La levée de bouclier qui entoure le nouveau projet de loi sur la santé s'élargit au corps des médecins et pharmaciens spécialistes en biologie clinique. Cependant, contrairement à ceux qui critiquent la mouture initiale dudit projet, les biologistes cliniciens, eux, dénoncent les modifications apportées la semaine dernière sur deux articles de loi qui devaient interdire aux biologistes mono-spécialistes l'exploitation de laboratoires d'analyses médicales polyvalents. Salima Akkouche - Alger (Le Soir) -L'avant-projet de loi sanitaire, dans sa mouture initiale, a réglementé l'activité de l'exploitation des laboratoires d'analyses de biologie médicale. Dans ses articles 340 et 341, il est stipulé que «sont autorisés à exploiter un laboratoire d'analyses de biologie médicale les titulaires du diplôme d'études médicales spécialisées en biologie clinique». Cinq spécialités de base, la biochimie, l'hémobiologie, la parasitologie, la microbiologie et l'immunologie, sont requises dans le cursus de formation d'un biologiste clinicien. Le texte de loi précise également que «le titulaire d'un diplôme d'études médicales spécialisées, mono-spécialiste dans l'une des spécialités biologiques de base, est autorisé à exploiter un laboratoire d'analyses correspondant à sa spécialité uniquement. Il est autorisé à exploiter un laboratoire d'analyses de biologie médicale à la condition que le laboratoire assure les cinq spécialités de base qui sont la biochimie, l'hémobiologie, la parasitologie, la microbiologie et l'immunologie. Les mono-spécialistes peuvent s'associer pour créer un laboratoire d'analyses de biologie médicale de groupe, sous la condition d'assurer les cinq spécialités de base». Un retour aux standards internationaux se réjouissent les médecins et pharmaciens spécialistes en biologie clinique qui dénoncent de «graves dérives dans la profession». En effet, le collectif autonome des médecins et pharmaciens spécialistes en biologie clinique explique que cette activité baigne dans une anarchie totale depuis 2008, suite à une dérogation introduite par Amar Tou, qui était alors à la tête du département de la santé, et qui autorisait les mono-spécialistes à exploiter un laboratoire d'analyses polyvalent. La joie de ce collectif qui attendait l'adoption de la loi sanitaire pour une mise en place d'une réglementation n'a pas duré longtemps. Puisque la semaine dernière, après sa discussion à l'Assemblée populaire nationale, les deux articles 340 et 341 ont été modifiés au profit de deux autres nouveaux articles qui laissent une nouvelle fois le champ libre aux mono-spécialistes d'ouvrir des laboratoires de biologie médicales polyvalents. Un retour à la case départ qui a suscité la colère du collectif autonome des médecins et pharmaciens spécialistes en biologie clinique. Selon ce dernier, le ministère de la Santé a reculé sur sa décision sous la pression du mouvement de grève des médecins résidents. Dans sa plateforme de revendications, le Camra, souligne-t-on, a demandé le droit des mono-spécialistes à l'ouverture de laboratoires d'analyses polyvalents. Une chose qui leur a été accordée. Une décision, estime le collectif des biologistes cliniciens, qui porte préjudice à la profession ainsi qu'aux malades. Il explique que «la biologie clinique est une spécialité médicale qui permet le diagnostic et contribue au diagnostic de 70% des maladies. Elle joue également un rôle primordial dans le suivi d'une maladie et l'efficacité du traitement. Durant le cursus de cette spécialité à laquelle accèdent les médecins et pharmaciens après concours du résidanat, ces derniers bénéficient des formations théoriques et pratiques englobant les cinq mono-spécialités biologiques, à savoir la parasitologie-mycologie, la biochimie, l'hémobiologie, la microbiologie et l'immunologie, sanctionnées par cinq examens nationaux semestriels classant et un examen de Diplôme d'études médicales spéciales DEMS final». Or, dénonce t-on, «nous assistons à de graves dérives et une dévalorisation totale de cette discipline qui est pourtant la clé de voûte d'un diagnostic et d'un traitement bien conduits, puisque des mono spécialistes sont installés dans des laboratoires polyvalents et établissent des résultats d'analyses dans les cinq spécialités sans la moindre connaissance théorique ou pratique dans les quatre autres spécialités qu'ils n'ont pas étudiées. Ainsi, on pourrait à l'avenir voir un orthopédiste ouvrir une clinique d'ophtalmologie puisque tous les deux sont des médecins chirurgiens, ou un gynécologue ouvrir un centre d'imagerie médicale du moment que ce dernier fait de l'échographie ». Et de s'interroger : «Est-il rationnel de demander à un microbiologiste de lire un frottis sanguin et de poser le diagnostic d'une leucémie ? Ou de demander à un biochimiste d'interpréter une culture bactérienne ? Ou à un toxicologue de lire et interpréter une électrophorèse des protéines et d'orienter ainsi le clinicien dans son diagnostic alors qu'ils ne possèdent aucune qualification pour le faire ? ». Le collectif qui appelle le ministère de la Santé à respecter la première mouture du texte de loi sanitaire estime que la démarche actuelle est « contre l'éthique et la déontologie ainsi que le principe de la médecine de qualité». S. A.