Harry Kane a réussi un triplé en Coupe du monde, comme Gary Lineker. Il mène le classement du Soulier d'or avec six buts, exactement comme Lineker en 1986. Mais emmènera-t-il l'Angleterre en demi-finale, comme Gary en 1990 ? «Prince Harry» est le fiancé de l'Angleterre en cet été 2018. Elle rêve de retrouver à son bras le dernier carré mondial pour la première fois depuis 28 ans. Mais il faudra échapper aux tentacules de la défense suédoise, samedi à Samara. En 1990, le buteur des Trois Lions était Gary Lineker, son doublé (sur penalties) avait mis à genou les Indomptables du Cameroun en quarts de finale (3-2 a.p.). Il avait encore marqué en demi-finales, égalisant contre l'Allemagne, et réussi son tir au but, mais n'avait pas empêché l'élimination (1-1, 4-3 t.a.b.). Ce soir-là, Gary a sorti son fameux aphorisme : «Le football est un jeu simple où 22 types courent après un ballon, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne». Cette loi semble moins implacable en 2018, et comme l'Angleterre se met à gagner aux tirs au but (1-1, 4-3 t.a.b. contre la Colombie), tous les espoirs sont permis au pays inventeur du football. Espoirs portés par Harry Kane. Le capitaine en est déjà à 6 buts, le total atteint par Lineker en 1986, l'année où il avait terminé meilleur buteur de la Coupe du monde avec un triplé contre la Pologne (3-0) en poules, comme Kane contre le Panama (6-1) en Russie. «Gagner le tournoi» L'attaquant de Tottenham, 29 buts et 30 buts ces deux dernières saisons de Premier League, a même marqué six buts en six tirs cadrés en Russie. A 24 ans, il peut espérer doubler un jour son aîné et ses 10 buts en Coupe du monde (6 en 1986 et 4 en 1990). Certes, «Prince Harry» en a marqué la moitié sur penalties, rejoignant le Bulgare Hristo Stoitchkov, dernier joueur à avoir réussi trois penalties en une Coupe du monde, en 1994. Mais Lionel Messi, Cristiano Ronaldo ou Luka Modric ont raté des tirs au but en Russie, rappelant qu'il fallait quand même «la mettre au fond». Et ça, Kane sait faire. «En ce moment, j'ai l'impression que je peux marquer chaque fois que nous jouons, confie-t-il. Des fois, la balle semble me venir droit dessus et tout tourne dans mon sens». Au point de viser la succession de Gary 32 ans après ? «Ce serait super, mais le Soulier d'or n'est vraiment pas mon objectif. L'objectif, c'est de gagner le tournoi». Lineker, modèle de fair-play, pas même un avertissement en 16 ans de carrière, n'éprouve aucune jalousie. Consultant influent en Angleterre, il défend toujours son lointain successeur, qu'il présente comme «un buteur de classe mondiale». Amour du maillot Harry «frappe dans n'importe quelle position et ça me plaît, détaillait Lineker au magazine 4-4-2. Il me rappelle beaucoup Alan Shearer (un autre capitaine buteur anglais, ndlr), il a une bonne frappe, il est bon dans les airs, totalement concentré, et il peut être égoïste quand c'est nécessaire». Harry et Gary partagent aussi un grand amour pour le maillot. Kane «a une vraie passion pour l'équipe d'Angleterre», explique l'entraîneur Mauricio Pochettino au Sun. Le nouveau capitaine «aime jouer pour son pays», ajoute le technicien qui l'a révélé à Tottenham, comparant cet amour à ceux de ses compatriotes argentins «Diego Maradona et Ossie Ardiles». Osvaldo Ardiles, champion du monde 1978, est une légende des Spurs, où il a joué et entraîné. Tottenham, où Lineker a aussi laissé un grand souvenir (80 buts en 138 matchs), boucle ainsi la comparaison entre les deux buteurs de Sa Majesté. La saison dernière, un savoureux petit échange sur Twitter avait rappelé cette passation. Un site de paris avait demandé combien vaudrait Lineker sur le marché des transferts 2017. Gary avait répondu : «12,5 millions de livres, j'ai 56 ans». Harry avait twitté à son tour que la signature de l'ancien buteur semblait «une bonne idée: mais je garde le N.10». Et Lineker avait répliqué : «Tu gardes le maillot, et moi la zone des 6 yards (des 5,50 m)». Même dans l'humour Gary a le dernier mot. Mais Harry peut encore devenir champion du monde.