Indépendamment de l'humiliation subie par les nécessiteux lors de la distribution ostentatoire des «couffins du Ramadhan» et des mécontentements que suscite l'établissement des listes des bénéficiaires, ces colis de denrées alimentaires bricolés pour montrer la solidarité nationale pendant le mois de carême constituent surtout un business florissant et rapportent annuellement plusieurs millions de dinars aux commerçants qui sont dans les petits papiers des élus locaux. En effet, cette opération, budgétisée par l'Etat et exécutée par les 1541 communes du pays, est gérée assez souvent dans une totale opacité puisque les marchés attribués aux commerçants pour la constitution du couffin sont scindés en petits lots qui ne justifient pas le recours à une procédure de mise en concurrence. D'autant que l'exécution de ces transactions conclues en mode gré à gré par les Assemblées populaires communales (APC) est impossible à contrôler pour déterminer si cette «aide» allouée par l'Etat aux familles démunies est bel et bien arrivée à destination. Certains témoignages rapportés par les médias chaque Ramadhan affirment même que les denrées distribuées sont parfois périmées. Or, on assiste chaque année à la surenchère des Assemblées populaires communales (APC), rivalisant à qui détiendrait le plus grand nombre de nécessiteux pour distribuer le plus de couffins et bénéficier d'une rallonge du budget de l'année précédente. Le nombre de couffins annoncé dans certaines communes contraste souvent avec la situation socioéconomique qui y prévaut. A l'instar de Aïn M'lila dans la wilaya de Oum-el-Bouaghi, comme l'a rapporté le journal économique online bourse-dz.com, où le montant consacré cette année à l'opération a atteint près de 24 millions DZD. Ce qui donne près de 5 000 couffins si on calcule sur la base de 5 000 DZD/couffin comme moyenne de la valeur des denrées composant le couffin, soit un dixième de la population de cette commune qui, faut-il le souligner, n'est pas défavorisée au vu de l'activité agricole et commerciale qui s'y est développée. C'est un budget, a encore fait remarquer bourse-dz, équivalent à celui de Constantine qui compte dix fois plus d'habitants. Bref, ce budget alloué chaque année par l'Etat à cette opération et qui tourne autour de 8 milliards DZD – le ministère de la Solidarité nationale se réjouit chaque année d'avoir distribué entre 1,5 et 2 millions de couffins –, reste en tout cas inefficace et façonné par des intérêts très étroits pour un résultat humiliant pour le nécessiteux. L. H.