avoir «militarisé» ces provinces, ils lancent des attaques meurtrières contre les membres des forces de l'ordre, de sécurité et de défense — une trentaine tués depuis l'aggravation de la crise au dernier trimestre 2017— et procèdent à des enlèvements. Pour la première fois, des étrangers —deux ingénieurs tunisiens— ont été enlevés dans une province anglophone, le Sud-Ouest, à la mi-mars. L'un d'eux a été tué lors d'une opération de l'armée pour les libérer. Il a été «assassiné» par «les terroristes», selon l'armée. Les séparatistes ont demandé aux représentants de Yaoundé, ainsi qu'aux forces de sécurité et de défense, de quitter leur territoire, les qualifiant de «forces d'occupation». La tension et les violences en zones anglophones ont entraîné l'exode de quelque 33 000 personnes qui ont fui au Nigeria. Les séparatistes jouent sur le sentiment de frustration de nombreux anglophones (20% de la population) qui se considèrent comme marginalisés, voire discriminés, par la majorité francophone et dénoncent un partage inéquitable de la richesse nationale.