L�histoire et la science politique, voire la sociologie politique nous renseignent et enseignent comment naissent, �voluent et d�p�rissent les partis politiques. Ces enseignements s��tablissent comme de v�ritables lois implacables auxquelles nulle organisation ne saurait �chapper ou d�roger. N��tant ni historien, ni politologue, mon propos ne peut donc aucunement tenir du cours acad�mique magistral. Mais cette pr�cision �tant affirm�e, je ne peux m�emp�cher d��mettre ce qui m�habite comme r�flexions, pens�es, voire sentiments, surtout lorsqu�il s�agit du FLN auquel j�ai vou� toute ma vie durant plus d�un demi-si�cle. En ce sens, je peux pr�tendre, humblement et modestement, conna�tre le FLN � travers toutes les �tapes de cette organisation politique exceptionnelle. Ce qualificatif ne peut �tre �mis dans le sens univoque que lui donne le langage commun, c�est-�-dire uniquement dans le sens de magnificence, de grandeur, car, pour le commun des mortels, le FLN a eu plusieurs faces, connu plusieurs �tapes et cela m�inspire des r�flexions qui s�articulent autour des exigences et des r�ponses intimement li�es � chaque �tape. J�ai eu d�j� l�occasion de m�exprimer sur ce sujet. Mon propos aujourd�hui s�inscrit comme la suite logique de mes �crits tout au long de ces vingt derni�res ann�es. Par plus de clart�, il m�impose assez fortement de pr�ciser certains principes d�ordre pratique, th�orique et parfois personnel. D�abord sur le plan pratique, tout lecteur peut m�interpeller sur la pertinence du moment choisi. N��tait-il pas plus judicieux d�intervenir avant la tenue du neuvi�me congr�s � le plus fastueux, mat�riellement parlant, et le plus couru, courtis� par un ensemble h�t�roclite de pr�tendants ? Ma r�ponse est que je ne voulais point le faire dans une ambiance �chauff�e� aux feux de Bengale ; pour ne pas �polluer� davantage un �climat� o� la surench�re tenait lieu de d�bats, l�incorrection, pour ne pas dire autre chose, le comportement le plus manifeste. J�ai pr�f�r� le calme, la s�r�nit�, � l�instar des milliers de militants, ces centaines d�anciens responsables. Sur le plan th�orique, toute organisation sociale, politique na�t d�une rupture id�ale, organique, structurelle. Cette rupture peut �tre radicale, violente, r�volutionnaire ou pacifique, transitive progressive. Le caract�re de cette rupture est d�termin� par des consid�rations et des situations endog�nes ou exog�nes, objectives ou subjectives ; planifi�es ou intuitives. Ce caract�re ne peut �tre, en aucun cas, pr�d�termin�. Il est connu, �tudi�, analys� a posteriori � travers un ensemble d��tudes, d��valuation, de syst�matisation. Le FLN et le discours politique Le discours politique, qu�il soit le produit d�un parti lui-m�me ou celui de son environnement proche et lointain. � cet �gard, il me semble qu�aucun parti, autre que le FLN, dans le monde arabe et africain, n�a �t� l�objet de tant de sollicitudes, bienveillantes ou malveillantes mais toujours d�viantes car marqu�es par des consid�rations d�nu�es de toute analyse pertinente. On est pour ou contre, et c�est tout. Le FLN a, depuis l�appel du 1er Novembre 1954 jusqu�� l�av�nement du multipartisme � la fin des ann�es 80, d�velopp� toute une litt�rature politique, doctrinale et doctrinaire ayant pour objet un projet de soci�t� plus ou moins compris et accept�, rejet� ou combattu, selon les circonstances et les acteurs du moment consid�r�. Les adversaires du FLN ont aussi d�velopp� une litt�rature, fond�e malheureusement sur des arguments plus �sloganesques� que pertinents. Dans les deux cas, il y a absence d�analyse objective, occultant le r�le des hommes dans ce processus de construction, voire m�me reconstruction. Si on admet la complexit� du sujet et de l�objet (le FLN), commence alors la pertinence ou l�inertie des arguments des uns et des autres. Cette d�marche permettra, � coup s�r, d�entamer un d�bat serein, constructif aux antipodes des �mots d�ordre�, des slogans, des �v�rit�s� historiques que chacun puisse pertinemment ou sournoisement obtenir. Le FLN est le fait des �tres humains et il a aussi �fa�onn� des hommes, dans un sens ou � son oppos�. La presse nationale, dans ses diff�rentes formes, ne peut �voquer le FLN, normalement, sans lui accorder un qualificatif. L�opposition, dans sa grande majorit�, emprunte une vir�e et une voix discursive sans port�e r�elle, rejoignant fatalement la voie et la voix des pouvoirs en place aux moments consid�r�s. Le FLN a, pendant tr�s longtemps, r�pondu par l�argument de la l�gitimit� historique, argument banni au d�but de notre si�cle par la plus haute autorit� du pays, en l�occurrence le pr�sident de la R�publique. � l�approche du 9e congr�s, appara�t une nouvelle formule, qui, � mon sens, restaure la notion de �l�gitimit� historique �. Le FLN est l�h�ritier du PPA ! Le MNA, dont la f�lonie ne peut �tre ni�e ni par l�histoire ni par l�analyse du PPA-MTLD. Bien de dirigeants des partis d�opposition se r�clamaient aussi du PPA au sein duquel les dirigeants des partis d�opposition occupaient des postes de responsabilit�. La force d�un parti Il serait presque pl�onastique d�affirmer que la force d�un parti repose fondamentalement sur la force de son id�e, de ses id�es concr�tis�es par un �projet de soci�t� que la soci�t�, le peuple ou la nation acceptent ou r�cusent. La qualit�, la force de ses id�es d�terminent sa pr�gnance au sein de l�espace qu�il contr�le ou pr�tend contr�ler. La force d�un parti repose aussi sur la qualit� de ses dirigeants et ses militants, de leur honn�tet�, de leur d�sint�r�t pour les pr�bendes. Elle repose aussi sur ses capacit�s d��volution et d�adaptation au contexte environnemental g�n�ral sans se renier et se d�raciner. Un parti ne peut �tre confin� dans un sigle (f�t-il prestigieux !) ou le comportement d�une fraction de ses dirigeants locaux, r�gionaux ou nationaux. Cette capacit� � se r�adapter peut et doit �tre �largie jusqu�au changement de sigle, de l�appellation sans toutefois se renier et renier ses fondamentaux. Presque tous les partis du monde des ann�es 50 et 60 ont chang� de sigle et d�appellation. Si un parti n�arrive pas � s�adapter, il finira sans aucun doute possible � dispara�tre violemment comme c�est le cas du Baath irakien, des PC Est europ�ens ou m�me des sigles de partis en Europe occidentale. Le �gaullisme�, id�e fortement pr�gnante en France, n�avait-il pas chang� de sigle, de m�thode et de dirigeants tout en gardant sa quintessence, m�me pendant la p�riode mitterrandienne (socialiste). L�USA (Union socialiste arabe), en Egypte et en Libye, n�a-t-elle pas chang� de sigle, de m�thode ? Faut-il subir le sort du Baath que l�on croyait indestructible ? En Tunisie, il y eut le Destour, le n�o- Destour, ensuite, le Rassemblement. � chaque �tape correspond une r�ponse. Tout parti na�t, se d�veloppe pour d�p�rir. C�est une v�rit� axiomatique. La seule diff�rence dans ce processus r�side dans la mani�re et les m�canismes de disparition, r�sum�s et cat�goris�s entre violente et pacifique transition. J�avais esp�r� avant et apr�s la tenue du 9e congr�s que des esprits lucides au sein des directions nationales du FLN �voquent la n�cessaire transition pacifique du parti, d�un parti de Lib�ration nationale � un patrimoine national immat�riel pour tous les Alg�riens, toutes g�n�rations confondues. Le FLN n�est pas et ne peut �tre un parti comme les autres que s�il arrive lui-m�me � se transformer. Sa mission ultime est de transmettre son patrimoine � tout le peuple, � toute la nation. C�est la principale revendication de larges couches et classes en Alg�rie. C�est � cette revendication que doivent r�pondre les responsables et les militants sinc�res du FLN, tels qu�interpell�s par l�appel du 1er Novembre 1954. Je vois, d�s � pr�sent, certains cercles, certains responsables, certains de mes amis m�accuser de vouloir rejoindre les partisans du slogan �le FLN au mus�e !�. Ce slogan m�indispose grandement et je le trouve insens�, ses partisans montrent une inculture manifeste car le mus�e n�est pas une tombe, un tombeau, un caveau ou un grenier, un d�barras du peuple, de la nation. Un mus�e est une institution dynamique qui pr�serve, valorise une identit� nationale, une m�moire existentielle du peuple et de la nation. Dans ce sens, je dis clairement oui � la formule. Ensuite, dans le fond, �le FLN au mus�e !� (dans le sens noble du terme) est l�ultime mission qui nous incombe en tant que g�n�ration. Cela n�implique gu�re la mise � mort du FLN en tant qu�id�e, programme et �uvre de la renaissance de l�Alg�rie. Cela n�explique gu�re aussi l�interdiction pour ceux int�ress�s par la cr�ation d�association, de parti dont l�id�e s�inspirerait du FLN. Il sera, d�s lors, possible de r�habiliter sinc�rement le FLN qui trouvera sa d�fense, sa m�moire, ses �uvres assur�es par tous les Alg�riens. Toute autre d�marche ne saurait �tre qu�autisme historique. Cet �autisme� historique serait compr�hensible chez les g�n�rations postind�pendance car il est, en grande partie, d� � la d�faillance, voulue ou involontaire. De ma g�n�ration, en serait-il autrement ? assur�ment NON ! Rappelons-nous la fameuse et historique r�union qui a pr�sid� au d�clenchement de la guerre de Lib�ration. Cette r�union dite des �22� a regroup� de jeunes militants totalement inconnus, non seulement par les �t�nors� de la direction du PPA-MTLD mais aussi par la base des militants. Ces jeunes militants repr�sentaient le pur produit de la longue marche du mouvement national. Ils ne se souciaient gu�re de la lutte entre les �tenants� de la sacralit� des sigles ou des za�mismes des uns et des autres et, � l�instar des larges couches populaires, ils ne croyaient plus en la magie des mots, des discours, des titres ronronnants, des responsabilit�s. Tout en gardant et en valorisant les grands principes du mouvement national, ils ont pr�sent� au peuple alg�rien en g�n�ral, et aux �militants sinc�res (formule dans l�appel du 1er Novembre) un nouveau sigle (le FLN), devenu l�gendaire. Ce sigle, r�sumant en trois mots les attentes du peuple, a pu concr�tiser la relation entre le signifi� et le signifiant, induisant une transformation radicale et une nouvelle forme de lutte et de militantisme dont les fondements s�articulent autour d�exigences frontistes unitaires. Une philosophie g�n�rale r�pondant aux d�veloppements de l��poque. De tous ces �l�ments, il me semble normal, sinon n�cessaire, et au regard de l��volution de notre soci�t� et des us et coutumes r�gissant l�espace partisan, de recourir � la dynamique enclench�e en Novembre 1954. S�il faut l�guer le patrimoine du FLN en tant qu�h�ritage (soci�tal), cela doit se faire au profit de tous les Alg�riens, et la probl�matique du sigle pourra �tre transcend�e. La transcendance du sigle ne rel�ve pas du tabou et ne s�inscrit que dans le cadre de la perp�tuation des fondateurs. Aussi le FLN r�cup�rera toute sa grandeur et son symbolisme. Tous ses h�ritiers puiseront dans la s�ve originale de ce mouvement historique et pourront, d�s lors, distinguer le conjoncturel du permanent, l�essentiel du secondaire, l�historique du pr�sent. Ceci conduit assur�ment � une perception claire et intelligible de l�avenir en d�finissant des buts, des moyens et des acteurs. Nous vivons aujourd�hui de grandes transformations � tous les niveaux (local, r�gional, national, et mondial) dont l�axe et le pivot se situent dans la sph�re civilisationnelle au sein de laquelle l�homme est � la fois sujet et objet. Face � un tel d�fi encore mal appr�hend�, la responsabilit� doit �tre rendue et assum�e par la g�n�ration post-ind�pendance. Quant � nous, la g�n�ration de Novembre 1954, nous n�avons comme ambition que de voir l�h�ritage assum�, valoris� dans ses diff�rentes phases et facettes, le sigle y compris. C�est notre ultime mission, notre testament, celui du laboureur et ses enfants.